Peut-on Encore Parler D'un Principe général De Responsabilité Des Choses ?
Dissertation : Peut-on Encore Parler D'un Principe général De Responsabilité Des Choses ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar eva0102 • 18 Avril 2015 • 4 017 Mots (17 Pages) • 1 503 Vues
Peut-on encore parler d’une responsabilité générale du fait des choses ?
Marcel Planiol disait : « tout cas de responsabilité sans faute, s’il était admis, serait une injustice sociale », comparable à ce qu’est, en droit pénal, « la condamnation d’un innocent ». Pourtant, c’est bien ce qu’ont créé la Cour de cassation et le législateur avec la responsabilité du fait des choses.
La responsabilité du fait des choses est la situation dans laquelle un individu engage sa responsabilité civile délictuelle suite à un préjudice qu’il aurait causé à autrui par le biais d’une de ses choses personnelles. Il existe un principe général, destiné à s’appliquer à la majorité des cas, et des exceptions posées par la loi.
La responsabilité du fait des choses est devenue une partie importante et évolutive du droit de la responsabilité avec le développement industriel, surtout à partir du XIXe siècle avec l’entrée de la machine dans la vie économique et quotidienne. En 1804, l’article 1384 alinéa premier n’était à l’époque considéré que comme une introduction aux dispositions suivantes. En effet, historiquement, le code civil n’a légiféré de façon spécifique que pour deux cas : la responsabilité concernant les gardiens des animaux (article 1385) et celle des propriétaires de bâtiments menaçants en ruine (article 1386). Il ne s’agissait alors que de la responsabilité du fait de certaines choses. Ainsi, de 1804 à 1896, l’alinéa premier de l’article 1384 du code civil ne faisait l’objet d’aucune application propre et le principe général de la responsabilité du fait des choses n’existait pas. Curieusement, la première application jurisprudentielle de ce texte en tant que principe général de responsabilité du fait des choses s’effectua, non dans le domaine du droit civil, mais dans celui des accidents du travail, à une époque où aucune législation spécifique ne régissait ce domaine dans lequel il était presque impossible de prouver la faute et de se faire indemniser. Le 16 juin 1896, l’arrêt Teffaine posa que le propriétaire de la remorque dont la chaudière avait explosé pour cause inconnue en tuant un ouvrier était responsable en l’absence même de la preuve de sa faute, qui était impossible à rapporter en l’espèce. Par la suite, les arrêts Jand’heur en 1930 et Franck en 1941 sont venus préciser les conditions de la responsabilité générale du fait des choses : il faut chercher le gardien de la chose, celui qui a l’usage, la direction et le contrôle de la chose. A partir de ces arrêts jusqu’aux années 1980, l’article 1384 alinéa premier fut étendu à toutes les hypothèses dans lesquelles une chose inanimée avait créé un dommage, au premier rang desquelles venait les accidents provoqués par l’automobile. Cela mettait en place un régime de responsabilité sans faute car désormais, le gardien de la chose ne pouvait se dégager de sa responsabilité en démontrant son absence de faute, il devait alléguer d’un cas fortuit ou de force majeure. C’est ainsi qu’il fut décidé que ce texte édictait un principe général de responsabilité pour les choses que l’on a sous sa garde. Depuis lors, ce texte n’a pas cessé de se développer, mais s’est révélé inefficace dans certaines circonstances. C’est pourquoi depuis les années 1980, de nouveaux textes spécifiques d’origine nationale ou communautaire ont vu le jour en vue de légiférer dans des domaines particuliers (responsabilité en matière d’accident de la circulation, responsabilité en matière de dommage causé par un incendie etc.).
L’existence d’un principe général de la responsabilité du fait des choses est aujourd’hui largement reconnue. Cependant, il s’est avéré que ce principe pouvait comporter des limites d’où l’émergence de régimes spéciaux de la responsabilité du fait des choses. Le principe perdrait alors peu à peu sa portée générale au regard du nombre d’exceptions grandissant. Ainsi, alors qu’en droit, la règle veut qu’à chaque principe il y ait des exceptions, ne peut-on pas considérer que dans le cas de la responsabilité du fait des choses, il n’y ait aujourd’hui plus de principe général mais seulement la responsabilité du fait de différentes choses définies par la loi ?
Ainsi convient-il de mettre en rapport le fait que légalement, la responsabilité générale du fait des choses existe toujours (I), même s’il est vrai que de plus en plus de régimes spécifiques font leur apparition (II), mettant à rude épreuve la portée générale du principe.
I. L’existence théorique de la responsabilité générale du fait des choses
En théorie, le principe général existe encore. En effet, la jurisprudence consacre l’existence de la responsabilité générale du fait des choses par nécessité (A) et organise son application (B).
A. Une existence théorique nécessaire pour les juges
La responsabilité générale du fait des choses a été créée de toutes pièces par la Cour de cassation. En 1804, les deux cas envisagés par le code civil aux articles 1385 et 1386 correspondaient aux dommages les plus fréquemment causés par des choses à cette époque. Le nouveau régime de responsabilité répondait alors à une nécessité juridique : les machines étant constamment en progrès et en augmentation et l’article 1382 du code civil ne permettant pas de les mettre en cause pour obtenir une indemnisation, il fallait créer un nouveau régime capable de pallier à ce vide juridique né de l’évolution de la société depuis 1804. Il y avait donc un réel besoin de modernisation. Si l’article 1384 alinéa premier du code civil posait les bases de la responsabilité générale du fait des choses utilisées par la Cour de cassation pour créer le principe (arrêt Teffaine, 16 juin 1896), le reste de l’article servait réellement d’introduction aux deux articles suivants, remettant ainsi en cause les fondements juridiques de la responsabilité générale du fait des choses. Les juges se sont donc appuyés sur leur pouvoir d’interprétation pour consacrer ce principe dans le but de pallier aux carences de la loi. C’est notamment le cas de l’arrêt Jand’heur le 13 février 1930 : une petite fille avait été renversée par un camion appartenant à une société. Pour que la famille puisse voir les soins médicaux de la fillette pris en charge financièrement, les juges ont établi le système de la responsabilité du fait des choses, qui est une responsabilité sans faute. Ils reprenaient alors les solutions apportées par l’arrêt Teffaine et l’arrêt rendu le 16 novembre 1920 par la Cour de cassation concernant l’affaire des résines
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