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Comment expliquer le succès des récits complotistes ?

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Par   •  23 Mai 2024  •  Dissertation  •  2 387 Mots (10 Pages)  •  58 Vues

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Comment expliquer le succès des récits complotistes ?

Pour le philosophe et historien Marcel Gauchet « Depuis qu’il y a pouvoir, il y a complot ». Cela signifie que la volonté de prise de pouvoir d’un petit groupe n’est pas nouveau. En effet, Les récits complotistes sont assez anciens, on peut considérer qu’une des premières œuvres complotistes date de 1798, lorsque l’abbé Barruel écrit les Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme. Il y apporte des preuves que la Révolution n’est pas le fruit d’un soudain soulèvement du peuple, mais était commandité par les Lumières et la franc-maçonnerie, anti-chrétienne. Cette théorie complotiste a connu un certain succès notamment chez les contre-révolutionnaires, elle a énormément circulé puisqu’elle a été traduite à cette époque en diverses langues.

Dans son livre court traité de complotologie, Taguieff emprunte la définition de complot à Peter Knight, considérant qu’il y a complot quand « un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste, affectant particulièrement le cours des événements. Ainsi dans notre exemple, l’abbé décrit un récit complotiste dénonçant l’implication des francs-maçons dans la Révolution.

Qu’en est-il aujourd’hui ? les récits complotistes sont très nombreux, il est très facile d’en trouver sur Internet, relayés tant par des anonymes sur des sites dédiés que par des spécialistes voire des stars sur les réseaux sociaux : on peut citer par exemple Juliette Binoche, actrice oscarisée ayant 300 000 abonnés sur Instagram qui en mai 2020 poste une vidéo d’un professionnel de santé et acclamant que des « groupes financiers internationaux » prévoient de mettre des puces microscopiques 5G dans les vaccins pour mieux nous contrôler. Elle s’appuie sur des preuves semblant sérieuses, notamment des études du MIT. Elle transmet alors à sa communauté une idée politique selon laquelle les géants capitalistes veulent contrôler nos libertés.

On peut alors se demander si le succès des récits complotistes est le résultat d’une crise de représentation ?

Il s’agit de montrer que par leur mécanisme, les récits complotistes ont un fort potentiel séduisant et politisant. Ensuite, il est possible de montrer que différents facteurs permettent leur épanouissement dans l’opinion public, notamment la crise de confiance envers les politiques et la désinformation à l’ère du numérique. Ce succès des récits complotistes peut nous amener à nous demander s’ils sont un danger pour la démocratie dans une possible entrée dans l’ère de la post-vérité, ou au contraire ce qui assure qu’elle est toujours effective.

  1. Les récits complotistes, ou l’emploi d’une rhétorique au service d’une idéologie

Dans une interview en 2008, l’actrice Marion Cotillard quand on lui a dit qu’elle était parano ; « Pas parano,non. Non, c’est pas parano. Parce que je pense qu’on nous ment sur beaucoup de choses Coluche, le 11 septembre. On peut voir sur Internet tous les films sur la théorie du complot c’est passionnant. C’est même addictif à un moment. »

Qu’est ce qui rend les récits complotistes si addictifs ?

  1. Des mécanismes infaillibles, gages de leur crédibilité

Pour Loïc Nicolas, spécialiste de l’Histoire de la rhétorique, il existe une « démarche conspirationniste qui s’attache :

  • Tout d’abord à recueillir et à combiner des événements épars élevés au statut de faits bruts, c’est-à-dire lier ensemble des événements qui n’ont aucun rapport entre eux (par exemple le 11 septembre et…
  • pour (2) les faire tenir ensemble au sein d’une trame narrative ; donc en faire une histoire, un récit cohérent
  • ceci dans l’intention (3) d’apporter la preuve que ces faits sont forcément liés entre eux, puisque ce récit établit des corrélations factices (Emmanuel Taieb) :
  • (4) en ce qu’ils résultent d’une cause unique,
  • c’est-à-dire (5) d’un complot dont ils témoignent
  • et (6) au sein duquel les participants répondent à une nature profonde, un agenda caché, des obligations ou des pulsions mauvaises et destructrices qui les déterminent »..  Un ou des acteurs, responsables de leurs maux

Ces récits emploient donc une rhétorique efficace, semblant même scientifique, en vérité invérifiable, répondant à des besoins inconscients des individus. En effet, ces récits permettent de refouler des traumatismes et permettent d’apaiser les consciences : en disant que le 11 septembre est en fait un coup monté du gouvernement Bush, il y a une volonté de se rassurer sur la menace d’une attaque terroriste qui pourrait se reproduire par exemple. Par ailleurs, Les récits ont également le pouvoir d’expliquer par une seule cause tous les maux de la société : il fournit alors une explication simple à comprendre, univoque. Il a été prouvé en effet que les individus sont davantage sensibles aux explications simples, établissant des rapports de causalité évidents…

Par ailleurs, ces récits complotistes sont rassurants concernant la marche de l’histoire : Gérald Bronner dit que le hasard est « généralement un hôte indésirable dans la pensée humaine, inadmissible surtout face au malheur » (L’empire des croyances). Le but des conspirationnistes est de trouver le ou les responsables cachés des maux de la société pour satisfaire le public avec des explications qui semblent logiques (logique manichéenne)

Elle a pour résultat de produire un discours, et, comme le résume le fondateur du site ConspiracyWatch.info, Rudy Reichstadt, « le complotisme n’est pas un trouble mental. C’est un discours politique » (Reichstadt, 2019).

  1. Véhiculant une idéologie, vectrice de politisation

Ce qu’Emmanuel Taïeb nous montre dans son article, c’est que le conspirationnisme ne vise pas à désinformer : son principal projet est de faire adhérer le plus d’individus possibles à l’idéologie qu’il cherche à relayer à travers les récits. Ces récits ont donc un medium, une idéologie en totale opposition avec l’idéologie commune, plutôt néo-libérale. Ils entendent ainsi peser sur l’agenda politique en jouant de leur aspect attractif pour se retrouver dans le centre du débat public. Cependant pour éviter le discrédit, le discours conspirationniste ne se définit pas comme tel, car il sera délégitimé par les médias.

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