La Matière Et L'esprit

Du matérialisme d'Épicure à l'immatérialisme de Berkeley, de nombreux penseurs prennent position de la réalité ou non de la matière. D'un côté, on peut la voir comme une substance réelle dont l'existence ne dépend pas de l'entendement. En effet, les perceptions et l'expérience semblent confirmer son existence.

La matière n'est-elle donc pas une réalité indubitable ? Pourquoi, dans ce cas, certains penseurs mettent en doute son existence et la voient comme une illusion de l'esprit ? Finalement, même si le débat n'offre pas de solution claire, ne sommes-nous pas obligés d'admettre l'existence de la matière ?

Il semble d'abord que la matière soit une réalité dont l'existence est indépendante de l'entendement. Toutefois, il existe des objections à cette hypothèse : on peut parfois considérer la matière comme une illusion de l'esprit. En fait, la question de la réalité ou non de la matière n'est pas essentielle, la matière est de toute façon une idée métaphysique et pratique nécessaire.

ILa matière n'est pas une illusion : c'est une réalité dont l'existence est indépendante de l'entendement

ALa division du monde entre matière et esprit

La matière et l'esprit sont les deux éléments qui composent le monde réel. On peut donner ici les définitions de la matière et de l'esprit. On évoque ensuite le dualisme, qui affirme que la division de la réalité entre matière et esprit est irréductible. La matière est donc bien une réalité.

Descartes soutient que la matière existe, de même que l'esprit : il a une conception dualiste de l'homme, qui a un corps et une âme. Esprit et matière peuvent exister indépendamment l'une de l'autre (Dieu est pur esprit et les animaux sont des corps sans esprit). Dans le sujet cartésien, on distingue clairement âme et corps, même s'ils sont ensuite unifiés : « L'âme de l'homme est réellement distincte du corps, et toutefois [.ry] elle lui est si étroitement conjointe et unie qu'elle ne compose que comme une même chose avec lui » (Méditations métaphysiques, 1641).

BLe primat de la matière sur l'esprit

Selon le matérialisme, la matière prime sur l'esprit : l'esprit n'est qu'une propriété de la matière ou l'esprit n'est que matière. Tout est matière ou tout dépend de la matière. Même la pensée ne serait que le produit d'un organe matériel, le cerveau. La matière est donc réellement une réalité (c'est plutôt l'esprit qui est une illusion).

On peut développer l'atomisme antique qui est représenté par Démocrite, Épicure et Lucrèce : l'univers (y compris l'âme) est entièrement constitué d'atomes, donc de matière.

L'atomisme renaît au XVIIe siècle lorsque Pierre Gassendi invente le terme de molécule pour désigner les agrégats d'atomes. Ces molécules sont « les semences ces choses » : elles forment tout élément de l'univers. On évoque aussi le philosophe français La Mettrie qui émet la théorie de l'homme-machine.

CLa réalité de la matière est une évidence

La réalité de la matière est une évidence telle qu'on l'utilise même pour dissiper les illusions de l'esprit. C'est bien le fondement des sciences expérimentales, qui posent l'expérience comme critère de vérité.

Au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, on observe l'essor de la science expérimentale. La méthode expérimentale, développée surtout par Claude Bernard, consiste à formuler une hypothèse et ensuite à la confronter à une expérience, une observation matérielle. Le critère de vérité est l'expérience matérielle : « L'accord avec l'expérience est pour une théorie physique l'unique criterium de vérité » (La Théorie physique, son objet et sa structure, Pierre Duhem, 1914).

Si certains éléments poussent à penser que la matière est bien une réalité, ce n'est pas l'avis de tous, et l'expérience est parfois vue comme un critère trop incertain de vérité.

IIToutefois, il existe des objections à la réalité de la matière : on peut parfois la considérer comme une illusion de l'esprit

ALa matière, une production de l'esprit

On peut remettre en doute la réalité de la matière : le rêve, le délire et l'imagination semblent prouver que l'esprit a la faculté de produire des mondes irréels, une matière imaginaire. Il est en effet fréquent de se réveiller avec la certitude (erronée) d'avoir eu de réelles sensations pendant son sommeil.

En 1635, Calderón de la Barca écrit une pièce de théâtre baroque, La vie est un songe. Elle contient une réflexion métaphysique sur l'illusion et la réalité, le jeu et le songe. On voit ainsi un personnage qui ne distingue pas le rêve de la vie, et qui dit ainsi : « Qu'est-ce que la vie ? Un délire. / Qu'est donc la vie ? Une illusion, / Une ombre, une fiction ; / Le plus grand bien est peu de chose, / Car toute la vie n'est qu'un songe, / Et les songes rien que

...