La Blague
Mémoire : La Blague. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar chunkypop • 5 Mai 2014 • 1 848 Mots (8 Pages) • 864 Vues
L’incipit d'un roman répond généralement à trois caractéristiques : il informe, intéresse et noue le pacte de lecture.
Il informe en mettant en place les lieux, les personnages et la temporalité du récit. Il peut même, comme chez Diderot dans Jacques le fataliste ou comme Balzac par exemple dans Le Père Goriot, apostropher le lecteur et signer un contrat explicite avec lui : « Ainsi ferez-vous, vous qui tenez ce livre d'une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil en vous disant : Peut-être ceci va-t-il m'amuser. »
L'incipit intéresse par divers procédés techniques, par exemple l’utilisation de figures de style ou encore en une entrée in medias res (le récit débute dans le feu de l’action).
Il noue aussi ce qu’on pourrait appeler un « contrat de genre » en indiquant au lecteur le code qu’il doit utiliser dans le cadre de sa lecture. Différents signes annonciateurs du genre littéraire apparaissent ainsi, comme dans le conte bien sûr avec le célèbre « Il était une fois », mais aussi le roman policier. Il fait souvent l’objet d’un travail d’écriture particulier, particulièrement poétique, surprenant et rythmé, comme le prouvent les exemples qui suivent.
Incipit célèbres
Dans le roman
Certains incipits sont insolites (par exemple les déroutantes premières pages de Jacques le Fataliste et son maître de Denis Diderot), et désarçonnent le lecteur en jouant avec les conventions du roman ; d’autres, par leur concision, leur force ou leur humour, l'utilisation inédite des conjugaisons, ont marqué les esprits et ont su rester dans les mémoires.
Aden Arabie (1931), Paul Nizan :
« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »
Les Âmes grises (2003), Philippe Claudel :
« Je ne sais pas trop par où commencer. »
Anna Karénine (1877), Léon Tolstoï :
« Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon. »
Aurélien (1944), Louis Aragon :
« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. »
Brooklyn Follies (2005), Paul Auster :
« Je cherchais un endroit tranquille où mourir. »
Cent ans de solitude (1967), Gabriel García Márquez :
« Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace. »
Les Chants de Maldoror (1870), Comte de Lautréamont :
« Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison ; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. »
Les Choses (1965), Georges Perec :
« L'œil, d'abord, glisserait sur la moquette grise d'un long corridor, haut et étroit. Les murs seraient des placards de bois clair, dont les ferrures de cuivre luiraient. »
La Condition Humaine (1933), André Malraux :
« Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? »
Du côté de chez Swann (1913), Marcel Proust :
« Longtemps, je me suis couché de bonne heure. »
L'Attrape-coeurs (1951), J.D. Salinger :
« Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la première chose que vous allez demander c'est où je suis né,et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d'enfance, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j'ai pas envie de raconter ça et tout. »
L'Écume des jours (1946), Boris Vian :
« Colin terminait sa toilette. Il s'était enveloppé, au sortir du bain, d'une ample serviette de tissu bouclé dont seuls ses jambes et son torse dépassaient. Il prit à l'étagère de verre, le vaporisateur et pulvérisa l'huile fluide et odorante sur ses cheveux clairs. Son peigne d'ambre divisa la masse soyeuse en longs filets orange pareils aux sillons que le gai laboureur trace à l'aide d'une fourchette dans de la confiture d'abricots. »
L'Étranger (1942), Albert Camus :
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »
La Ferme africaine (1937), Karen Blixen :
« J'ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong. »
Germinal (1885), Émile Zola :
« Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. »
La Gloire de mon père (1957), Marcel Pagnol :
« Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban
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