Le Patrimoine Est-il Divisible

Etymologiquement, le patrimoine renvoie au latin patrimonium, qui signifie « l'héritage du père ». Le Code civil emploie la notion mais ne la définit pas. Ainsi, la doctrine envisage le patrimoine comme un contenant. Elle le définit comme étant l’ensemble des biens et des dettes d’une même personne, présents ou futurs, formant un tout au sein duquel l’actif répond du passif. Ce tout indivisible est une universalité de droit.

Selon Charles Aubry et Charles Rau, le patrimoine est intimement lié au sujet et à sa personnalité juridique. Ils en tirent alors trois conséquences : tout patrimoine appartient à une personne, toute personne a nécessairement un patrimoine et toute personne n’est titulaire que d’un seul et unique patrimoine. Ils vont ainsi développer la théorie de l’unité et de l’unicité du patrimoine, selon laquelle le patrimoine de chaque personne est un et indivisible.

En l’espèce, il convient d’écarter les deux premiers principes dégagés par Aubry et Rau. En effet, ces derniers reviennent à parler de la capacité de jouissance des personnes et de leur aptitude à acquérir des richesses. La question d’un patrimoine divisible renvoie d’avantage à leur dernier postulat, selon lequel toute personne n’est titulaire que d’un seul patrimoine.

La notion de patrimoine a une signification différente pour le juriste et pour le profane. En effet, dans le langage commun, le patrimoine revoie à la richesse, ce qui exclut l’idée de passif. Il renvoie plus à l’ensemble des biens possédés par une personne, qui se transmettent, et non aux dettes de celle-ci.

Aubry et Rau ont établi leur théorie à partir des articles 2092 et 2093 anciens du Code civil relatifs au droit de gage général du créancier. Ces articles ont été remplacés par les articles 2284 et 2285. La règle de l'indivisibilité du patrimoine est un principe fondamental en Droit privé. Il est souvent visé par la Cour de cassation. D’après cette règle, nul ne saurait diviser son patrimoine, or cette affirmation est aujourd’hui fortement controversée et limitée.

La théorie du patrimoine a été élaborée au XIXe siècle par la doctrine car elle n’existait ni en droit romain, ni en droit coutumier. Pour dégager cette théorie, Aubry et Rau se sont inspirés de la méthode du juriste allemand Zachariae. Leur théorie a suscité de nombreuses critiques, notamment dans la mesure où l’unicité serait un obstacle au développement des activités professionnelles. C’est pour dépasser cet obstacle que le législateur a créé des techniques juridiques. Il a ainsi mis en place la théorie de la personnalité morale, qui permet à un professionnel de séparer son patrimoine privé de son patrimoine professionnel. Il a ensuite aménagé les règles de répartition du passif social, puis en 1985, il a admis l’existence d’une personne morale unipersonnelle à responsabilité limitée.

Aujourd’hui lorsque qu’il est question du patrimoine il convient essentiellement de se demander si le principe d'unicité du patrimoine est toujours pertinent. Il est donc adéquat d’envisager si ce dernier a toujours un caractère indivisible, ou s’il peut désormais être considéré comme divisible.

Des réformes successives se heurtent au principe d'unicité du patrimoine, notamment la fiducie et l’EIRL (I). Il n’est cependant

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