Le Concept De Mouvement Selon Touraine : Le Mouvement féministe Est-il Un Mouvement Social ?
Dissertation : Le Concept De Mouvement Selon Touraine : Le Mouvement féministe Est-il Un Mouvement Social ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 18 Octobre 2013 • 4 080 Mots (17 Pages) • 2 280 Vues
Le concept de mouvement selon Touraine : le mouvement féministe est-il un mouvement social ?
Fakhera Moussavi
Nous entendons par « mouvements sociaux » des mobilisations collectives en vue de provoquer des changements marquants dans l’évolution de la société. Mais pour situer le mouvement féministe, il importe de les caractériser plus finement.
Le grand théoricien des mouvements sociaux, Alain Touraine, s’appuie sur une grille de lecture marxiste. Pour bien le comprendre, il nous semble nécessaire de partir des analyses de Manuel Castells ; en effet, ce dernier a tenté de développer une explication des nouvelles luttes sociales dans un cadre d'analyse marxiste, mais il s'est heurté à certaines impasses ; à partir de là, Touraine, de son côté, réussit à opérer un dépassement de la problématique marxiste en substituant aux antagonismes bourgeoisie/prolétariat de la société industrielle une analyse de classe de la « société programmée » au sein de laquelle l'enjeu majeur devient le contrôle de « l'historicité » (que l’on peut définir, ici, comme l’ensemble des modèles culturels qui sous-tendent une société donnée). Il a ainsi clarifié sa conception des mouvements sociaux en tentant d’actualiser et d'enrichir la problématique marxiste.
Il s’attacha à faire le lien entre, d'un côté, les contradictions structurelles d’une société et, de l'autre, la forme des mobilisations et des luttes sociales qui les matérialisent. Il s’appuyait sur l’origine des processus de lutte. Ce qui l’amena à faire l’inventaire des catégories sur lesquelles se construit la vie sociale des nations :
- les enjeux,
- la base sociale,
- l’organisation,
- les forces sociales,
- l’adversaire,
- les revendications,
- l’action,
- les effets de l’urbanisation,
- les conduites politiques auxquelles s'ajouteront les influences idéologiques.
Ces notions montrent les diverses composantes qui interfèrent dans les processus de lutte que l'on peut analyser, dans un deuxième temps, en distinguant les facteurs externes (contexte, contradictions) et les facteurs internes (lien entre enjeux, type d'organisation, intensité de la mobilisation et nature des effets produits sur les processus de mobilisation ).
Son analyse ne prétend s'appliquer qu'aux luttes urbaines portant sur le cadre de vie. Pour lui et son équipe, ce cadre est d'ailleurs envisagé dans une perspective « économiciste », ce qui limite la portée de ses analyses aux contradictions liées au processus de socialisation de la consommation collective et à l'intervention de l'État dans ce processus. C’est pourquoi, il fait intervenir d’autres classes qui s’allient avec la classe ouvrière, qui est la porteuse principale des changements.
Touraine et Castells se situent essentiellement par rapport à la société civile, conçue comme un terrain tout à fait différent de celui de l'État, sans qu'il soit possible dans leur analyse de voir les mécanismes de passage d'un terrain à l'autre.
Castells ne fait souvent aucune différence entre lutte sociale et mouvement social, alors que Touraine réserve ce dernier terme aux dimensions théoriques des luttes. Castells précise ceci :
« Le mouvement social est la conduite collective organisée d'un secteur de classe luttant contre son adversaire de classe pour la direction sociale de l'historicité dans une collectivité concrète ».
Cette définition est très proche de celle de Touraine. Selon ce dernier, l’existence d'un mouvement social est liée à une prise de conscience, par les acteurs sociaux, non seulement de leur spécificité, mais également de trois principes importants : le principe d'identité, le principe d'opposition et le principe de totalité ; la conscience de ces principes signifie, pour les acteurs sociaux, la conscience d'eux-mêmes, de leur insertion dans une situation conflictuelle et d'un champ d'existence commun aux deux adversaires en conflit. Il pose ainsi la distinction, fondamentale pour lui, entre lutte sociale et mouvement social ; ce qui lui permet de saisir le mouvement social comme une totalité dynamique, caractérisée par une fragmentation de diverses luttes ayant des objets précis et plus ciblés.
Ces bases conceptuelles nous conduisent à un résultat important dans la définition d'un mouvement. Selon Alain Touraine « un mouvement social est caractérisé par son identité, son opposition, et sa totalité ».
Un mouvement social est une action collective voulue et organisée à travers laquelle un acteur de classe, conscient de son identité et de ses intérêts propres, lutte avec un adversaire identifié et ciblé, dans le but de prendre le contrôle social de l'historicité au sein d'une situation historique bien concrète.
On peut donc retenir les trois principes importants qui caractérisent, pour Touraine, les mouvements sociaux :
- la défense d’une identité et d’intérêts propres ;
- l’existence d’un adversaire et la lutte contre cet adversaire ;
- et la vision que partagent le mouvement et son adversaire qu’il existe, entre eux, un sujet de conflit.
Un mouvement social compte et a une véritable consistance quand il satisfait à ces trois critères : d'abord, une identité et des intérêts propres ; puis une opposition et un conflit ; enfin un territoire commun avec l’adversaire.
Pour notre problématique, il est essentiel de partir de la définition que Touraine donne de la société. Selon lui, la société a des caractéristiques très particulières. Elle n’est ni un système donné, ni une structure organisée en paliers avec une base économique sur laquelle se superposerait une série d'instances de moins en moins matérielles (sociale, politique, culturelle) ; elle n'est pas, non plus, le nœud de tensions plus ou moins dramatiques, ni une intention ; elle ne peut être réduite ni à une situation, ni à un cadre institutionnel ; mais "elle est le résultat de l'action sociale, le produit des relations sociales".
Ainsi Touraine considère qu’une société se définit par
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