ONG et gouvernance dans le monde arabe
Dissertation : ONG et gouvernance dans le monde arabe. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar cmarou • 13 Décembre 2012 • Dissertation • 6 262 Mots (26 Pages) • 1 191 Vues
ONG et GOUVERNANCE DANS LE MONDE ARABE
Colloque organisé dans le cadre du programme MOST (UNESCO), en partenariat avec l'IRD, le CEDEJ, le CEPS d'Al Ahram.
29 - 31 Mars 2000 au Caire.
Le développement social au Maroc entre l’administration publique et l’administration privée questions sur la place et la réalité du tiers secteur
Par Aziz Chaker
L'espace public concédé aux ONG au Maroc dans leur ensemble, est le résultat de la rencontre de plusieurs stratégies :
- Celles, bien sûr, des associés eux-mêmes qui, dans leur diversité, s'organisent en groupes de pression, ou en espace d'expression de la demande sociale de leur communauté d'appartenance.
- Celle des institutions de la coopération internationale bilatérale ou multilatérale, publique ou privée, qui voient dans la promotion de ce "tiers secteur" une opportunité pour échapper aux pesanteurs bureaucratiques des administrations centrales et utiliser au mieux l'argent de la coopération, qui s'évanouissait jusque là dans des projets de développement répétitifs dont le rendement et la durabilité n'ont pas toujours été prouvés.
- Celle surtout de l'Etat qui, acculé par les contraintes économiques et les pressions intérieures et extérieures en faveur d'une ouverture politique et sociale, a cherché à promouvoir une issue contrôlée à ses contradictions, entre autres à travers les entités non gouvernementales, véritables "filets de sécurité" contre la persistance de la pauvreté et les débordements sociaux et politiques qui risqueraient d’en résulter. Le discours feutré des organismes internationaux répete à satiété que « le mouvement associatif s’est trouvé porté par un contexte qui légitime son existence et met en valeur sa contribution au développement. Des domaines qui ont parfois constitué des chasses gardées de l’administration lui furent ainsi ouverts : équipements collectifs, gestion des espaces publics, gouvernance, santé publique etc. ». Des centaines de petites associations locales d’usagers de services publics sont créées plus souvent à l’initiative de l’administration. Les ONG de développement économique, social et culturel favorisent implicitement les politiques néo-libérales de l'Etat et leur réalisme cynique, qui permet à celui-ci de se livrer à des coupes claires dans les budgets sociaux, en espérant que le déficit pourra être comblé par l’activisme des associations et l'entraide au sein des communautés. L'Association Marocaine de Planification Familiale exécute la politique de population de l'Etat sans exposer ce dernier aux critiques extrémistes des franges conservatrices de la société et de la classe politique. Les associations pour la défense des droits de l'homme tout en faisant avancer, lentement mais sûrement, le processus de démocratisation, servent également de rempart contre la critique répétitive des instances internationales, et un outil de canalisation de toutes les velléités contestataires et de tous les projets alternatifs.
L’expérience associative au Maroc d’aujourd’hui étant relativement jeune et pas encore assez structurée par rapport à des pays comparables, ce travail cherche en fait plus à poser des questions sur la place et les réalités du tiers secteur qu’à apporter des réponses et établir une nouvelle physionomie des acteurs de développement.
Il est essentiel pour cela d’examiner et de comprendre, dans un premier point, le contexte socio-économique, politique et institutionnel de l’entrée des ONG dans la scène publique officielle. Dans le deuxième point nous rappelerons le cadre stratégique des politiques d’accompagnement social des programmes d’ajustement et de restructuration économique, et présenterons notre perception du mouvement et du travail associatif au Maroc, en mettant l’accent en particulier sur la problématique de la participation communautaire, clef de voûte du discours sur le travail associatif, et une des conditions essentielles de succès ou d’échec des programmes de développement . Le troisième point est plutôt de nature documentaire, il sera consacré à la présentation de quelques cas exemplaires d’ONG travaillant dans les domaines économique et social et qui se trouvent aujourd’hui parmi les ONG d’avant garde s’il en est du mouvement associatif marocain.
1 / Le contexte
1.1. Bien que la politique de réformes structurelles mises en oeuvre dés le début des années 80 ait abouti à des résultats jugés satisfaisants en matière de gestion économique prudente, l'économie marocaine demeure très vulnérable. Sa fragilité est liée aux aléas climatiques (sécheresses récurrentes) qui hypothèquent la production agricole, au poids de la dette et partant l’amenuisement des ressources publiques allouées à l’investissement productif, à l’exacerbation de la concurrence internationale sur les marchés traditionnels du Maroc, à la chute des recettes touristiques et des transferts des résidents marocains à l'étranger. De surcroît, les résultats indiscutables sur le plan des équilibres macro-économiques et sur le front de l’inflation n’ont pas permis le bonheur des populations. Les politiques d’ajustement n’avaient pas l’ambition de réduire les disparités entre les régions, les secteurs, les productivités et les revenus, ce qui réduit l’efficacité du « redressement » économique, en empêchant l’intégration de tous les agents économiques.
C’est ainsi que le Maroc est au 126 ème rang en ce qui concerne l’indice de développement humain. La pauvreté touche encore 20 % de la population totale, d’après la dernière enquête nationale le niveau de vie des ménages (1998-1999). La population vulnérable avoisine les 50 %. Le milieu rural abrite 70% des pauvres, qui s'en remettent principalement à une agriculture de subsistance de faible productivité. Les indicteurs sociaux dans ce milieu sont qualifiés par la Banque mondiale de sub-sahariens : l'analphabétisme féminin est de plus de 80% dans les zones rurales, plus des deux tiers des ruraux n’ont pas accès à l'eau potable, et plus des trois quart ne disposent pas d’électricité. Plus nombreux sont encore les ruraux qui n’ont pas accès aux soins de santé, et 3 % seulement bénéficient d’une couverture sociale. Dans les domaines de l’éducation, de l’alphabétisme, de l’eau de réseau et de l’électrification
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