Les Cessions De Clientèle
Commentaires Composés : Les Cessions De Clientèle. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar 5hino • 11 Mars 2013 • 2 308 Mots (10 Pages) • 4 064 Vues
Les cessions de clientèle. Cass. civ.1ère, 7 novembre 2000
Introduction
L'article 1128 du code civil pose la condition de la licéité de l'objet, et dispose qu' « il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions ». Cet article, appliqué au domaine de la cession des clientèles civile d'un professionnel libéral, a connu une vive controverse en doctrine comme en jurisprudence. L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 7 novembre 2000 rompt avec une jurisprudence plus que centenaire en reconnaissant la validité de la cession des clientèles civiles. Cette jurisprudence met fin à une position ambiguë de la Cour de cassation et du droit positif à l'égard de la patrimonialité des activités libérales. Jusqu'à cet arrêt, la clientèle pour le système juridique était une notion différente selon sa nature civile ou commerciale. La clientèle commerciale pouvait faire l'objet de cession en tant que chose dans le commerce, la clientèle civile était, elle, considérée comme une chose hors du commerce, et ne pouvait donc pas constituer un objet licite d'un contrat, en vertu de l'article 1128 du Code civil. La différence entre les deux natures de clientèle tenait à ce que la clientèle commerciale était un élément du fond de commerce, sans lequel ce dernier n'existe pas. Il s'agissait, dans l'arrêt du 7 novembre 2000, d'un chirurgien qui avait mis son cabinet à la disposition d'un confrère en créant avec lui une société civile de moyens. Désignés au contrat comme cédant et cessionnaire, ils avaient conclu une convention au terme de laquelle était effectuée « un rachat partiel de patientèle », donc de clientèle d'une société civile libérale, contre le versement d'une indemnité. Classiquement contestable au regard de son contenu, ce contrat l'était aussi dans son exécution, violant le principe d'ordre public déontologique de libre choix du praticien par son patient. Le cessionnaire, qui avait versé une partie du montant de l'indemnité, estimait que le cédant n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, et il l'assigne en annulation de leur convention. Le cédant concluait à la validité de l'engagement et réclamait le solde de l'indemnité devant la même juridiction que le cessionnaire. Le Tribunal de grande instance de Mulhouse, par un jugement du 12 avril 1995, fait droit au cessionnaire et condamne son partenaire contractuel à lui rembourser les sommes perçues. Ce dernier interjette appel et la Cour d'appel de Colmar confirme le jugement dans un arrêt du 2 avril 1998. Le cédant forme alors un pourvoi en cassation au motif d'une part que le malade conserve, par le contrat, son entière liberté, et d'autre part que la cause du contrat était pour partie licite en ce qu'elle lui faisait obligation de présenter la clientèle au cessionnaires et de lui mettre à disposition du matériel médical, bureautique et de communication. Le contrat portant sur une cession de clientèle civile est-il licite ? La clientèle civile est-elle patrimoniale ? La première chambre civile de la Cour de cassation décide de rompre avec sa jurisprudence. Elle considère que, sous réserve que soit sauvegardée « la liberté de choix du patient », « la cession de la clientèle médicale à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fond libéral d'exercice de la profession, n'est pas illicite ». La décision rendue est en rupture avec la position jusqu'alors dominante. Bien que la Cour de cassation rejette le pourvoi, cette décision opère sur le fond un bouleversement des schémas classiques de raisonnement. La rupture effectuée par cette décision avec la jurisprudence classique transparaît nettement à travers la reconnaissance de la notion de fond libéral (I). Cependant, des limites certaines sont posées à la cession de clientèle, et cette nouvelle position va inévitablement générer des critiques (II).
I. Un revirement cohérent avec l'évolution des réalités économiques
Le revirement opéré par la Cour de cassation est en rupture totale avec la jurisprudence antérieure. Cependant, ce revirement était perceptible par l'évolution des positions sous la pression des réalités économiques.
A. La rupture avec la jurisprudence classique
1. la jurisprudence classique contournée
Classiquement, les cessions de clientèle ont été condamnées en doctrine et en jurisprudence, car la Cour de cassation considère que la clientèle repose sur la confiance, et que la confiance est hors du commerce. Cette jurisprudence a été posée dès le milieu du XIXème siècle, et a vite été mise au point une sorte de parade. La Cour de cassation a posé ce principe d'interdiction de cession des clientèles civiles, mais a accepté que le professionnel présente sa clientèle à son successeur pour un contrat à prix déterminé : le contrat de présentation de clientèle. Ce contrat doit cependant comporter des éléments objectifs. Mais jusqu'à l'arrêt rapporté, la Cour de cassation a continué de maintenir l'interdiction des cessions de clientèles civiles, interdiction fondée sur la nécessaire liberté pour le malade du choix de son praticien. La doctrine avait fortement critiqué la position de la Cour suprême. Selon elle, admettre les contrats de présentation de clientèle revenait à admettre les contrats de cession de clientèle civile. Ce revirement s'inscrit donc dans le prolongement d'un ample mouvement doctrinal et jurisprudentiel d'homologation d'opérations concernant des cabinets libéraux.
2. une reconnaissance à nuancer
Depuis quelques années, les magistrats prenaient régulièrement position en faveur de la validité de la cession de clientèle libérale, ou de cabinets ou de fonds. Les magistrats, en reconnaissant la patrimonialité des clientèles libérales, font avant tout œuvre de cohérence. La jurisprudence était en rupture avec les réalités économiques, rupture fortement visible au niveau de la position qu'adoptait la jurisprudence et celle du législateur. Ce dernier avait en effet déjà reconnu l'existence d'un fond artisanal, et donc la possibilité de contrat de cession de clientèle artisanale, assimilée à une clientèle commerciale et donc élément du fond de commerce. Pour la Cour de cassation, la cession de clientèle,
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