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L Homme Et L Animal

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Par   •  5 Décembre 2013  •  3 666 Mots (15 Pages)  •  3 192 Vues

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- Quelle est donc cette différence essentielle qui distingue l'homme de l'animal ? À cette question, la plus simple et la plus générale des réponses, mais aussi la plus populaire est : c'est la conscience. Mais la conscience au sens strict ; car la conscience qui désigne le sentiment de soi, le pouvoir de distinguer les objets sensibles, de percevoir et même de juger les choses extérieures sur des indices déterminés tombant sous les sens, cette conscience ne peut être refusée aux animaux.

La conscience entendu dans le sens le plus strict n'existe que pour un être qui a pour objet sa propre espèce et sa propre essence. Sans doute, l'animal est objet pour lui-même en tant qu'individu (et c'est pourquoi il possède le sentiment de soi) – mais non en tant qu'espèce (et c'est pourquoi il lui manque la conscience qui tire son nom de la science). Être doué de conscience, c'est être capable de science. La science est la science des espèces. Dans la vie nous avons affaire à des individus, dans la science à des espèces. Or seul un être qui a pour objet sa propre espèce, sa propre essence, est susceptible de prendre pour objet, dans leur signification essentielle, des choses et des êtres autres que lui.

C'est pourquoi l'animal n'a qu'une vie simple et l'homme une vie double : chez l'animal la vie intérieure se confond avec la vie extérieure, l'homme au contraire possède une vie intérieure et une vie extérieure. La vie intérieure de l'homme, c'est sa vie dans son rapport à son espèce, à son essence.

Ludwig Feuerbach (1841),

introduction à L'essence du christianisme

Feuerbach_couv

Quelle est donc cette différence essentielle qui distingue l'homme de l'animal ? À cette question, la plus simple et la plus générale des réponses, mais aussi la plus populaire est : c'est la conscience.

Mais la conscience au sens strict ;

- établissement d'un critère de distinction entre l'homme et l'animal ; critère basé sur la perception générale et populaire

car la conscience qui désigne le sentiment de soi, le pouvoir de distinguer les objets sensibles, de percevoir et même de juger les choses extérieures sur des indices déterminés tombant sous les sens, cette conscience ne peut être refusée aux animaux.

- les animaux ont une conscience d'eux-mêmes

La conscience entendu dans le sens le plus strict n'existe que pour un être qui a pour objet sa propre espèce et sa propre essence.

- seule la conscience qui dépasse la conscience de soi peut être définie comme rigoureuse [celle de l'homme]

Sans doute, l'animal est objet pour lui-même en tant qu'individu (et c'est pourquoi il possède le sentiment de soi) – mais non en tant qu'espèce (et c'est pourquoi il lui manque la conscience qui tire son nom de la science).

- l'animal se perçoit comme individu mais pas comme appartenant à une espèce

Être doué de conscience, c'est être capable de science. La science est la science des espèces. Dans la vie nous avons affaire à des individus, dans la science à des espèces.

- définition de la science, sur le mode aristotélicien : "il n'est de science que du général"

Or seul un être qui a pour objet sa propre espèce, sa propre essence, est susceptible de prendre pour objet, dans leur signification essentielle, des choses et des êtres autres que lui.

- appréhender sa propre essence, c'est percevoir au-delà de soi-même

C'est pourquoi l'animal n'a qu'une vie simple et l'homme une vie double : chez l'animal la vie intérieure se confond avec la vie extérieure, l'homme au contraire possède une vie intérieure et une vie extérieure. La vie intérieure de l'homme, c'est sa vie dans son rapport à son espèce, à son essence.

- bilan comparatif : la vie animale se réduit à son rapport avec l'extérieur ; la vie humaine a deux dimensions

Première partie

"Quelle est donc cette différence essentielle qui distingue l'homme de l'animal ? À cette question, la plus simple et la plus générale des réponses, mais aussi la plus populaire est : c'est la conscience. Mais la conscience au sens strict ; car la conscience qui désigne le sentiment de soi, le pouvoir de distinguer les objets sensibles, de percevoir et même de juger les choses extérieures sur des indices déterminés tombant sous les sens, cette conscience ne peut être refusée aux animaux."

Le problème qui va guider Feuerbach tout au long de ce texte est, comme nous l’avons dit, celui de la différence entre l’homme et l’animal. Ainsi, l’homme est un animal particulier qui doit être mis à part dans le règne animal et toute la question est de savoir pourquoi. Mais le problème est plus précis, il va s’agir de savoir quelle est la différence première, celle qui va fonder toutes les autres : «essentielle». C’est en cela que Feuerbach se place sur un plan ontologique.

En effet, l’homme, à la différence de l’animal est un animal raisonnable et politique (cf. Aristote), mais cela n’est possible que grâce à une différence plus profonde, qui tient à son être. Cette différence c’est la conscience.

Cependant, Feuerbach nous parle de réponse «la plus simple et la plus générale […] mais aussi la plus populaire». D’un côté cette réponse est celle qui tombe sous le sens, c’est celle du sens commun, qui se voit être la plus générale, donc la plus large. Autrement dit, c’est la réponse la plus triviale et la plus évidente. D’un autre côté, si «populaire» ne signifie pas ‘sens commun’ (et il y a tout lieu de le croire sinon les deux expressions ne seraient pas mentionnées), alors il s’agit de la réponse qui plait le plus. Populaire, dans une de ses acceptions veut dire : «Connu et aimé de tous, du plus grand nombre ; qui a la faveur du plus grand nombre» (3). Ce terme a une connotation souvent péjorative, néanmoins, Feuerbach va y apporter une précision : «Mais […] la conscience au sens strict».Donc Feuerbach suppose qu’il existe deux grands types de conscience : la conscience au sens large et la conscience au sens strict. La conscience au sens large se décompose elle-même en plusieurs sous-types : «le sentiment de soi, le pouvoir de distinguer les objets sensibles, de percevoir et même de juger les choses extérieures sur des indices déterminés tombant sous les sens».

Le «sentiment de soi» concerne la conscience de soi, de la conscience qui prend l’individu comme objet de connaissance (immédiate ou réflexive), alors que les autres sous-types concernent le non-soi ou le monde extérieur (4).

Si Feuerbach énonce ces cinq sous-types de conscience au sens large, c’est sûrement qu’ils se distinguent fondamentalement. Nous allons donc les définir :

- «le sentiment de soi» : aux sens psychologique et épistémologique, cela renvoie à la connaissance de l’individu dans sa singularité et pris comme objet individuel par lui-même (il s’objectivise pour sa propre connaissance de lui-même). Cela englobe la connaissance de son esprit, de ses affects, de ses désirs, de ses besoins, mais aussi de son corps (à la fois son schéma corporel – condition de la conscience actualisée de la posture - et son image corporelle – perception du corps par tous les moyens).

- «le pouvoir de distinguer les objets sensibles» : c’est la capacité réflexive qu’a l’individu de percevoir (premier sens de ‘distinguer’) les objets sensibles mais aussi de les passer au crible (deuxième sens de ‘distinguer’), d’en faire la distinction (pour utiliser une définition presque tautologique). Les «objets sensibles» étant les objets qui se présentent aux sens, non seulement les sens externes (les cinq sens), mais aussi les sens internes (comme la proprioception). Nous allons éclaircir cela avec la définition de la perception :

- «de percevoir» : percevoir n’est pas recevoir. Percevoir c’est avant tout capter, prendre pour soi, s’emparer de (par exemple c’est recueillir une somme d’argent ; nous percevons un salaire, un impôt (5)). Dans ce texte, ‘percevoir’ s’entend dans son acception suivante : prendre connaissance des événements de notre environnement par le biais de nos systèmes perceptifs. Dans ce sens-là, la perception peut désigner à la fois le résultat de cette connaissance et le processus psycho-physiologique qui lui a donné naissance. En tant que résultat de cette prise de connaissance, la perception renvoie à la représentation, i.e. à l’image, la prise de conscience que l’on a d’une chose, d’un événement, voire à l’idée que nous nous en faisons. Elle peut être aussi une intuition, beaucoup plus diffuse, reflétant plus un état émotionnel qu’une représentation statique de quelque chose. Mais la perception ne reflète pas toujours le réel (par exemple : hallucinations ou illusions)En tant que processus permettant d’accéder à une conscience de l’objet ou de l’événement, la perception peut être considérée comme une des grandes fonctions dont est doté l’organisme au même titre que la respiration ou la digestion. C’est la fonction de notre corps, de notre cerveau qui permet d’avoir une connaissance du monde qui nous entoure. Elle est cette fonction qui nous permet d’agir, de nous déplacer et d’interagir avec nos semblables et notre environnement. Cette fonction permet de saisir, de capturer mentalement certaines propriétés, certains détails pertinents de l’environnement. Les objets ou événements dont je prends connaissance peuvent être à l’extérieur de mon corps. Mais les événements, les choses à saisir peuvent aussi être à l’intérieur de mon corps (une douleur) (6). Cela nous explique le dernier sous-type de conscience, à savoir :

- «juger les choses extérieures sur des indices déterminés tombant sous les sens» : c’est effectuer des inférences nous permettant d’agir en partant d’événements perçus.

D’après les définitions que nous venons de donner, il devient évident que cette conscience «ne peut être refusée aux animaux».

Dans cette première partie, Feuerbach nous apprend qu’il existe une différence fondamentale entre les hommes et les animaux, celle-ci résidant dans la conscience. Néanmoins, «conscience» est un terme trop générique pour établir une bonne distinction. Alors il effectue une distinction entre conscience au sens large et conscience au sens strict. Nous avons vu précédemment ce que signifie la conscience au sens large, que nous avons définie grâce à la perception, celle-ci étant commune à l’homme et à l’animal. Maintenant nous allons voir ce qu’est la conscience au sens strict, en éclaircissant la notion de connaissance, beaucoup employée en première partie mais non encore bien définie.

Deuxième partie

"La conscience entendue dans le sens le plus strict n'existe que pour un être qui a pour objet sa propre espèce et sa propre essence. Sans doute, l'animal est objet pour lui-même en tant qu'individu (et c'est pourquoi il possède le sentiment de soi) – mais non en tant qu'espèce (et c'est pourquoi il lui manque la conscience qui tire son nom de la science). Être doué de conscience, c'est être capable de science. La science est la science des espèces. Dans la vie nous avons affaire à des individus, dans la science à des espèces. Or seul un être qui a pour objet sa propre espèce, sa propre essence, est susceptible de prendre pour objet, dans leur signification essentielle, des choses et des êtres autres que lui."

Dans cette deuxième partie Feuerbach précise ce qu’il entend par conscience au sens strict. Il ne fait cependant qu’une distinction sommaire puisqu’il écrit «dans le sens le plus strict » (7).

La conscience au sens le plus strict n’est possible que «pour un être qui a pour objet sa propre espèce et sa propre essence». Attardons-nous sur ces deux termes d’‘espèce’ et d’‘essence’. L’espèce c’est le dernier échelon de la classification des animaux en biologie : Règne, Embranchement, Classe, Ordre, Famille, Genre, Espèce. Dans une espèce nous avons ensuite des individus. L’espèce c’est donc le regroupement d’individus selon un certain nombre de ressemblances et de caractéristiques propres : l’espèce est un groupe d’individus présentant un type commun, héréditaire, bien défini et généralement tel, dans l’état actuel des choses, qu’on ne peut le mélanger par croisement, d’une façon durable, avec le type d’une autre espèce (8). Les différences au sein d’une espèce feront l’individu en tant que tel.

L’essence, au sens métaphysique ou ontologique est ce qui s’oppose à l’accident (9). C’est ce qui est considéré comme formant le fond de l’être, par opposition aux modifications qui ne l’atteignent que superficiellement ou temporairement. Cette essence peut être placée dans le particulier ou le général. C’est aussi ce qui constitue la nature d’un être. Au sens logique, c’est l’ensemble des déterminations qui définissent un objet (10). Ainsi, ces terme d’‘espèce’ et d’‘essence’ nous placent sur plusieurs plans : ontologie, biologie, logique. Un être doté de conscience au sens strict sera donc un être qui a pour objet le groupe d’individus auquel il appartient mais aussi sa nature, ce qui fait le fond de son être (et qui s’oppose aux contingences). Mais que signifie alors ‘avoir « pour objet »’ ?

Nous pouvons poser l’hypothèse que Feuerbach veut nous dire : un être qui se donne comme objet de conscience son espèce et son essence. Et alors nous sommes face à deux problèmes :

1. celui de l’objectivation dans la conscience et

2. ce que signifie en avoir conscience. Ce qui peut s’expliquer comme suit :

Pour objectiver l’espèce et l’essence dans sa conscience, l’homme doit pouvoir se prendre lui-même comme un objet, en se considérant comme autre chose que le sujet sentant, et effectuer une inférence selon laquelle il n’est pas le seul à avoir certaines caractéristiques (son essence) mais qu’il fait partie d’un groupe dont les individus possèdent eux aussi ces caractéristiques (l’espèce) 11). Cela n’est possible qu’à certaines conditions : des conditions de perception et de sensibilité (cf. Kant (12)). Une des conditions a priori de la sensibilité chez Kant est l’espace et le temps.

Le temps nous préoccupe ici parce que pour qu’un être ait conscience non seulement de son essence mais aussi de son être, il est indispensable qu’il puisse se projeter dans le temps pour prendre en compte ne serait-ce que la pérennité de l’espèce par exemple. Or les animaux n’ont pas conscience du temps ; ils vivent dans un présent perpétuel. Ensuite, avoir conscience, ici s’entend dans le sens le plus proche de l’étymologie du terme de conscience : con-science, c’est faire science avec. C’est pour cela que Feuerbach écrit : «la conscience qui tire son nom de la science».Dès lors, un animal n’ayant conscience que de l’individu ne peut faire science car la science suppose un degré de généralité ou de généralisation dans son objet (c’est le premier critère, le critère aristotélicien de la science) ; par ailleurs, comme nous l’avons dit dans la première partie, l’animal a bien le sentiment de soi, i.e. la conscience de lui-même comme individu.

Feuerbach fait alors un constat qui délimite la vie courante de la science : «Dans la vie nous avons affaire à des individus, dans la science à des espèces», phrase assez limpide pour ne pas avoir à l’expliquer.

Enfin, le dernier problème de cette partie réside dans sa dernière phrase : «Or seul un être qui a pour objet sa propre espèce, sa propre essence, est susceptible de prendre pour objet, dans leur signification essentielle, des choses et des êtres autres que lui.» Feuerbach semble suggérer que seul l’homme (puisqu’il écrit ici sur l’homme) peut prendre pour objet des choses et des être autres que lui. Donc il nous faut expliquer ce qu’est ‘prendre pour objet’ (comme nous l’avions écrit plus haut) et la fin de cette phrase qui, nous le verrons, se distingue sur plusieurs plans. ‘Prendre pour objet’, c’est en faire la connaissance. Et la connaissance, désigne d’une part : l’acte de connaître et la chose connue ; d’autre part elle s’applique à la simple présentation d’un objet ou au fait de le comprendre.D’où nous pouvons tirer plusieurs sens fondamentaux : 1. acte de pensée qui pose légitimement un objet en tant qu’objet, soit qu’on admette soit qu’on n’admette pas une part de passivité dans cette connaissance (la théorie de la connaissance est alors l’étude des problèmes que soulève le rapport du sujet et de l’objet) ; 2. acte de la pensée qui pénètre et définit l’objet de sa connaissance, la connaissance parfaite d’une chose, en ce sens, est celle qui, subjectivement considérée, ne laisse rien d’obscur ou de confus dans la chose connue, ou qui, objectivement considérée, ne laisse rien en dehors d’elle de ce qui existe dans la réalité à laquelle elle s’applique (13).

Dès lors, ‘avoir pour objet de conscience’ signifierait ‘en saisir clairement et distinctement (14) l’existence et posséder une définition de l’essence de l’événement considéré’. D’où l’expression «signification essentielle (15)». La dernière partie de la phrase «des choses et des êtres autres que lui» concerne dans un premier temps le monde extérieur (dont nous avons parlé dans la première partie avec la perception) mais nous pouvons aussi supposer qu’il y a un rapport avec la notion d’empathie, selon laquelle nous comprenons les sentiments et les agissements d’autrui, en étant capables de nous "mettre à sa place" (16) et aussi en tant que nous sommes capables de nous nier en tant que singularité.

Nous avons vu ici la définition de la conscience au sens strict : c’est avoir une connaissance claire et distincte du soi et du non-soi, et le plus important : se connaître en tant qu’espèce, chose que ne peuvent faire les animaux. Cela étant basé sur un critère faible de scientificité (17), le critère aristotélicien selon lequel il n’y a de science que du général. Nous avons alors supposé un rapport au temps et à autrui bien spécifiques à l’homme. Quelles en sont alors les conséquences sur la vie de l’homme ? Ce sera l’objet de la troisième et dernière partie de ce texte.

Troisième partie

"C'est pourquoi l'animal n'a qu'une vie simple et l'homme une vie double : chez l'animal la vie intérieure se confond avec la vie extérieure, l'homme au contraire possède une vie intérieure et une vie extérieure. La vie intérieure de l'homme, c'est sa vie dans son rapport à son espèce, à son essence."

Dans cette dernière partie, Feuerbach va alors distinguer deux dimensions, niveaux ou degrés de vie de l’homme, dont une seule composante n’est commune avec les animaux (et c’est d’ailleurs la seule que possèdent les animaux) : «l'animal n'a qu'une vie simple et l'homme une vie double». Cette affirmation découle directement de l’analyse que nous venons de faire («C'est pourquoi»). La vie simple de l’animal se définit par défaut par rapport à la vie double de l’homme. Et cette vie double c’est à la fois sa «vie intérieure» et sa «vie extérieure». Cette dernière étant ce qui est en commun entre l’homme et l’animal, la différence entre les deux réside dans la vie intérieure.

Parler de vie intérieure a un sens fort, cela semble se référer à l’introspection, le fait de pouvoir s’objectiver pour devenir l’objet de sa propre conscience, en tant qu’espèce et en tant qu’essence (l’introspection c’est l’observation d’une conscience individuelle par elle-même, en vue d’une fin spéculative, soit en vue de connaître l’esprit individuel en tant qu’individuel, soit en vue de connaître l’esprit individuel en tant que type immédiatement observable de l’âme humaine en général, ou même de tout esprit, quel qu’il soit). Or, à première lecture ces dénominations semblent paradoxales puisque nous pourrions penser que penser en tant qu’espèce n’est pas un fait introspectif.

Cependant, pour Feuerbach, penser notre propre essence, en tant qu’être humain c’est penser l’espèce, c’est voir l’autre, voir au-delà de soi-même. Nous touchons ici au point de vue hégélien que nous avions mentionné en introduction : l’homme est à la fois moi et toi. Tout se réunit dans l’Un. Au contraire, la vie de l’animal ne se définit que dans le rapport à l’altérité qu’il ne peut connaître en lui-même et il n’est pas possible pour lui de faire ces raisonnements qui lui permettent à chaque instant d’appréhender autrui comme un semblable, comme appartenant à une espèce. La vie de l’animal est dans l’instant et cela ne lui permet pas la généralisation nécessaire.

Pour extrapoler le texte de Feuerbach et en parlant en termes biologiques, nous pourrions dire dans un style contemporain que la vie extérieure de l’animal c’est comme la penser en termes de stimulus-réponse, par rapport aux stimulations externes mais aussi internes. Et en nous servant des distinctions précédemment définies, la vie extérieure tient dans la perception, mais la connaissance claire et distincte tiendrait, elle, de la vie intérieure. Et l’animal se verrait dénué de toute capacité introspective. Il reste encore un dernier problème dans ce texte : «la vie intérieure se confond avec la vie extérieure». Il semblerait ici que la vie intérieure ait un statut plus élevé que la vie extérieure et que sa présence nous permette de repérer une activité pensante supérieure.

Conclusion

Le projet de Feuerbach dans ce texte était de proposer une distinction fondamentale et ontologique entre l’homme et l’animal, cette distinction permettant d’établir toutes les autres (distinction politique par exemple). La première étape du raisonnement consistait en une distinction entre conscience au sens large et conscience au sens strict et plus précisément en une définition du sens large, sens que nous avons rapproché de celui de perception interne et externe.

La deuxième partie du texte s’attachait, quant à elle à la définition de la conscience au sens (le plus) strict : c’est alors la connaissance qu’a l’homme de son essence et son espèce ; la conscience est ici à prendre au sens de ‘faire science avec’ et renvoie à l’idée d’inférences possibles sur des classes d’objet, i.e. du général.

Enfin, la troisième partie nous permettait de délimiter deux niveaux de vie chez l’homme : le niveau extérieur qu’il partage avec l’animal et qui se rapporte à la perception et le niveau intérieur qui lui se rapporte à la capacité d’introspection. C’est ce niveau qui est spécifique à l’homme et qui lui permet de projeter l’image sublimée qu’il se fait de lui-même et de se nier en tant qu’individu afin de (se) former une idée de Dieu à son image. C’est en cela qu’est fondamentale la distinction entre l’homme et l’animal chez Feuerbach : elle lui permet de comprendre l’idée de Dieu comme un universel forgé par l’homme de par la sublimation et la négation du particulier (et donc de sa finitude) qu’elle suppose. Et cela, si l’on suit Feuerbach, l’animal n’en est pas capable (18), l’animal n’est pas doué de capacité d’abstraction.

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