Qu'est Ce Que Les Lumières ? Kant
Commentaires Composés : Qu'est Ce Que Les Lumières ? Kant. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Nouillelie • 7 Juillet 2013 • 2 878 Mots (12 Pages) • 1 130 Vues
Qu’est-ce que les Lumières ? (1784)
Par Emmanuel Kant (1724-1804)
1. Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même
responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de
penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute)
puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de
décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser)
Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
2. La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes,
après que la nature les a affranchi depuis longtemps d’une (de toute) direction étrangère,
reste cependant volontiers, leur vie durant, mineurs, et qu’il soit facile à d’autres de se
poser en tuteur des premiers. Il est si aisé d’être mineur ! Si j’ai un livre qui me tient lieu
d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui décide pour
moi de mon régime, etc., je n’ai vraiment pas besoin de me donner de peine moi-même. Je
n’ai pas besoin de penser pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront bien de ce
travail ennuyeux. Que la grande majorité des hommes (y compris le sexe faible tout entier)
tienne aussi pour très dangereux ce pas en avant vers leur majorité, outre que c’est une
chose pénible, c’est ce à quoi s’emploient fort bien les tuteurs qui très aimablement (par
bonté) ont pris sur eux d’exercer une haute direction sur l’humanité. Après avoir rendu
bien sot leur bétail (domestique) et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles
créatures n’aient pas la permission d’oser faire le moindre pas, hors du parc ou ils les ont
enfermé. Ils leur montrent les dangers qui les menace, si elles essayent de s’aventurer
seules au dehors. Or, ce danger n’est vraiment pas si grand, car elles apprendraient bien
enfin, après quelques chutes, à marcher ; mais un accident de cette sorte rend néanmoins
timide, et la frayeur qui en résulte, détourne ordinairement d’en refaire l’essai.
3. Il est donc difficile pour chaque individu séparément de sortir de la minorité qui est
presque devenue pour lui, nature. Il s’y est si bien complu, et il est pour le moment
réellement incapable de se servir de son propre entendement, parce qu’on ne l’a jamais
laissé en faire l’essai. Institutions (préceptes) et formules, ces instruments mécaniques de
l’usage de la parole ou plutôt d’un mauvais usage des dons naturels, (d’un mauvais usage
raisonnable) voilà les grelots que l’on a attachés au pied d’une minorité qui persiste.
Quiconque même les rejetterait, ne pourrait faire qu’un saut mal assuré par-dessus les
fossés les plus étroits, parce qu’il n’est pas habitué à remuer ses jambes en liberté. Aussi
sont-ils peu nombreux, ceux qui sont arrivés par leur propre travail de leur esprit à
s’arracher à la minorité et à pouvoir marcher d’un pas assuré.
4. Mais qu’un public s’éclaire lui-même, rentre davantage dans le domaine du possible, c’est
même pour peu qu’on lui en laisse la liberté, à peu près inévitable. Car on rencontrera
toujours quelques hommes qui pensent de leur propre chef, parmi les tuteurs patentés
(attitrés) de la masse et qui, après avoir eux-mêmes secoué le joug de la (leur) minorité,
répandront l’esprit d’une estimation raisonnable de sa valeur propre et de la vocation de
chaque homme à penser par soi-même. Notons en particulier que le public qui avait été
mis auparavant par eux sous ce joug, les force ensuite lui-même à se placer dessous, une
fois qu’il a été incité à l’insurrection par quelques-uns de ses tuteurs incapables euxmêmes
de toute lumière : tant il est préjudiciable d’inculquer des préjugés parce qu’en fin
de compte ils se vengent eux-mêmes de ceux qui en furent les auteurs ou de leurs
devanciers. Aussi un public ne peut-il parvenir que lentement aux lumières. Une
révolution peut bien entraîner une chute du despotisme personnel et de l’oppression
intéressée ou ambitieuse, (cupide et autoritaire) mais jamais une vraie réforme de la
méthode de penser ; tout au contraire, de nouveaux préjugés surgiront qui serviront, aussi
bien que les anciens de lisière à la grande masse privée de pensée.
5. Or, pour ces lumières, il n’est rien requis d’autre que la liberté ; et à vrai dire la liberté la
plus inoffensive de tout ce qui peut porter ce nom, à savoir celle de faire un usage public
de sa raison dans tous les domaines. Mais j’entends présentement crier de tous côtés : « Ne
raisonnez pas »! L’officier dit : Ne raisonnez pas, exécutez ! Le financier : (le percepteur)
« Ne raisonnez pas, payez! » Le prêtre : « Ne raisonnez pas, croyez : » (Il
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