Commentaire D'arrêt 1ère Chambre Civile, 24 Octobre 2012: la séparation d'un couple de concubins
Commentaires Composés : Commentaire D'arrêt 1ère Chambre Civile, 24 Octobre 2012: la séparation d'un couple de concubins. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar tielay • 11 Mars 2014 • 3 686 Mots (15 Pages) • 6 476 Vues
Commentaire d’arrêt
CIV 1ERE , 24 OCTOBRE 2012
Selon Mme Barabé-Bouchard, « pour aussi dérisoire qu’elle puisse souvent paraître en pratique, la question de la revendication de la propriété des biens mobiliers corporels à l’occasion de la séparation des couples et de la fin de leur communauté de vie est pourtant aussi fréquente que juridiquement complexe ».
C’est cette difficile question des litiges entre ex-concubins au sujet de biens mobiliers qui a été abordée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 24 Octobre 2012, et largement diffusé.
En l’espèce, à la suite de la séparation d'un couple de concubins, le concubin a conservé le véhicule automobile que la concubine a acquis et financé seule. Essuyant un refus de la part de l'ex-concubin de restituer le véhicule, l'ex-concubine l'assigne en paiement d'une certaine somme correspondant au coût d’acquisition du bien meuble litigieux.
La cour d’appel de Poitiers accueille, dans un arrêt du 26 Mai 2010, les prétentions de la demanderesse au motif qu’elle avait apporté la preuve d’un financement exclusif du bien meuble litigieux par elle-même, qu’ainsi elle emportait la propriété sur le véhicule, et, que, par conséquent la possession de l’ex-concubin sur le véhicule ne pouvait être qu’irrégulière. Le concubin condamné forme alors pourvoi en cassation.
La haute juridiction devait donc se prononcer sur la question de savoir si celui qui agit en revendication peut obtenir gain de cause en démontrant, contre le possesseur, qu'il a valablement acquis le meuble litigieux. En d’autres termes, si le paiement du prix du bien litigieux par le revendiquant suffit à emporter la preuve de sa propriété sur ledit bien.
La première chambre civile de la Cour de cassation censure, au visa de l’article 2279 du Code civil, la décision des juges du fond dans toutes ses dispositions, par un arrêt du 24 Octobre 2012, et renvoi les parties devant la cour d’appel de Limoges.
Selon la haute cour, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en faisant reposer celle-ci sur le défendeur. En effet, les hauts magistrats considèrent que la demanderesse n’a pas prouvé le titre précaire en vertu duquel le prétendu possesseur détenait le bien meuble, ou encore le vice affectant sa possession. Le paiement du prix par le revendiquant ne suffit pas à caractériser une telle précarité ou un tel vice, par conséquent la présomption résultant de la possession en vertu de l’ex-article 2279 du Code civil (aujourd’hui article 2276 du Code civil) n’a pu être renversé.
Alors qu’au vu des faits d’espèce, la solution dégagée par les juges d’appel semblait « juste » en raison de la preuve rapportée par la demanderesse de l’acquisition du bien litigieux, la Cour de cassation ne peut laisser passer une telle inversion de la charge de la preuve de la part des juges du fond. Ainsi, à travers un attendu de principe ésotérique, la haute cour rappelle que la présomption de propriété de l’article 2276 du Code civil s’applique lors de l’action en revendication d’un bien meuble entre concubins en faveur du défendeur - possesseur du bien litigieux (I). Cependant, et particulièrement dans le cas d’une relation intime telle que celle caractérisée par le concubinage, les hauts magistrats insistent sur le caractère « simple » de cette présomption ainsi que sur les moyens de renversement de celle-ci (II).
I – L’APPLICATION DE LA PRESOMPTION DE L’ARTICLE 2276 DU CODE CIVIL A L’ACTION EN REVENDICATION D’UN BIEN MEUBLE CORPOREL
ENTRE CONCUBINS
Les magistrats de cassation jugent le droit, les juristes n’ont de cesse de le répéter. Par conséquent, ce n’est pas l’opportunité de la décision des juges d’appel qu’ils ont censuré dans l’arrêt d’espèce, mais bien l’insuffisance de l’argumentation de la demanderesse retenue par la cour d’appel. Pourtant, la preuve de l’acquisition du bien litigieux par la demanderesse est certaine, mais elle se heurte au caractère actuel de la possession exercée par le défendeur (A), possession protégée par la loi, et plus précisément l’article 2276 du Code civil, anciennement article 2279 du Code civil.
Selon la Cour de cassation, le concubin, demandeur d’une action en revendication, n’a d’autre choix que de renverser la présomption de propriété, liée à la possession, accordée au défendeur (B).
A – La preuve de l’acquisition se heurtant au caractère actuel de la possession.
Selon le célèbre Doyen Carbonnier : « il est dans la nature matérielle des meubles d’être difficile à suivre et à identifier ; dans leur nature économique, d’être vendus et revendus rapidement, de passer de main en main sans laisser de trace écrite ». La règle de l’article 2276 du Code civil est donc une règle pragmatique. Celle-ci a été dégagée sous l’Ancien régime : elle constituait une défense contre les propriétaires peu scrupuleux. En effet, le propriétaire disposant d’un titre pouvait, après l’avoir cédé à un tiers, avoir la tentation d’agir contre ce dernier en revendication dudit bien. L’acquéreur ne peut alors, dans la majorité des cas en raison de l’usage, produire de titre devant les juridictions, alors que le cédant oui. C’est ainsi que la règle édictée par l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre » prend tout son sens, elle confère au possesseur un titre légal, qui s’ajoute à la possession actuelle et utile.
A ce titre, s’ajoute pour le possesseur une protection supplémentaire induite par la présomption de propriété : la charge de la preuve repose sur le demandeur de l’action en revendication. C’est précisément sur ce sujet qu’est intervenu la cassation par les juges du droit de l’arrêt d’appel. La première chambre civile considère que les juges d’appel ont « inversé la charge de la preuve » en condamnant l’attitude passive du défendeur qui se repose au fur et à mesure de l’instance sur la seule présomption de propriété en sa faveur. Ainsi la demanderesse ne pouvait se fonder seulement sur la preuve de l’acquisition du bien litigieux, à savoir la preuve du paiement intégral du prix, et plus généralement sur la preuve de sa propriété sur ledit bien.
La citation du doyen Carbonnier prend alors tout son sens : La preuve de l’acquisition du bien meuble, le véhicule
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