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L'amité

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Par   •  12 Décembre 2012  •  Cours  •  1 799 Mots (8 Pages)  •  777 Vues

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amitié [amitje] n. f.

• amistié 1080; lat. pop. °amicitatem, accus. de °amicitas; lat. class. amicitia.

1• Sentiment réciproque d'affection ou de sympathie qui ne se fonde ni sur les liens du sang ni sur l'attrait sexuel; relations qui en résultent.  affection, camaraderie, sympathie. « L'attachement peut se passer de retour, jamais l'amitié. Elle est un échange, un contrat comme les autres; mais elle est le plus saint de tous » (J.J. Rousseau). « L'amitié entre homme et femme est délicate, c'est encore une manière d'amour » (J. Cocteau). Une preuve d'amitié. Une solide, une ancienne amitié. Avoir de l'amitié pour qqn. Se lier d'amitié avec qqn. Faire qqch. par amitié pour qqn. — Vieilli Amitié particulière : liaison homosexuelle.

L'amitié est donc la forme la plus parfaite de l'altruisme : l'individu s'y accomplit dans un autre lui-même, et cette offrande mutuelle paraît d'autant plus noble qu'elle ne doit rien à la passion. L'amour, lui, est toujours narcissique : la volonté de posséder l'autre et la douleur de ne jamais pouvoir se fondre à lui, l'exigence d'exclusivité, la jalousie, constituent autant de troubles de l'âme qui expliquent que les philosophes de l'Antiquité, et particulièrement les Grecs, aient toujours recommandé que l'on s'en préserve et qu'ils donnent au contraire si constamment de l'amitié les plus nobles exemples. Celle-ci n'a pas, chez eux, ce caractère de banalité qu'elle prend chez nous, elle est le vrai ciment de la cité contre les forces centrifuges des factions. La philia est ainsi une vertu privée aussi bien que publique, une sorte de transition entre elles deux, dira Aristote, même si cette distinction entre l'affectivité individuelle et l'intérêt collectif a pour lui peu de poids, l'éthique devant être toujours subordonnée au politique. La spécificité de la notion dans l'Antiquité justifie qu'on entreprenne un rapide parcours historique qui tentera de mettre en lumière ses avatars.

Le terme grec de philia recouvre dans l'Antiquité une définition récurrente de l'amitié par opposition à l'eros (lire le texte de Comte-Sponville). Ce dernier continue à caractériser, dans Le Banquet, la conception platonicienne de la relation à l'ami-amant, et l'on aura sans doute, avec André Gide, à réfléchir sur les caractères particuliers de l'amitié dite « socratique ». Dans la philia, au contraire, nulle concupiscence : cet amour de l'autre ne manque de rien et s'abrite ainsi du désir ; il n'est que joie d'aimer et ouverture de soi, par-delà le cercle des amis, au monde tout entier (« L’amitié fait le tour du monde et nous convie tous à nous réveiller pour la vie heureuse » écrit Épicure, Sentences vaticanes, 52). C'est précisément à Épicure qu'il nous faut d'abord songer, lui qui considéra que « de tous les biens que la sagesse nous procure pour le bonheur de toute notre vie, celui de l’amitié est de beaucoup le plus grand » (Maximes fondamentales, XXVII). Parce que l'amitié est distincte de la passion et ne fait fi ni de mesure ni de raison, la sage peut la compter au nombre des vertus qui entretiennent la frugalité de son existence. On sait en effet que dans ce « Jardin » où s'épanouit la philosophie épicurienne, il n'était pas question de s'abandonner à ces plaisirs dans lesquels les détracteurs d'Épicure ont feint de voir le but vulgaire de sa philosophie, mais bien de cultiver cette ataraxie, cette absence de troubles, qui exigeait au contraire que l'on se contentât du minimum indispensable. L'organisation pratique de l'école se devait elle-même d'être des plus simples et l’amitié solidaire constituait donc le lien idéal qui unissait les disciples, chargés chacun d'une contribution égale à l'égard du groupe tout entier. Ce partage pouvait bien sûr n'être pas si équitable, et tel ou tel devait bien à quelque moment rechercher la sécurité voire l'appui ou le secours des autres. Mais quoi de plus naturel dans la véritable amitié que de solliciter l'aide de l'ami, dès lors que l'on sait que, pour celui-ci, donner est aussi gratifiant que prendre ? Dans cette perspective tout imprégnée d'hellénisme, Montaigne (Essais, I, XXVIII) cite l'exemple de cet homme qui en mourant laissa à ses amis un testament dans lequel il ne leur léguait que ses charges. C'est dans cette conception hautement morale que s'inscrit le discours d'Aristote dans l'Éthique à Nicomaque, même si le philosophe y affiche un propos plus nuancé : car Dieu, parfaitement "autarcique" n'est pas tel qu'il ait besoin d'amis. Le sage, qui est le plus proche de Dieu parmi les humains, doit-il en avoir ?

Sénèque répond par l'affirmative dans ses Lettres à Lucilius. L'amitié est en effet directement liée dans l'Antiquité à l'enseignement des jeunes. Elle caractérise toutes les écoles, le stoïcisme aussi bien que l'épicurisme : dans cette tradition issue de la philosophie hellénistique, Sénèque considérait ainsi que la forme idéale de la direction spirituelle était le colloque entre amis. Le modèle vivant du directeur spirituel est, à ses yeux, de la plus grande efficacité pour que les rapports entre maître et disciple soient fondés sur la confiance et la sympathie mutuelles, inséparables de l’amitié. Les relations d’amitié revêtent d'ailleurs, dans le monde antique, un véritable caractère institutionnel. De même que, dans les institutions romaines, il existait une fonction officielle de censeur, de même, dans la vie privée, on se choisissait, au sortir des années d'éducation, un ou deux amis que distinguaient l’âge, l’expérience, l’autorité. Ces « censeurs », parfois jurisconsultes célèbres, avaient non seulement le droit, mais le devoir d’exercer, par leurs conseils,

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