Il ne suffit pas d'être en présence de la vérité pour que celle-ci soit intelligible.
Dissertation : Il ne suffit pas d'être en présence de la vérité pour que celle-ci soit intelligible.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar orloff13 • 27 Novembre 2016 • Dissertation • 1 840 Mots (8 Pages) • 1 719 Vues
« Il ne suffit pas d’être mis en présence de la Vérité pour qu’elle nous soit intelligible ».
Cette formule m’a d’abord plongé dans un abîme de perplexité. Personnellement je n’ai jamais été mis en présence de la Vérité. Il vaudrait mieux poser la question à un croyant. La Vérité, moi je la cherche. Que ceux qui l’ont trouvé lèvent le doigt pour en parler à l’Apprenti que je suis. Voilà ce que j’ai d’abord pensé.
Ensuite, je me suis dit que mes Fr :. attendaient que je leur dise quelque chose, que je leur donne quelque chose. Et alors je suis allé chercher au plus profond de soi, dans mon temple intérieur, ce qui n’est peut être pas la pierre philosophale, mais qui est ce que je sais. Et c’est vrai qu’il est des choses qui me sont apparues avérées et qu’il fallait mettre de côté la Vérité avec une majuscule pour s’attacher aux vérités avec une minuscule, celles qu’on découvre au quotidien, en marchant sur la route de sa vie.
Voilà ce que j’ai glané sur mon chemin. La première vérité qui me soit apparue dans la vie est celle de la mort. L’enfant que j’ai été a grandi dans un univers où tout paraissait possible grâce à l’affection et à la gentillesse de tous ceux qui m’entouraient. Aucun chagrin n’était irréversible et on pouvait rêver du meilleur pour le lendemain. Car la joie venait toujours après la tristesse. Puis j’ai perdu de bonne heure ceux qui m’avaient élevé. Et j’ai découvert pour la première fois quelque chose qui s’imposait à moi de façon incontestable, définitive et irréversible. J’ai été mis en présence de la mort, de sa vérité dans toute sa crudité. Le décès c’est le moment où tout s’arrête, le visage aux traits tirés prend un teint de cire et la dépouille aux yeux fermés et aux narines obturées n’est plus que le triste reflet de l’être aimé qui ne vit plus que dans nos souvenirs. Si on n’est pas bercé par les mots de la foi, je dirai qu’à cette occasion tout est fait pour bien ancrer chez les vivants l’idée d’un adieu irrémédiable : le couvercle du cercueil que l’on cloue, la dalle du caveau que l’on cimente. On comprend que c’est fini. Mais cela ne veut pas dire qu’on ait compris ce qui s’est passé. Je me suis senti trahi ou du moins méconnu par Dieu, le destin, je peine à me représenter cela 40 ans après. Il ne suffit pas d’être mis en présence de la mort pour que celle-ci soit intelligible. Et 40 ans après, le trépas reste toujours pour moi un mystère. Je ne sais toujours pas la vérité : si c’est le moment ou tout finit ou si c’est le passage vers un autre monde, ce dont je doute. Et voilà maintenant que 56 ans ont sonnés à l’horloge : je suis encore à ma fenêtre, je regarde toujours et je m’interroge encore.
Dans la vie, j’ai connu la réussite et j’ai connu l’échec.
Mes plus belles réussites ont été scolaires et universitaires. J’ai réussi notamment l’agrégation des facultés de droit. J’ai été reçu 4°, j’avais 10 ans de moins que le plus jeune des autres candidats reçus. Honnêtement j’ai beaucoup travaillé pour ça et j’ai même failli ne jamais me marier : ma future épouse n’a pas compris qu’à l’été 1986 je devais passer quatorze heures par jour à faire du droit romain au lieu de passer du temps avec elle. Alors le jour où le succès arrive, je ne peux pas mieux dire, il fait très beau. Il suffit d’être mis en présence d’une telle victoire pour qu’on soit heureux. Mais on ne dira pas pour autant que le succès soit intelligible. D’ailleurs, après moi, j’ai vu échouer des candidats très méritants et triompher des individus que je ne jugeais pas capables. La réussite m’apparaît finalement comme assez aléatoire. On est sur le quai : le train s’arrête là où vous vous trouvez. Il y en a peut être pas cent, car tout le monde n’a pas fait l’effort de se lever et de payer le prix d’un billet, mais il y en a quand même dix qui pourraient monter : ils sont à l’heure, ils ont leur ticket et ils ont bien tout préparé, les sacs, les valises. Mais c’est vous qui montez le premier. Et tant pis pour ceux qui sont 10 m à droite ou 10 m à gauche. C’est le destin ou alors c’est la faute à ‘pas de chance’. Et plus je vois les trains passer et repasser, moins je me dis que tout cela est intelligible. Les clés de mon succès s’éloignent avec le temps qui passe. Et au fond, tout bien pesé, est-ce que ça valait vraiment le coup d’être monté dans le train ? Trente ans après je me dis que j’aurais pu faire autre chose, à pieds ou en vélo. Le pays dans lequel je vis ne va pas bien. Ma belle réussite universitaire m’y a cloué. J’aurais peut-être mieux fait d’échouer. Ma réussite apparente ne m’a-t-elle pas conduit à une impasse et donc à un échec ? N’aurais-je pas mieux fait dans le champ d’à côté, dont l’herbe aujourd’hui me paraît beaucoup plus verte? Qui sait ? Où est la vérité ?
Dans la vie j’ai également connu l’échec, clair et net. Le 6 juin dernier je me suis présenté à la direction de l’IEP d’Aix. J’ai été battu. Honnêtement, j’ai pensé que j’étais le candidat le plus sincère, que j’avais le meilleur projet… et entre nous, sous le maillet, que le jeu de cette élection était un peu faussé. Mais il ne suffit pas d’être mis en présence de l’échec pour qu’il nous soit intelligible. J’ai évidemment été défait parce que je n’avais pas le profil qui était attendu par les trente électeurs qui se sont prononcés. Le bon profil était-il vraiment d’être bon ? Mon compétiteur lui n’avait pas vraiment de programme… Mais les trente avaient de la légitimité à opérer le choix qu’ils ont fait : on les a mis là pour désigner le directeur. Qui suis-je, moi, pour dire qu’ils ont eu tort ? N’est ce pas le fiel de l’amertume qui m’aveugle ? En bref, je suis en présence de la vérité des urnes mais celle-ci ne m’est pas intelligible. Il y a certainement de la logique à mon échec même si je ne sais pas trop comment le décrypter. Et puis échec, échec, c’est vite dit : cela m’évitera de travailler douze heures par jours, onze mois sur douze en étant quotidiennement critiqué sous la lumière crue de projecteurs. J’ai peut être bien fait d’échouer - même si je n’ai pas fait exprès. Qui sait ? Ou est la vérité ?
...