Interprétation Du conte : Peau-de-Mille-Bêtes
Rapports de Stage : Interprétation Du conte : Peau-de-Mille-Bêtes. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bibi0 • 23 Février 2012 • 2 185 Mots (9 Pages) • 1 433 Vues
Peau-de-Mille-Bêtes est la version Grimm du célèbre Peau d'Âne de
Perrault, qui est généralement présenté comme un conte de mise en garde contre1'inceste.Pourtant, les contes merveilleux, dontlasubtilité n'est plus à prouver, se gardent la plupart du temps d'asséner de façon aussi évidente le thème autour duquel ils brodent.
Il me semble donc que le propos de1'histoire est à chercher au-delà de cette
évidence apparente.
Je propose de vérifier que le thème en est la traversée de1'adolescence d'une jeune fille, et sa sortie réussie de l'œdipe.
L'histoire est donc racontée du point de vue de cette toute jeune fille qui entame son chemin hors de la cellule familiale: dès la première phrase, il est question d'une femme à la beauté« sans pareille»,sorte de beauté que possède toute mère aux yeux de son enfant. La traduction d'A. Gueme, à cet endroit,se montre hésitante, presque laborieuse: la beauté de la reine est« telle qu'on ne reverra pas sa pareille sur la terre», alors qu'à la fin de l'histoire, la beauté de la princesse est« comme on n'en avait jamais vu sur la terre».C'est le genre de contradiction que le conte peut énoncer sans sourciller, la logique qui le sous tend n'étant pas la logique formelle : entre les deux pôles de cette contradiction apparente, se déroule la mutation de l'héroïne, qui passe de l'état d'enfant éperdue d'admiration pour sa mère à celui de jeune adulte épanouie, affranchiedes liens infantiles à ses parents.« Allerleirauh »,titre original du conte, évoque d'ailleurs en allemand l'idée d'une mue.
La mort de la mère est une mort métaphorique : c’est la mère de l’enfance
qui doit cesser de jouer le rôle qui a été le sien jusque-là, qui doit s’effacer pour
laisser sa fille s’épanouir librement.
Cette mort peut également être considérée d’un autre point de vue : celui du
désiroedipiend’unepetitefilledevoirdisparaîtresamèrepours’approprierson
père, désir resurgissant à l’occasion du grand remaniement psychique qu’est
l’adolescence.
Et, sans doute pour atténuer son sentiment de culpabilité, la jeune fille
attribue à sa mère elle-même la responsabilité de la situation : c’est la reine
mourante qui arrache au roi la promesse de n’épouser qu’une femme à la beauté
comparable à la sienne.
Le « royaume » dont il est question est le moi de l’héroïne : il faut une reine
au royaume, c’est-à-dire que la solidité psychique de la princesse dépend de la
solidité du couple parental.
De même, l’inceste entraînerait le royaume à sa perte. Les « conseillers »,
garants de l’ordre du royaume, sont des éléments du Surmoi, mis à rude épreuve
tout au long de cette période tourmentée.
Le désir de toute-puissance infantile se manifeste dans la demande,
présentée comme une ruse destinée à gagner du temps, des trois robes
merveilleuses : « il suffit que je claque des doigts et mon père m’offre tout ce
que je désire, toutes les parures qui ajoutent àma séduction. »
C’est d’ailleurs l’un des paradoxes « suspects » du contenu manifeste du
conte :souscouvertd’écarterlesdésirsincestueuxdesonpère,lajeunefilleexige
de lui des parures propres à la rendre encore plus désirable.
Le soleil et la lune représentent classiquement le couple parental, et les
étoilesleurprogéniture.Qu’ilsconstituentrespectivementlamatièredesrobes
qui vont accompagner la princesse dans sa quête d’identité confirme la nature
du thème majeur du conte : l’autonomisation de l’adolescente vis-à-vis de la
« constellation » familiale, le chemin vers le choix d’un compagnon. L’or et
l’argent des robes disent, par ailleurs, que le moi de chacun est précieux
(« brillant ») des premières identifications, que celles-ci sont au fondement de
la richesse de ce moi… à condition que la relation qui est à l’origine de ces
identifications prenne fin, c’est-à-dire que le futur adulte transforme la nature
des liens qui l’attachent à sa famille.Les trois robes sont donc emportées par la
jeune fille, serrées dans une simple coquille de noix, ces « richesses » pouvant
être transportées partout puisqu’elles constituent la base de la personnalité de
l’individu.
Danssesbagages,lajeunefuyardeemporteégalementtroisobjetsprécieux :
un anneau d’or, symbole de l’union sexuelle, un rouet et un dévidoir en or
également, outils nécessaires au filage. C’est donc le tissage d’un lien durable
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que doivent permettre ces objets de valeur, pris dans « le trésor du royaume »,
c’est-à-dire dans les relations d’amour tissées autour de la princesse par ses
parents.C’estdoncégalementlaquêted’uncompagnonquiestvisée,englobée
dans cette quête d’identité : l’autonomie épanouie d’un adulte ne se réalise que
dans l’établissement d’une relation durable hors de la
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