Chamanisme Chez Les Puyuma De Taïwan

L’article choisi traite du chamanisme au sein de l’ethnie Puyuma, aborigènes Taïwanais, et de son évolution suite à l’occupation japonaise en 1895. L’auteur est une ethnologue, Josiane Cauquelin, chercheur associée au Laboratoire d’Asie du Sud-Est et du Monde Austronésien. Elle rédigea cet article scientifique en 1991, après avoir vécu un an au village de Puyuma, de 1984 à 1985.

Elle apprend la langue locale et réussit à s’intégrer dans le village après plusieurs mois. Elle a pu ainsi observer la culture et les rites des aborigènes et chamanes.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les chamanes sont des femmes. Il est aussi permis aux hommes efféminés de le devenir, mais ce sont surtout les femmes qui sont choisies.

Pour devenir chamane, il faut avoir été élue par l’esprit d’une ancêtre qui était elle-même une chamane. Il faut passer par un rituel de cinq jours, au cours duquel il est dit que l’âme de l’élue quitte le corps le premier jour pour y revenir le quatrième. L’âme de l’esprit ancêtre a besoin d’un « corps de remplacement », un mannequin fabriqué avec des noix d’arec, une clochette et des feuilles de bananier, comme le montre l’image ci-dessous.

L’élue reçoit alors des autres chamanes un sac dans lequel sont placés les objets sacrés dont elle aura besoin lors de ses pratiques. Pendant ce temps, une chambre est construite pour installer la « chamanesse » et son mari une fois le rituel terminé. Leurs enfants vivront dans la maisonnée avec les grands-parents.

Il arrive que le mari s’oppose à ce que sa femme devienne chamane. En effet, ce sont des pratiques qui demandent beaucoup de leur temps. L’épouse peut être libérée de l’esprit électeur par des séances d’exorcisme et de purification accomplie par les autres chamanes.

Le « corps de remplacement »

(Source : « La ritualité puyuma (Taiwan) », Josiane Cauquelin. Portail Persée.)

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La novice ne reçoit aucun apprentissage de personnes physiques. En effet, tout lui est enseigné pendant son sommeil par l’esprit de ces ancêtres.

Un des signes distinctifs entre le prêtre et la chamane est le sac du chamane contenant les objets utilisés pendant les rituels. Il est porté en bandoulière sur l’épaule gauche. C’est là que se cache l’esprit électeur.

En 1895, suite à l’arrivée des japonais sur l’île, les pratiques chamaniques ont été interdites. Les japonais jetaient les sacs des chamanes qui agissaient en cachette.

Ils avaient compris leur rôle important dans la société aborigène : les chamanesses étaient appelées pour guérir les malades, régler des conflits, et choisir le mari des femmes célibataires. A cause d’elles, les traditions et la cohésion au sein des groupes Puyuma étaient solides, et l’intégration à l’administration japonaise était difficile. C’est pour cela qu’elles n’ont plus été à continuer leurs pratiques.

Après le départ des Japonais, les chamanes pouvaient à nouveau librement pratiquer leurs rites. Elles étaient rémunérées, environ 300 à 500 yuans par intervention (environ 35 à 60 euros). Aujourd’hui, la pratique chamanique est bien vivante. Elle a cependant évolué : « Les femmes temararamaw, pourchassées à l'époque japonaise, se sont naturellement regroupées pour se défendre, se protéger. Chaque année, leur structure tend un peu plus vers une confrérie. »

Le 3e jour du 3e mois lunaire se déroule chaque année la fête des chamanes. Pendant une semaine, elles purifient leur sac rituel, leur sanctuaire, et elles-mêmes. Tout se fait par ordre décroissant d’âge. Elles se confectionnent également un nouveau sac pour commencer une nouvelle année de rituels. La semaine et la fête se clôturent par une transe.

Josiane Cauquelin a filmé, en 1993, la fête annuelle des chamanes au village Puyuma. Ce film, intitulé Pualasakan, dure 59 minutes et est en français. (On peut le visualiser sur le site internet : http://vimeo.com/35558141).

La chamane remplit différents rôles. Elle a d’abord un rôle thérapeutique : elle agit sur l’âme pour guérir. Mais, dans les cas graves, elle est aidée du médecin chinois qui, lui, agit sur le corps.

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