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La Mobilité Sociale Est Elle En Panne

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Par   •  5 Février 2013  •  6 306 Mots (26 Pages)  •  3 546 Vues

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SUJET : La mobilité sociale est elle en panne ?

Introduction.

1) Accroche du sujet : Les sociétés démocratiques développées sont les sociétés les plus mobiles que l’histoire a connues. Cette mobilité sociale contribue positivement au processus de croissance. Elle légitime la participation à la vie économique comme moyen d’accéder à une position sociale plus élevée et permet ainsi la mobilisation des ressources humaines pour la croissance. Les périodes de croissance sont d’ailleurs des périodes de forte mobilité sociale. Il en est ainsi, notamment en France, pendant la période des “ Trente glorieuses ” qui succède à la Seconde Guerre mondiale. Depuis les années 1980, l’accent est mis sur “ la panne de l’ascenseur social ”, selon l’expression attribuée à A. Madelin. Cette “ panne ” interviendrait dans un contexte de croissance ralentie, au moins jusqu’au milieu des années 1990, et d’inégalités sociales plus visibles. Les contempteurs de la révolution technologique en cours mettent en avant ses effets destructeurs sur la structure des professions ; inversement ses laudateurs vantent les opportunités d’ascension sociale permise par les effets créateurs du progrès technique.

2) Définition(s) et problématique : Pour les sociologues la mobilité sociale désigne essentiellement la mobilité intergénérationnelle ; c’est-à-dire la mobilité entre individus appartenant à des générations qui se succèdent. Les outils d’analyse, notamment les tables de mobilité, étudient la mobilité individuelle. Il est important aussi, à partir d’autres indices, d’analyser la mobilité intergénérationnelle collective qui renvoie aux environnements globaux qui ont influencé l’entrée dans la vie adulte des différentes générations qui se sont succédé depuis les années 1950. Au vu des différentes enquêtes, il est difficile de conclure à une panne de la mobilité sociale depuis les années 1980. On peut cependant analyser les mutations qui sont intervenues dans les formes de la mobilité sociale, ces mutations constituant un des enjeux de l’avenir de la société française.

3) Annonce du plan : Il n’y a donc pas de “ panne ” de la mobilité sociale en France (I). Cependant, la société française comporte des “ rigidités ” (II) difficiles à interpréter et à combattre (III).

Partie I. Une panne introuvable.

1. Les outils d’analyse contre une idée reçue : la panne de la MS.

L’outil d’analyse privilégié pour l’étude de la mobilité sociale en France depuis la période des Trente glorieuses est l’enquête approfondie de l’INSEE : “ Formation, qualification professionnelle ” (FQP) qui a permis la construction de tables de mobilité. C. Thélot, en 1982, publie un livre de synthèse qui conclut à une baisse de l’immobilité sociale en France, de 1953 à 1977, au-delà de ce qu’exigeraient les évolutions structurelles des positions socioprofessionnelles. Les trois-quarts de cette tendance étaient cependant attribués à l’évolution des professions et un quart seulement à la baisse spécifique de l’hérédité sociale. La société française serait donc devenue plus “ ouverte ”. Dans un article de 1999, L.A. Vallet confirme cette tendance. Le débat demeure, en grande partie, technique. Depuis la fin des années 1970, une distinction s’établit entre la mobilité observée - les taux absolus de mobilité sociale - et la “ fluidité ” - les taux relatifs de mobilité sociale. Cette distinction se substitue à celle qui établissait une différence entre la mobilité structurelle et la mobilité nette. La fluidité sociale mesure les chances pour un individu de changer de groupe social entre deux générations. Des ratios sont établis qui expriment la différence, par exemple, entre les chances pour un fils de cadre de rester cadre plutôt que de devenir ouvrier et les chances pour un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt que de rester ouvrier.

Les conclusions de L.A. Vallet sont relativement claires. Sur quarante années, 1950-1990, la mobilité sociale, en France, n’a cessé de progresser. Au début des années 1950, un homme ou une femme sur deux se trouvait, par leur profession, dans une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père. Au début des années 1990, ce sont deux hommes sur trois et trois femmes sur quatre qui sont dans la même situation. Par ailleurs, la fluidité sociale ne cesse de progresser. En 1977, les chances d’être cadre plutôt qu’ouvrier étaient 100 fois plus élevées pour les fils de cadres que pour les fils d’ouvriers ; en 1985, elles sont 70 fois plus élevées et, en 1993, 30 fois. Le lien entre la situation sociale des individus et leur milieu d’origine n’a donc cessé de s’affaiblir, à raison de 0,5% par an, soit 20% en quarante ans. La société française, malgré la crise qui débute pendant les années 1970, se caractérise encore par un régime de mobilité sociale où l’ascension sociale continue de l’emporter sur le déclassement social.

Par ailleurs, la période des Trente glorieuses avait vu un enrichissement collectif de la population française : accès à la consommation de masse marchande et non-marchande et compression de la pyramide sociale. Le “ statut social ” moyen de l’ensemble de la population s’était notablement amélioré. Cette tendance s’est-elle inversée ? L’étude des indicateurs disponibles concernant les consommations marchandes et non marchandes et celle des inégalités sociales entre salariés incitent à répondre négativement. La société française n’aurait pas vécu l’appauvrissement sensible d’une partie des classes moyennes et des classes populaires intervenu aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Cette conclusion ne signifie pas que l’égalisation des conditions se soit poursuivie au même rythme en France pendant toute la période. Le thème populaire de la “ fracture sociale ”, le sentiment d’un certain ralentissement de l’élévation des niveaux de vie et la croissance des inégalités non salariales renvoient à des réalités économiques et sociales.

2. Des canaux traditionnels toujours à l’œuvre.

Les facteurs déterminants de la mobilité sociale jusqu’aux années 1970 étaient de nature structurelle : glissement vers le “ haut ” de la structure des emplois, éducation de masse et Etat-providence. Ces facteurs continuent depuis à jouer un rôle positif en faveur de la mobilité et de la fluidité. La structure socioprofessionnelle s’est donc déplacée

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