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Islamisme Et démocratie : La dynamique De La réappropriation

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Par   •  9 Janvier 2013  •  1 943 Mots (8 Pages)  •  1 231 Vues

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Islamisme et démocratie : la dynamique de la réappropriation

9Assurément, plusieurs siècles plus tard, les premières constructions doctrinales islamistes se sont érigées sur le refus plus ou moins explicite du principe démocratique. Parce qu'il remettait en cause l'omnipotence des oulémas-guides de la communauté. Parce qu'il impliquait la constitution de cette communauté en partis et donc, au mépris du sacro-saint principe d'unité, sa division. Parce que l'idée d'une législation humaine contredisait la lecture littéraliste du principe de la primauté de la norme divine et celui de la vocation du Coran et de la Sunna à satisfaire la totalité des besoins normatifs de la communauté. Plus conjoncturellement, parce que le vocabulaire démocratique a longtemps été identifié à l'héritage et aux régimes de cet Occident (puis à ses « relais » supposés à l'intérieur du monde arabe) dont la thématique islamiste avait précisément pour logique de fonctionnement de se démarquer. Et .enfin parce que l'image qui se dégage de l'usage très sélectif de ces référents que pratiquent actuellement les régimes arabes n'a pas non plus contribué à leur valorisation.

10C'est notamment en ces termes que s'explicite parfois encore aujourd'hui la défiance de certains leaders islamistes à l'égard du concept de démocratie. Ainsi de l'Algérien Ali Belhaj, considéré comme le plus radical des porte-paroles du Front Islamique de Salut. Il avait salué la performance de son parti aux élections locales du 12 juin 1990 en précisant qu'elle n'était « pas une victoire de la démocratie mais une victoire de l’islam » et il refuse généralement de faire référence au concept de démocratie :

2 « Pour certains, la démocratie constitue un modale et une finalité. Historiquement, la démocratie n(...)

La démocratie est un slogan repris par les « démocrates' », les démocrates entre guillemets. C'est un concept assez flou que beaucoup utilisent pour se grandir. (...) La question est de savoir quel est le modèle politique qui peut constituer une alternative au régime actuel. Sinon, pourquoi nous opposer à ce régime ? Or ce régime se dit démocratique, il s'appelle République algérienne démocratique et populaire. Cela nous amène à dire que le slogan 'démocratie' prôné par certains n'est qu'une clownerie (...). Notre compréhension de la démocratie, c'est de permettre au peuple de donner son point de vue. Notre pays vit aujourd’hui une situation de crise politique. Le dialogué est donc pour nous le meilleur moyen d'aboutir. Si la démocratie signifie débat et respect, alors nous sommes pour.2.

3 A tout le moins depuis 1981, date à laquelle son mouvement, alors Mouvement de la Tendance Islamiqu(...)

11A l’extrême opposé du registre islamiste maghrébin, l'influent leader du Parti tunisien de la Renaissance (Hizb al-Nahda), Rached Ghannouchi, souligne lui aussi cette contradiction du discours des régimes à l'égard de leurs opposants islamistes, mais il est explicitement acquis pour sa part au vocabulaire de la démocratie3. Son propos explicite à peu de chose près l'argumentaire moyen des islamistes en mal de reconnaissance légale :

4 Retranscription originale d'une interview effectuée pour Jeune Afrique Plus, juillet 1990.

L'ennui c'est que, s'agissant de démocratie et de droits de l'homme, les états de service de la plupart des accusateurs laissent passablement sceptique... (Ils) n'ont cessé de persécuter les libertés, de truquer les élections, de monopoliser l'information. On baigne dans l'absurdité... (...). La vérité est simple. Nos adversaires ont toujours eu du mal à s'accommoder de la démocratie et du pluripartisme. Longtemps, ils les ont refusés ouvertement, de façon explicite et aujourd'hui ils le font honteusement, de façon déguisée. Ils n'acceptent le jeu démocratique qu'à condition qu'ils en soient, en toute hypothèse, les gagnants. Je vais plus loin : supposons que nous soyons des antidémocrates invétérés et nos adversaires des démocrates irréprochables. Ils pourraient, s'ils étaient sincères, nous contraindre à jouer le jeu de la démocratie. En France, les sentiments démocratiques de l'extrême droite (comme d'ailleurs de l'extrême gauche) ne sont pas évidents, mais nul ne songe à l'exclure de la démocratie française. De même pour la démocratie israélienne ou pour les démocraties américaine, britannique, allemande, etc. C'est grâce au jeu démocratique que tous les partis politiques nourris d'idéologies autoritaires ont été, dans tous les pays, intégrés sinon marginalisés. Donc. ne serait-ce que pour nous rééduquer, on devrait nous faire une place dans la "démocratie". Il y a (en Tunisie) un parti communiste. On ne lui a pas demandé de renier le marxisme, idéologie démocratique s'il en est, pour être reconnu. On brandit en fait cette exigence uniquement contre nous parce que l'on cherche à se débarrasser d'un parti fort et puissant.4

5 Mais également chez une composante au moins du courant égyptien, le Parti du Travail d'Ibrahim Chou(...)

12De fait, l'adhésion de la plupart des leaders islamistes aux principes du pluralisme démocratique est désormais explicite. Chez certains d'entre eux, Rached Ghannouchi tout particulièrement mais pas seulement5, elle est argumentée autrement qu'en termes de simple tactique et avec une constance qui ne peut pas être perpétuellement méconnue, sauf à vouloir tenter d'accréditer l'idée d'une antinomie générale, structurelle et irréversible entre les forces en gestation dans la mouvance islamiste et l'émergence de systèmes démocratiques. Or cette position est précisément tout aussi « idéologique » et arbitraire que celle qui consiste à donner crédit, en sens inverse, à la surenchère démocratique du discours d'une partie de ces forces.

13Bien davantage que l'évaluation des pratiques juridiques des sociétés musulmanes de l'âge classique ou même, plus près de nous, celles des fondateurs de la nouvelle thématique islamiste, c'est bien la réaffirmation de la capacité de la communauté musulmane, composante « islamiste » incluse, à faire évoluer son système normatif tout en le maintenant en référence avec un dogme considéré comme intangible, qu'il est en effet

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