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Ne désir-t-on Que Ce Dont Nous Avons Besoin ?

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Par   •  4 Mai 2012  •  3 567 Mots (15 Pages)  •  2 856 Vues

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Il est courant de distinguer le besoin du désir. En effet, on prête au besoin une nécessité, un caractère impérieux relativement à la vie, voire à la survie, qu'on ne reconnaît pas au désir dont les objets sont jugés plus ou moins futiles pour l'existence. Ce qui invite à penser qu'il y a entre l'état de besoin et le désir une différence irréductible. Le besoin serait de l'ordre de la nécessité, essentiellement biologique, de la survie, tandis que le désir lui serait de l'ordre du superflu ou viserait des fins qui sont très au-delà de la survie, comme le plaisir ou le bonheur, choses sans lesquelles il est possible de vivre. On a besoin du nécessaire, on désire le superflu. Toutefois, il est tout aussi courant d'employer indifféremment le mot besoin et le mot désir relativement aux mêmes choses. On peut dire qu'on a besoin de manger, d'apprendre, d'être aimé, de se divertir... , tout comme on peut désirer tout cela. C'est pourquoi il est légitime de se demander si nous ne désirons que ce dont nous avons besoin.

En d'autres termes, est-ce parce que nous en avons besoin, qu'ils nous sont nécessaires, que nous désirons certains objets ou certaines fins ?

Il semble que oui, mais alors comment expliquer que certains de nos désirs portent sur des objets qui sont loin de nous être nécessaires ? Ne désirons-nous pas plus de choses que celles qui nous sont absolument indispensables ? Mais, d'un autre côté, est-il possible de désirer quelque chose sans en avoir besoin à un titre quelconque ? Pourrions-nous désirer quelque chose qui ne nous soit utile en rien ?

Le désir est-il réductible à l'état de besoin dont il serait la manifestation ou n'est-il pas au contraire ce qui engendre l'état de besoin lui-même ? A moins toutefois qu'il ne soit pas d'une autre nature que le besoin.

La notion de besoin désigne non pas une chose en tant que telle, mais l'état d'un être vivant ou d'une chose (cette chambre a besoin d'être rangée !) par rapport à ce qui lui est nécessaire en vue d'une fin quelconque. (Définition tirée du dictionnaire philosophique de Lalande). On dira par exemple que l'on a besoin d'un marteau pour planter un clou, que les enfants ont besoin d'être éduqués, que nous avons besoin de nous nourrir pour vivre.

De cette définition, on peut dégager l'idée selon laquelle la notion de besoin se définit par le lien qui existe entre un moyen et une fin : c'est par rapport à une fin quelconque : avoir une chambre bien rangée, planter un clou, être éduqué, vivre, que l'état de besoin apparaît, mais cet état apparaît lorsque cette fin est manquée parce que le moyen qui permettrait de la réaliser manque lui aussi. Ce dont on a besoin, c'est toujours d'un moyen nécessaire en vue d'une fin, mais on en a besoin seulement lorsqu'il manque et parce qu'il manque. Avoir besoin, c'est manquer du moyen nécessaire à l'accomplissement d'une fin quelconque. Lorsque je dispose de ce moyen, je n'en ai pas besoin puisque je n'en manque pas, je l'utilise, je le mets en oeuvre, voilà tout.

En somme, l'idée de besoin est inséparable de celles de finalité et de manque, de privation. Sans elles, l'idée de besoin serait elle-même privée de sens.

Or, si le désir peut être décrit comme une tendance consciente vers un objet ou une fin, c'est aussi en terme de finalité et de manque qu'il est possible, par-delà sa description, d'expliquer son existence. C'est en effet ainsi que Platon, dans Le Banquet, rend compte de la nature du désir : il est l'effet d'un manque de quelque chose par rapport à ce que je devrais être ou devrais posséder pour être accompli, excellent, donc pour être heureux. Je désire ce qui me manque parce que j'en manque et si j'en manque, c'est non pas simplement parce que je ne possède pas ce qui me manque, mais parce qu'en outre je devrais le posséder. Si je désire posséder de belles et bonnes choses, telles que la santé, la richesse, la force ou des vertus, c'est parce qu'il me faut les posséder pour être un homme accompli, pour atteindre l'excellence de ma nature d'homme ou dans la fonction que la nature ou la Cité m'ont assigné. Ou, ce qui revient au même ici, pour être heureux, puisqu'il n'y a pas de bonheur en dehors de l'excellence.

Puisqu'on peut rendre compte du désir comme du besoin avec les notions de manque et de finalité, de moyen manquant et de fin, on peut en conclure qu'il n'existe pas de différence de nature entre l'état de besoin et celui dans lequel on désire. L'état de besoin et le désir serait la même chose ou les deux faces d'une même chose : l'état passif de besoin aurait pour envers dynamique le désir. L'état de besoin qui n'est en effet qu'un état, un état passivement vécu qui exprime, quelquefois douloureusement, un manque serait l'envers du désir, déterminé par ce même manque, mais comme tendance vers un objet ou une fin, exprimant ainsi une force, une activité que n'est pas présente dans l'état de besoin.

De ce point de vue, on peut soutenir que nous désirons ce dont nous avons besoin. D'une part au sens où l'on peut dire que l'état de besoin est à l'origine d'un désir qui va prendre pour objet le moyen qui nous manque, celui dont précisément nous avons besoin, dans la poursuite de notre fin, et donc que le désir a pour fonction de mettre fin à l'état de besoin. Dans ce cas, le désir est subordonné au besoin, n'existe et ne se manifeste que par rapport à lui et dans le but de le faire cesser. Et, d'autre part au sens où l'on peut dire qu'étant de même nature les fins par rapport auxquelles l'état de besoin peut se faire sentir sont précisément celles que le désir vise, les fins par rapport auxquelles il y a besoin. Dans ce cas, ils sont purement et simplement identifiés l'un à l'autre.

Du reste, le caractère interchangeable des mots besoin et désir dans de nombreuses expressions communes témoigne en faveur de cette identification. On utilise souvent indifféremment le mot désir et celui de besoin lorsqu'on parle de vivre, d'être aimé ou reconnu, de connaître une promotion sociale, de se livrer à une activité physique ou intellectuelle, ou encore de luxe et de raffinement. Nous ne désirerions donc que ce dont nous avons besoin.

Seulement, cette thèse admet certaines réserves : puisque

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