Explication D'un Texte sur La Servitude Volontaire d'Etienne de la Boétie
Dissertation : Explication D'un Texte sur La Servitude Volontaire d'Etienne de la Boétie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar LeeVane • 10 Mai 2015 • 4 249 Mots (17 Pages) • 1 718 Vues
Intro :
Entre le maitre et son esclave, Rome laisse ouvert l'espace d'une liberté sous condition, celle de l'affranchi. Celui-ci ne sert plus son maitre, il devient indépendant, libre d'agir à sa guise et de travailler pour son seul profit. Mais cette liberté reste partielle, l'affranchi n'est jamais citoyen de Rome, seuls ses descendants auront accès à cette humanité pleine et entière que les Romains ne reconnaissaient qu'à eux même. L'affranchi jouit d'une liberté civile, pas politique Il peut être riche même très riche et influent au point d'accéder à la tête de l'empire mais jamais il n'obtiendra par lui même ce respect lié à la dignité de citoyen.
Si on transpose au monde moderne du travail la relation dominant-opprimé ou maitre-esclave , il est possible de voir dans la relation patron-employé un mode dégradé de l'économie servile de l'Antiquité ( c'est d'ailleurs ce que font les marxistes lorsqu'ils réactivent le vieux mot " prolétaire " ) et il est possible de voir aussi cette tierce réalité sociale que représente l'affranchi.
En effet, poussés par les conséquences économiques de la crise, de nombreux employés sont tentés de s'émanciper du lien patronal en créant leur propre entreprise. Ces aventures sont-elles des occasions d'une liberté reconquise? La question mérite d'être posée dans la mesure où ces encouragements à la création d'entreprise semblent bien audacieux à l'heure de la prudence, voire de la timidité face à une situation économique dont on attend qu'elle se clarifie. De fait la plupart de ces nouveaux affranchis le sont en désespoir de cause. Loin d'être une promotion, la création d'entreprise est pour le nouveau patron un moyen pour échapper, à ce qu'il perçoit comme une déchéance et dans laquelle, il jette, avec ses derniers espoirs, la totalités de ses indemnités de licenciements. S'affranchir donc pour ne pas regretter la dernière chance avant une nouvelle forme de servitude.
L'apparition de cette forme nouvelle de servitude dans la société contemporaine, apparemment recherché par l'homme, apparait comme une contradiction si on considère la nature de l'homme qui prône la liberté. Cette contradiction a été soulevée il y a plus de 5 siècles par Etienne de la Boétie, dans son œuvre Discours de la servitude volontaire. Cette oeuvre a été écrite alors qu'il avait seulement 18 ans et deviendra son oeuvre la plus connue. Né dans un milieu aisé et cultivé, il s'intéressa à l'étude des civilisations grecques et romaines dont son oeuvre fait de nombreux renvois.
C'est d'ailleurs grâce à cette oeuvre que Montaigne se lie d'amitié avec le jeune homme. Il écrit dans le chapitre XXVIII des Essais : " c'est un discours auquel il donna le nom de La servitude volontaire, mais ceux qui l'ont ignoré l'ont bien proprement depuis rebaptisé le Contr'un. Il l'écrivit par manière d'essai en sa première jeunesse, à l'honneur de la liberté contre les tyrans"
L'oeuvre a été rédigé en 1549 et publié sept ans plus tard. Le texte prend le contrepied de l'oeuvre de Machiavel Le Prince destiné à Laurent de Médicis. Alors que dans celui-ci, Machiavel donne des conseils aux princes pour mieux asseoir leur domination, l'oeuvre de La Boétie remet en cause la légitimité des gouvernants. Il se pose la question suivante : comment se fait-il que « tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent ? »Selon lui, la puissance du tyran repose exclusivement sur le consentement populaire. Si pour éviter la censure, les exemples sont tirés de l’Antiquité, il ne faut pas s’y tromper : son discours porte bien sur son époque, dans un pays se dirigeant lentement vers l‘absolutisme.
Notre plan suivra la progression de l’œuvre de La Boétie : nous étudierons dans un I, la conception qu’à La Boétie de la nature humaine, puis dans un II., les éléments qui, selon lui, ont fait de l’homme un être servile. Nous verrons dans un III, que pour lui, ni les esclaves, ni les tyrans, ni encore moins les serviteurs du tyran ne sont libres ni heureux.
I. Sa conception de la nature humaine.
Dans les sept premiers pages, Etienne de la Boétie nous expose sa conception de la nature humaine. Son analyse anthropologique est d'ailleurs assez complexe et est capitale pour comprendre sa conception de la liberté et les conséquences politiques qui en découlent. Cette conception peut être ramenée à 3 propositions :
○ Dans sa condition originelle, l'homme, pour devenir pleinement homme, a besoin de l'éducation de ses parents.
○ L'homme est naturellement raisonnable et sa raison est universelle
○ L'homme est naturellement libre.
A. L’homme a des potentialités qui doivent être parfaites par l’éducation.
Pour La Boétie, l'homme est inachevé à la naissance. C'est grâce aux soins et à l'éducation qu'il parviendra à parfaire l'œuvre de la nature mais celle-ci poursuit son œuvre aussi à ce stade. C'est grâce à la famille, que B considère comme une société fondamentalement naturelle, que l'enfant apprendra à utiliser sa raison sous la direction des parents.
La conception de la Boétie peut se rapprocher de la philosophie platonicienne, et, en tout état de cause, de la thèse qu’il développe dans le mythe de Protagoras, par laquelle il entend expliquer la vulnérabilité de l'homme, et les biais par lesquels il peut échapper à cette vulnérabilité : peu avant de leur donner le jour, les dieux ont voulu procéder à une distribution des qualités parmi les espèces animales, et ont alors chargés Epiméthée et Prométhée de cette mission. Epiméthée a accompli cette tâche avec zèle et esprit mais dans sa précipitation il oublia l'homme, le laissant démuni face aux autres. Prométhée, va alors voler pour lui le feu et l'habilité technicienne : dès lors, l’homme, grâce à la culture, va pouvoir pallier sa faiblesse et son imperfection initiale.
Ainsi la proposition de La Boétie selon laquelle l'homme n’est que potentiel en
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