Les Hommes Ne Vivent-il En Société Que Par Interet ?
Dissertation : Les Hommes Ne Vivent-il En Société Que Par Interet ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar riquiiita • 22 Janvier 2014 • 2 095 Mots (9 Pages) • 2 240 Vues
Sujet et corrigé d'une dissertation : Les hommes ne vivent-ils en société que par intérêt ?
La société permet aux hommes de satisfaire leurs intérêts. De là à penser qu’ils ne vivent en société que par intérêt il y a un pas qui ne va pas sans difficulté.
En effet, aucune société n’accepte vraiment que chaque individu ne recherche que son intérêt. Au contraire, chacune exige éventuellement que l’individu se sacrifie au bien commun. En outre, pour qu’il soit possible de concevoir que les hommes ne vivent en société que par intérêt, il faut que la société soit le résultat des volontés de chacun de ses membres. Or, n’est-elle pas un fait indépendant de la volonté individuelle, voire un fait naturel ?
On peut donc se demander s’il est possible de concevoir que les hommes ne vivent en société que par intérêt ou bien si la société est la condition pour qu’ils aient des intérêts.
En effet, pour que l’on puisse dire que les hommes ne vivent en société que par intérêt, c’est-à-dire en recherchant leur utilité propre, il faut que la société soit le résultat d’une sorte de convention entre individus. Or, si la société est un fait naturel, c’est plutôt elle qui permettrait aux hommes de rechercher leur intérêt.
Qu’elle soit un fait naturel, c’est ce qu’Aristote a tenté de démontrer dans saPolitique (livre I, chapitre 2). En effet, la première forme d’association selon lui est la famille composée des parents, des enfants et des biens. Celle-ci permet à chacun de subvenir à ses besoins élémentaires. C’est pourquoi on ne peut dire que l’enfant entre dans une famille par intérêt. C’est au contraire la famille qui lui fournit les éléments nécessaires à sa survie. À plus forte raison pour la seconde forme d’association qui est le village ou l’ethnos selon Aristote, ce dernier terme se traduit par peuple ou nation. Réunion de plusieurs familles, ou de plusieurs villages, elle se caractérise par la satisfaction de besoins moins élémentaires et repose sur la division des tâches. Le forgeron fournit les outils à l’agriculteur qui cultive le blé que prépare le boulanger, et ainsi de suite. Certes, cette division des tâches pourrait être conçue comme la pure recherche de l’intérêt. Toutefois, le village préexiste en un sens à la division des tâches. C’est pourquoi de nombreuses sociétés la conçoivent comme une émanation des dieux ou une loi intangible.
Enfin, la troisième forme d’association est la cité. Elle se distingue de toutes les autres en ce qu’elle ne vise pas à satisfaire les besoins élémentaires. Elle n’est pas liée aux intérêts des individus, mais vise le bien vivre. Les citoyens, par l’usage de la parole, discutent et établissent le juste et l’injuste, l’utile et le nuisible. Aussi, c’est non seulement parce qu’elle présuppose que les intérêts de chacun soient d’abord satisfaits, mais surtout parce qu’elle est la condition pour que chacun définisse ce qu’est son intérêt et ce qu’est l’intérêt commun, soit l’utile individuel et l’utile pour tous, que les citoyens ne vivent pas en cité par intérêt.
Toutefois, la cité ne regroupe pas strictement tous ceux qui en sont membres. Sont citoyens au sens propre ceux qui participent aux décisions, le peuple dans les démocraties, le petit nombre des riches dans les oligarchies, voire le roi dans les monarchies. Or, les autres, citoyens passifs, femmes ou esclaves, œuvrent et travaillent pour les citoyens. Aussi, n’est-ce pas pour leur intérêt que les Grecs ou les Romains ont constitué des cités ? N’était-ce pas pour se libérer du travail comme l’a indiqué Hannah Arendt dans Condition de l’homme moderne (1958) que les anciens ont constitué des cités ? Le désintéressement apparent du citoyen antique ne se manifeste-t-il pas le mieux dans la guerre qui lui permet de trouver butin et esclaves ?
Aussi peut-on avec Hobbes dans Le Citoyen (1642) (cf. Section première La liberté, chapitre premier De l’état des hommes hors de la société civile) refuser d’admettre la thèse selon laquelle l’homme est un animal politique. En effet, comment expliquer alors que les hommes s’affrontent ? S’il y avait une sociabilité naturelle, il n’y a aucune raison pour laquelle les hommes préféreraient ceux qui vivent dans la même société que le premier homme venu. Aussi, les guerres entre différentes sociétés comme les guerres civiles montrent-elles qu’ « un homme est aussi un loup à un autre homme » selon l’Épitre dédicatoire à monseigneur le comte de Devonshire de son ouvrage Le Citoyen(Hobbes reprend le mot du poète comique latin Plaute [~254-184 av. J.-C.] dans sa Comédies des ânes).
Dira-t-on avec Bergson dans les Deux sources de la morale et de la religion(1932), que la nature a destiné les hommes à vivre en de petites sociétés analogues aux sociétés primitives et que donc la guerre est naturelle comme cette sociabilité première ? On ne peut comprendre comment la nature a également permis que les hommes quittent cette situation originale, sauf à attribuer à la nature des intentions chaque fois que l’on trouve un fait, ce qui n’avance guère. Mais comment les hommes pourraient vivre en société par simple intérêt quand celui-ci leur conseillera aussi bien de nuire aux autres par intérêt ?
On peut certes concevoir la division du travail au sens large, c’est-à-dire la division des tâches, si par tâche on entend une activité qui donne lieu à un produit fini comme le pain du boulanger ou la récolte de pommes de terre du paysan, voire la division du travail au sens étroit, c’est-à-dire la réalisation par différents individus comme le principe qui permet d’accorder les intérêts divergents des uns et des autres. Si Platon, dans le livre II de La République(369b-372d) concevait la division des tâches comme résultant de l’impossibilité pour chacun de se suffire à lui-même, c’est-à-dire comme manifestant le caractère nécessairement social de la vie humaine, Adam Smith (1723-1790), continuateur de son ami David Hume dans ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, voyait dans un calcul d’intérêt l’origine de la division du travail au sens large [« Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage. » écrivait Adam Smith dans sa Recherches sur la nature et les causes de la richesses des nations,
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