La Valeur De La Philosophie
Analyse sectorielle : La Valeur De La Philosophie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 18 Octobre 2013 • Analyse sectorielle • 2 378 Mots (10 Pages) • 804 Vues
Chapitre XV : La valeur de la philosophie.
Arrivés à la fin de notre brève et très incomplète analyse des problèmes de la philosophie, il serait bon pour conclure d'en estimer la valeur et d'examiner les raisons pour lesquelles elle devrait être étudiée. Il est indispensable d'envisager cette question du fait que de nombreuses personnes, sous l'influence de la science ou de la vie courante, sont amenées remettre en cause la philosophie comme n'étant guère supérieure à un inoffensif mais futile art du distinguo où l'on coupe les cheveux en quatre, et un ensemble de polémiques sur des sujets où toute connaissance est impossible.
Cette idée de la philosophie résulte de conceptions erronées, pour une part quant aux buts de l'existence, pour une autre part quant aux bienfaits que la philosophie peut procurer. La physique, par les inventions qu'elle permet, est utile à une multitude de gens qui ignorent tout de cette discipline ; ainsi, l'étude de la physique est à recommander, non seulement ou principalement pour les effets qu'elle a sur celui qui l'étudie, mais plutôt à cause de ses conséquences sur toute l'humanité. La philosophie ne présente pas une telle utilité. Si son étude présente quelque valeur pour d'autres que les philosophes, ce doit être seulement de façon indirecte, par ses conséquences sur la vie de celui qui s'y intéresse. C'est dans ces effets qu'il faut donc avant tout rechercher la valeur de la philosophie.
Mais de plus, si nous ne voulons pas échouer dans notre tentative de définir la valeur de la philosophie, nous devons auparavant débarrasser notre esprit des préjugés appartenant à ceux improprement nommés individus « pratiques ». Celui qu'on appelle individu « pratique » dans le langage courant ne connaît que les besoins matériels, ne voit pour l'être humain que l'obligation d'alimenter son corps, mais ne tient pas compte de la nécessité des nourritures spirituelles. Si tous les hommes étaient riches, si la pauvreté et la maladie étaient réduites à leur plus bas niveau, il resterait encore beaucoup à faire pour créer une société idéale ; et même dans le monde actuel, les biens de l'esprit sont au moins aussi importants que les biens du corps. C'est exclusivement parmi ceux-là que la valeur de la philosophie est à rechercher ; et seul celui qui n'est pas insensible aux biens de l'esprit peut être convaincu que l'étude de la philosophie n'est pas une perte de temps.
Comme toutes les autres recherches, la philosophie a pour objectif principal la connaissance. Elle aspire à cette catégorie de connaissance qui unit et systématise le corpus scientifique, et qui procède d'un examen critique des fondements de nos convictions, de nos préjugés et de nos croyances. Pourtant on ne peut faire valoir que la philosophie ait eu beaucoup de réussite dans ses efforts de fournir des réponses claires à ces questions. Si l'on demande à un mathématicien, à un minéralogiste, à un historien, ou à tout autre spécialiste, quelles connaissances ont été démontrées par sa discipline, il répondra aussi longtemps qu'on voudra l'écouter. Mais si l'on pose la même question à un philosophe, il devra reconnaître, s'il est sincère, que ses travaux n'ont pas donné de résultats aussi effectifs que ceux obtenus dans les autres savoirs. Il est vrai que cela est dû en partie au fait que, dès que l'on acquiert une connaissance précise sur un quelconque sujet, celui-ci sort du champ de la philosophie et devient une science distincte. L'étude du cosmos, qui relève actuellement de l'astronomie, était autrefois l'objet de la philosophie ; Newton intitula son œuvre maîtresse « Principes mathématiques de philosophie naturelle. » De même, l'étude de l'esprit humain, qui appartenait au domaine de la philosophie, en est maintenant séparée pour constituer la psychologie scientifique. Ainsi, l'incertitude de la philosophie se révèle largement plus apparente que réelle ; les questions qui ont pu recevoir une réponse rigoureuse sont incluses dans la science, tandis que les interrogations qui n'ont pas encore obtenu d'explications précises demeurent dans ce résidu nommé philosophie.
Toutefois, au sujet de l'incertitude de la philosophie, ce n'est qu'une partie de la vérité. Il existe de nombreuses questions - dont certaines sont du plus grand intérêt pour notre vie spirituelle - qui, pour autant qu'on puisse l'imaginer, doivent rester insolubles pour l'intelligence humaine à moins que ses capacités ne soient modifiées profondément au-delà de ses limites actuelles. L'univers présente-t-il la cohérence d'un programme ou d'un projet, ou n'est-il qu'un assemblage fortuit d'atomes ? La conscience est-elle un élément permanent de l'univers, donnant l'espoir d'une croissance illimitée de la connaissance, ou n'est-elle qu'un accident transitoire sur une petite planète où la vie doit finir par s'éteindre ? Le bien et le mal ont-ils une portée pour l'univers ou seulement pour l'homme ? La philosophie pose de telles questions, diversement argumentées par différents philosophes. Mais, qu'il existe on non une autre manière susceptible de découvrir la solution, il semble qu'on ne puisse démontrer vraie aucune des réponses proposées par la philosophie. Malgré tout, si mince que soit l'espoir de trouver une explication, c'est l'un des devoirs de la philosophie que de persévérer dans de telles interrogations, de nous faire prendre conscience de leur portée, d'en explorer toutes les approches, et de conserver vivace, à l'égard de l'univers, cet intérêt spéculatif qu'on peut détruire en se limitant aux seules connaissances rigoureusement démontrables.
Beaucoup de philosophes, il est vrai, ont cru que leur discipline pouvait démontrer la vérité de certaines réponses à de telles questions fondamentales. Ils ont supposé qu'une démonstration rigoureuse pouvait prouver l'exactitude du fondement des croyances religieuses. Afin de juger ces tentatives, il est nécessaire d'avoir une vue globale de la connaissance humaine, et d'apprécier ses méthodes et ses limites. Sur un tel sujet, il serait imprudent de se prononcer de façon catégorique ; mais si les analyses des précédents chapitres ne nous ont pas induits en erreur, nous devons renoncer à l'espoir de découvrir par la philosophie
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