Étude du texte La vérité de Bergson
Mémoires Gratuits : Étude du texte La vérité de Bergson. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Rorom63 • 8 Avril 2015 • 3 724 Mots (15 Pages) • 2 515 Vues
TEXTE DE BERGSON SUR LA VÉRITÉ
« La vérité serait déposée dans les choses et dans les faits : notre science
irait l’y chercher, la tirerait de sa cachette, l’amènerait au grand jour. Une
affirmation telle que « la chaleur dilate les corps » serait une loi qui gouverne
les faits, qui trône [...] au milieu d’eux, une loi véritablement contenue dans
notre expérience et que nous nous bornerions à en extraire. [...] Cette conception
de la vérité est naturelle à notre esprit et naturelle aussi à la philosophie,
parce qu’il est naturel de se représenter la réalité comme un tout parfaitement
cohérent et systématisé, que soutient une armature logique. Cette armature
serait la vérité même ; notre science ne ferait que la retrouver. Mais l’expérience
pure et simple ne nous dit rien de semblable. L’expérience nous présente un flux
de phénomènes : si telle ou telle affirmation relative à l’un d’eux nous permet
de maîtriser ceux qui le suivront ou même simplement de les prévoir, nous
disons de cette affirmation qu’elle est vraie. Une proposition telle que « la
chaleur dilate les corps », proposition suggérée par la vue de la dilatation d’un
certain corps, fait que nous prévoyons comment d’autres corps se comporteront
en présence de la chaleur ; elle nous aide à passer d’une expérience ancienne à
des expériences nouvelles ; c’est un fil conducteur, rien de plus. La réalité coule
; nous coulons avec elle ; et nous appelons vraie toute affirmation qui, en nous
dirigeant à travers la réalité mouvante, nous donne prise sur elle et nous place
dans de meilleures conditions pour agir. »
BERGSON, La Pensée et le Mouvant, chapitre VIII.
1
Introduction.
Dans ce texte, extrait d’une préface rédigée par Bergson à l’occasion de la
traduction française, en 1911, du livre de William James intitulé Le
Pragmatisme (paru en 1907), Bergson aborde le problème de la vérité. Plus
précisément, il s’efforce de déterminer l’essence de la vérité ainsi que son
critère. Il s’agit donc de savoir en quoi consiste la vérité d’une assertion et
comment il est possible de reconnaître qu’elle est vraie.
Bergson soutient ici, du moins en ce qui concerne la vérité scientifique1, la
conception pragmatiste, selon laquelle la vérité est un guide pour agir sur les
choses. Ce qui revient à dire que la vérité se définit par les conséquences
avantageuses qu’elle entraîne pour l’homme sur le plan de l’action2. En
d’autres termes, le critère de la vérité, c’est la réussite et l’efficacité pratiques.
I. Bergson commence par rappeler la conception courante de la vérité,
conception reprise par certains philosophes, et qu’on peut nommer
intellectualiste, dans la mesure où elle se tient sur un plan purement
spéculatif ou encore purement théorique, sans souci, comme on le verra, de
la signification pratique de la vérité. Elle revient, selon Bergson, à confondre
vérité et réalité ou, du moins, à faire de la vérité une propriété des choses.
Ainsi, la vérité existerait dans la réalité elle-même. Une loi3, c’est-à-dire une
vérité scientifique comme celle qui énonce que « la chaleur dilate les corps »
serait une donnée de l’expérience, elle appartiendrait à la réalité objective
elle-même. En tant que propriété des choses, elle existerait donc
indépendamment de notre esprit.
1 Cf. « notre science » (lignes 1-2 et ligne 10). De plus, l’exemple choisi par Bergson : « la
chaleur dilate les corps » (ligne 3 et ligne 15) est un exemple de vérité scientifique.
2 En grec, pra~gma (lire : prâgma) signifie action (cf. William James, Le Pragmatisme,
Flammarion, 1968, p. 49).
3 Une loi, c’est-à-dire une relation constante entre certains phénomènes.
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En tant que telle, elle préexisterait à la connaissance qu’on peut en avoir.
Et, puisque la vérité est cachée dans les faits comme une noix dans sa
coquille (Bergson, La Pensée et le Mouvant, in OEuvres, Éd. du Centenaire,
PUF, 1963, p. 1445), la connaissance (la science) se limiterait à une activité de
découverte, c’est-à-dire que son rôle serait seulement de dévoiler la vérité,
autrement dit d’ôter le voile qui jusqu’alors la masquait. En ce sens, le savoir
se réduirait à une simple mise en évidence de ce qui existe déjà : il
n’ajouterait rien à la réalité. L’emploi systématique, dans les deux premières
phrases, du mode conditionnel, traduit de la part de Bergson une intention
critique : c’est là le signe qu’il refuse une telle conception de la vérité.
II. Mais, avant de réfuter cette
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