L'art, travail habile de la matière

L’art

1. L’art consiste en un travail habile de la matière

Le mot « art » est trouvé exploité de manière constante et fréquente à des fins commerciales, en faisant valoir parfois le pur geste de l’artiste au détriment de l’attention accordée à l’ouvrage. Cependant l’art figure comme témoin de l’histoire humaine parce que perdure au travers des générations l’intérêt que ses œuvres ont une fois suscité.

L’étymologie nous aide à restituer l’histoire de la conquête par l’art de sa propre autonomie - qui a conduit à parler de l’art pour l’art (Théophile Gautier : « l’art n’est pas pour nous le moyen, mais le but »). Le mot latin (ars) renvoie à une famille de mots où apparaît la structure corporelle, la jointure, l’articulation (ainsi le grec harmos, d’où dérive "harmonie", désigne l’épaule) ; il se rattache à la même racine que le nombre (en grec, arithmos) et le "rite" (le sacré) ; domine ainsi l’idée de mise en ordre obtenue par ingéniosité, habileté, puis par méthode et talent, acquis par le métier. Comme le mot grec technè, il désigne à la fois une connaissance et un savoir-faire.

Il s’applique aux méthodes enseignées par les universités médiévales (les arts libéraux, comme grammaire, histoire ou géométrie ; plus précisément les sept arts, le trivium : grammaire, dialectique, rhétorique et le quadrivium : arithmétique, géométrie, histoire, musique, mais aussi, d’un autre côté, au travail de l’artisan et à celui de l’artiste, producteur d’objets originaux qui sont recherchés pour leur beauté.

Les « beaux-arts » en tant que tels naissent, au XVIIIème siècle, du mouvement de séparation plus nette, d’ordre professionnel et social, entre les corps de métier. A la suite de quoi l’art se définit en un sens absolu comme une activité de création à valeur esthétique.

2. L’art s’invente de nouvelles finalités

L’histoire du mot art fait énigme ; la trajectoire historique de l’art semble à la recherche de sa propre idée. Certes, il n’est pas difficile de retrouver à des époques plus anciennes la figure de l’artiste original et créateur, ainsi Praxitèle et Polyclète en Grèce classique. D’autres évoquent l’art pariétal de la préhistoire. Les ouvriers et les bâtisseurs de cathédrales, qui considéraient la valeur de leur ouvrage en la rapportant au sacré sont restés inconnus. Ce qui change à la Renaissance, et surtout avec le romantisme, c’est que l’artiste revendique son œuvre comme une inspiration. Entre-temps, le débat sur le "goût" cherche à rendre compte du plaisir esthétique et la critique prétend participer elle aussi de l’art. La philosophie, celle de Hegel par exemple, a intégré l’art, manifestation sensible de l’idée, à l’histoire générale de l’esprit. Il est le premier moment de son apparition. Chaque art particulier – sculpture, peinture, poésie, musique - trouve sa place dans un système des beaux-arts. Cf. le texte d’Alain, sur la différence entre l’artiste et l’artisan.

La production artistique a ensuite accompagné l’histoire du nihilisme, qui proclame la valeur du néant. L’art s’est voulu anti-esthétique, dégagé de

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