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Les Fables

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Par   •  14 Décembre 2014  •  502 Mots (3 Pages)  •  737 Vues

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Une parole légère et grave

Le premier grand fabuliste, Ésope, était d’abord un homme muet de naissance qui reçut, selon la légende, le don de parler enfin dans un rêve qu’il fit une nuit. Et, lorsqu’il put parler, il se mit à raconter des fables, qui furent ensuite transcrites : le genre est d’abord soumis à la parole. Et l’on peut parler sans ordre absolu, l’on peut conter et enseigner, s’amuser et instruire, l’essentiel étant de plaire. De là le fait que, parole avant tout, la fable en ait les ambiguïtés puisque la parole peut être à la fois le Verbe, la Vérité, mais aussi le mensonge. À ce don que les Dieux ont fait à Ésope correspond celui que fait le fabuliste (Ésope, le Grec ; Phèdre, le Latin ; La Fontaine, le Français) aux hommes, aux animaux et aux plantes : il s’agit de traduire à l’intérieur des récits et des apologues (les morales qu’on tire des récits dans les fables) le mutisme apparent de la nature, et de revenir au temps « où les bêtes parlaient » (La Fontaine, IV, 1).

De là aussi le fait qu’un fabuliste se place avant tout en conteur, qu’il se montre et parle souvent à la première personne, en jouant sur une représentation de l’oral, comme s’il était là, devant nous. Ce conteur-fabuliste témoigne incessamment de sa présence, comme pour mieux nous séduire. Il intervient dans le cours du récit, se rend indispensable (en bonne ou mauvaise part, comme la mouche du coche…), raconte des histoires, les interrompt, les reprend, s’amuse de ses lecteurs. Ses récits sont alors capables de rendre présents et de mettre en scène ses personnages par des interventions stylistiques variées, en multipliant les dialogues, par exemple. Il s’agit donc d’abord de faire parler les hommes, les animaux, l’univers avec des « voix » différentes et en endossant leurs vérités différentes pour mieux rendre compte de la diversité et de l’univers tout entier : « ... d’un langage nouveau/J’ai fait parler le loup et l’agneau./J’ai poussé plus avant : les Arbres et les Plantes/Sont devenus chez moi créatures parlantes » (II, 1). « C’est ainsi que ma Muse, aux bords d’une onde pure/Traduisait en langue des Dieux/Tout ce que disent sous les Cieux/Tant d’êtres empruntant la voix de la nature./Truchement de peuples divers,/Je les faisais servir d’Acteurs en mon ouvrage ;/Car tout parle dans l’Univers ;/Il n’est rien qui n’ait son langage » (La Fontaine, Épilogue XI).

L’écriture du fabuliste est ainsi une parole prétendument offerte par les Dieux, une parole mythique, donc respectable. Elle est ensuite une parole représentée et mise en scène par le conteur, celle du monde des hommes, des animaux et des choses. Elle est la propre parole du conteur, toujours destinée à nous prendre dans ses charmes ou dans son enseignement. Elle est enfin la parole légère de la conversation, entre lui et nous, puis entre nous et nous qui nous étonnons d’y trouver tant de sens, tant d’enseignements et tant de pièges.

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