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Picasso

Fiche de lecture : Picasso. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Septembre 2014  •  Fiche de lecture  •  3 862 Mots (16 Pages)  •  713 Vues

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Nous poursuivons ici l’étude de la Préface, mais en revenant au texte là où nous l’avions laissé lors de la première phase d’explication linéaire. Nous n’irons pas au-delà des références à Locke que Leibniz lui-même fait en son texte ; en revanche et de sorte à procéder au traitement des notions du programme « la conscience » et « l’inconscient », motif de l’inconscient dont on est fondé à considérer que Leibniz l’introduit dans la tradition philosophique, nous insisterons sur ce qui oppose ce dernier aux « Cartésiens ».

En effet, les §§ 5, 6 et sq. de la Préface abordent-ils, en exposant en particulier la théorie dite des « petites perceptions », la thématique de ce que, de façon plus moderne ― ce vocabulaire n’est pas celui que Leibniz spontanément adopte ―, nous nommerions la conscience et l’inconscient : la reconnaissance de l’existence des idées innées en l’âme suppose de reconnaître que celles-ci ne sont pas toutes, en permanence, présentes à l’esprit, c’est-à-dire conscientes ― Leibniz, en son langage, dira « aperçues ». De même, comme dit supra, que toute monade « perçoit » sans nécessairement s’en apercevoir, sans que ses perceptions soient accompagnées d’aperception, de même nos idées, nos représentations, comme déjà suggéré au début du texte, peuvent fort bien ne pas être « aperçues », ne pas être conscientes, la conscience consistant en l’occurrence à penser et à savoir en même temps qu’on pense (telle est l’étymologie de « conscience » : cum-scientia, avec savoir, accompagné de savoir).

Il s’agit, tout d’abord pour Leibniz (Préface, § 4), de porter un nouvel assaut contre la négation de l’inné à laquelle procède Locke au début de l’Essay. Car, si Locke reconnaît que les idées qui ne trouvent pas leur origine dans la sensation (dans l’expérience) la trouvent dans la « réflexion », et tel est en effet le cas dans le deuxième livre de l’Essay, ne reconnaît-il pas par là, après les avoir niées et dût-il s’en défendre, l’existence d’idées innées ? La réflexion ne consiste en effet en rien d’autre qu’en cette « application de l’esprit » à lui-même, comme aurait dit Descartes : elle est, dit Leibniz, « une attention à ce qui est en nous », mouvement qu’accomplit la pensée en se prenant en quelques sortes elle-même pour objet et en prenant conscience de ce qu’elle pense, de ce qui est « en » elle, pli ou réflexivité de la pensée sur elle-même en lequel celle-ci n’a affaire qu’à elle-même, en lequel n’intervient donc rien de sensible. Or, ce à quoi la pensée se rapporte, dans ce mouvement qu’elle accomplit sur elle-même et en lequel consiste donc ce qu’on désignera comme « conscience », ne peut être rien d’autre que ce qui est déjà en elle-même et qui partant lui est inné. Et Leibniz de renvoyer tout d’abord à la pure conscience que nous avons de nous-mêmes, à la « conscience de soi » ― « nous sommes innés à nous-mêmes » (Préface, § 4) ―, puis de dresser un inventaire non-exhaustif ― il existe « mille autre objets de nos idées intellectuelles » ― de principes innés (« Etre, Unité, Substance, Durée, Changement, Action, Perception, Plaisir », Préface, § 4), et de signaler aussi les « habitudes acquises » et les « provisions de notre mémoire » (Préface, § 5), lesquelles, sans être elles-mêmes innées, n’en sont pas moins, de toute évidence, des représentations contenues en notre esprit sans être pour autant en permanence accompagnées de conscience.

Leibniz trouve ici l’occasion de se placer derechef dans la filiation philosophique, déjà expliquée, de Platon en faisant référence à la « réminiscence », à l’anamnèse platonicienne, qui « toute fabuleuse qu’elle est » (Préface, § 5), c’est-à-dire relevant de la fabula, du mythos, Platon, « amateur paradoxal de mythes » (M. Dixsaut), maintenant et prolongeant, comme nous l’avions remarqué, nombre d’entre eux, n’en est pas moins préfiguration de l’innéisme.

Or, à l’opposé de cette tradition qui relie à Platon les rationalistes classiques, tels Descartes et Leibniz, Locke, du même mouvement qu’il nie les idées innées et en cohérence avec les présupposés de l’empirisme, pose que « l’esprit ne pense pas toujours », soutient la thèse, pour le dire de façon plus moderne, d’une discontinuité de la pensée, comme, par exemple, lors d’un sommeil sans songes (Préface, § 6).

A ce propos, Leibniz entrevoit qu’il sera sans doute, du fait de la pesanteur des préjugés empiristes, malaisé d’ « accorder [Locke] avec [lui] et les Cartésiens », c’est-à-dire de faire admettre à l’auteur de l’Essay que l’activité de l’esprit ne connaît pas d’interruptions, de suspens, de stases, qu’elle est au contraire continue, y compris lorsque ses changements ne nous sont aperçus.

C’est que, pour les Cartésiens comme pour Leibniz, l’esprit pense toujours, tel est ce qui leur est commun. Mais, pour autant, la référence à ceux-ci est quelque peu surprenante, compte tenu de ce qui les oppose à l’auteur. Elle doit partant donner lieu à examen. Les Cartésiens, en effet, posent l’identité de l’esprit et de la conscience ― la pensée serait pour eux continument consciente ―, et c’est pourquoi ils peuvent prétendre poser une permanence, une continuité de la pensée, alors qu’au contraire ― et c’est bien l’antithèse de la thèse cartésienne ―, c’est en s’opposant à la réduction de la pensée à la conscience que Leibniz peut affirmer la permanence de la pensée.

Pour Descartes et les Cartésiens ― ainsi parle Leibniz, et les références à ceux-ci parcourent la Préface ―, l’âme, c’est-à-dire la raison, la pensée est de part en part « conscience ». Pour Leibniz, au contraire, il existe des degrés d’aperception, de conscience, c’est-à-dire une pluralité graduée d’états de conscience, entre la pleine conscience et la perte totale de conscience. Car l’assimilation, voire la réduction cartésienne — de la pensée et à la conscience — soulève de redoutables problèmes, lesquels interdisent que soient pensés les phénomènes consistant dans un obscurcissement de la conscience — une conscience devenant opaque à elle-même —, comme l’évanouissement ou le sommeil, phases durant lesquelles sans doute le flux des représentations ne s’interrompt pas, sans pour autant que celles-ci soient accompagnées d’aperception — alors que la pensée cesse d’être présence à soi et que la conscience s’obscurcit. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la mort, où plus aucune conscience ne subsiste, doit aussi conduire à admettre

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