Platon Protagoras
Analyse sectorielle : Platon Protagoras. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dj_hop56 • 23 Avril 2014 • Analyse sectorielle • 5 828 Mots (24 Pages) • 1 511 Vues
Platon Protagoras
Traduction de Léon Robin (1866 - 1947) Édition électronique (ePub) v.: 1,0 : Les Échos du Maquis, 2011.
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Note sur cette édition
Considéré comme un dialogue de jeunesse (période ~399 - ~390), le Protagoras met en présence Socrate et l'un des plus célèbres Sophistes grecs. La discussion porte notamment sur la possibilité d'enseigner la vertu. Protagoras affirmera qu'elle n'est pas une science, mais qu'on peut l'enseigner; Socrate, à l'inverse, soutiendra qu'elle est une science, mais qu'elle ne s'enseigne pas. Cette rencontre entre Socrate et Protagoras pourrait avoir eu lieu vers ~430. Le dialogue renferme cependant des allusion à des événements postérieurs. Le texte de cette édition électronique est fidèle à la traduction de Léon Robin. Nous avons toutefois opté, parfois, pour une présentation classique des dialogues (à la ligne lors des changements de locuteurs). Les indications de sections n'existent pas dans les textes originaux et sont imaginées par le traducteur. Nous les avons tout de même reprises, puisqu'elles rendent possible une navigation utile dans le texte. Les quelques notes du traducteur qui sont reportées, entièrement ou en partie, sont identifiées (N.d.T.), les nôtres par (N.d.É.).
Les Échos du Maquis, juin 2011.
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Protagoras (ou les Sophistes)1
Prologue. (309a - 310a) L'ami de Socrate: D'où diantre te voilà-t-il venu, Socrate? Parbleu! c'est clair: de la poursuite de ton gibier habituel, Alcibiade, et de la fleur de sa beauté! Soit dit en passant, quand je l'ai vu, il n'y a pas longtemps, je l'ai trouvé beau garçon encore, Socrate; un homme pourtant, à le dire du moins entre nous, avec cette barbe dont il est déjà tout plein! Socrate: Qu'est-ce que cela, après tout? N'es-tu pas, en vérité, prêt à louer Homère [b] d'avoir dit que la suprême grâce de la jeunesse, c'est la barbe qui commence à pousser? L'âge présent d'Alcibiade! L'ami: Tes affaires, donc, comment vont-elles à cette heure? Est-ce d'auprès de lui vraiment que te voilà? Et quelles sont envers toi les dispositions du jeune homme? Socrate: Excellentes, autant qu'il m'a semblé! Et même, aujourd'hui surtout; car il a beaucoup parlé dans mon intérêt et j'ai trouvé en lui du secours. De vrai, c'est bien d'auprès de lui que j'arrive à l'instant; il y a eu pourtant quelque chose de déconcertant que je veux bien te dire: c'est que, malgré sa présence, je ne faisais point attention à lui, que souvent je l'oubliais! L'ami: [c] Eh! qu'aurait-il bien pu se passer de si sérieux, à ton égard et au sien! Je ne suppose pas en effet que, dans cette ville au moins, tu aies pu rencontrer quelqu'un de plus beau que lui! Socrate: Si, et même de beaucoup! L'ami: Que me dis-tu? quelqu'un de la ville? ou bien un étranger? Socrate: Un étranger. L'ami: Et d'où cela? Socrate: D'Abdère. L'ami: Et tu as trouvé en cet étranger un être assez beau pour qu'il t'apparût plus beau que le fils de Clinias? Socrate: Mais comment, bienheureux ami, le comble du savoir n'apparaîtrait-il pas d'une plus grande beauté!
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1 Ces sous-titres aux dialogues de Platon ne sont pas de lui. Cependant, on les retrouve associés aux textes très tôt dans l'histoire. (Cf. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres.) (N.d.É.)
L'ami: Eh mais! Qu'est-ce à dire? te voilà, Socrate, en notre compagnie après avoir fait rencontre d'un savant? Socrate: [d] Dis plutôt du plus savant, oui très certainement, du plus savant de nos contemporains: à supposer que ce soit ton avis, que Protagoras soit un très savant homme! L'ami: Pas possible! Protagoras est ici en visite? Socrate: Oui, depuis trois jours déjà. L'ami: Alors c'est après avoir été en sa compagnie qu'à l'instant tu nous es arrivé? Socrate: [310a] Et même, de l'un à l'autre, notre conversation a été tout à fait copieuse! L'ami: S'il en est ainsi, pourquoi ne pas, à moins que tu n'aies un empêchement, nous raconter la réunion, en t'asseyant ici à la place d'où tu auras fait lever ce serviteur...? Socrate: C'est parfait! Et je vous rendrai grâces de bien vouloir m'écouter... L'ami: À coup sûr, te rendrons-nous grâces, nous aussi, de bien vouloir parler... Socrate: Les grâces ainsi se doubleraient! Quoi qu'il en soit, écoutez.
Le récit de Socrate (310a - 311b) Socrate: Cette nuit passée, encore aux premières lueurs du jour, Hippocrate, le fils d'Apollodore et le frère de Phason, [b] frappait très fort à ma porte avec son bâton; dès qu'on lui eut ouvert, le voilà entrant précipitamment à l'intérieur, et parlant à haute voix: «Socrate, disait-il, es-tu éveillé, ou bien dors- tu? — C'est toi, Hippocrate! lui dis-je ayant reconnu sa voix; j'espère bien que tu n'as rien de nouveau à m'annoncer! — Au moins, me répond-il, rien en vérité que de bon! — Tu feras bien alors de parler! dis-je à mon tour. Mais qu'y a-t-il, et quel motif t'a fait venir ici à pareille heure? — Protagoras est ici! s'écria-t-il en se mettant contre moi. — Il y est depuis avant-hier, repartis-je; ne fais-tu que de l'apprendre? [c] — De par les Dieux! dit-il, d'hier soir seulement!» Là- dessus, cherchant à tâtons mon lit de camp, il s'y asseyait à mes pieds: «Tout juste hier soir, reprit-il; très tard même, à mon retour dŒnoê: oui, en effet, mon esclave Satyros s'était enfui, et, bien que j'eusse l'intention formelle de t'expliquer que je me mettrais à sa poursuite, je ne sais quoi d'autre fit que je n'y pensai plus. Quand je fus de retour, comme, après avoir soupé, nous nous disposions à aller nous reposer, à ce moment mon frère m'annonce que Protagoras est arrivé. Même à ce moment, je voulus encore venir tout de suite te trouver; à la réflexion, cependant, je me dis que c'était trop avant dans la nuit.
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Mais, aussitôt que le sommeil m'eut remis de ma fatigue, [d] je me levais sans tarder et me mettais en route pour venir de la sorte ici!» » Alors moi, qui connais son tempérament mâle et passionné: «Qu'est-ce donc qui t'arrive? demandai-je. Protagoras te fait-il tort en quelque chose? —
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