Dissertation : La Lucidité Conduit-elle nécessairement Au Pessimisme?
Documents Gratuits : Dissertation : La Lucidité Conduit-elle nécessairement Au Pessimisme?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lily35 • 20 Mars 2014 • 4 027 Mots (17 Pages) • 3 155 Vues
PHILOSOPHIE
Sujet de dissertation : « La lucidité conduit-elle nécessairement au pessimisme ? »
Dans la vie «tout s’arrange, mais mal ! », selon Alfred Capus. Que penser de cette citation ? Il semble que nous n’ayons d’autre choix que d’être pessimiste si nous sommes un temps soit peu lucides et honnêtes avec nous-mêmes. Mais ce rapport de causalité est-il si évident que cela ? Le fait de concevoir clairement le monde, notre existence sans se bercer d’illusions aveuglantes (on retrouve l’étymologie du mot lucidité qui vient du latin « lux », la lumière) doit-il nous conduire inexorablement à considérer que le Mal triomphera du Bien et la souffrance du plaisir (l’étymologie du mot pessimisme renvoie à cette définition : « pessimus » étant le superlatif de « malus » signifiant mauvais) ? Une connaissance rationnelle fondement de toute vérité réflexivement construite est-elle forcément source de désespoir, de souffrance d’inaction et de malheur ?
Le sens commun attribue souvent à la lucidité une connotation péjorative. Comme si le fait de voir le monde et l’existence dans leur vérité était tout bonnement insupportable, une tâche incommensurable qui anéantirait tout désir, toute volonté d’exister et de se projeter dans l’avenir. Mieux vaudrait alors vivre dans l’ignorance et le mensonge, vivre « pleinement » en essayant d’accorder au mieux la réalité à ses désirs. En effet, si le monde est fondamentalement sombre et mauvais, pourquoi faudrait-il s’infliger la contemplation de ce douloureux spectacle ? N’est-il pas légitime de chercher à se préserver de la réalité si terrible et décevante et de fuir dans l’imaginaire ? Mais tôt ou tard la réalité s’impose si bien qu’il devient impossible de l’ignorer et de s’en détourner. Ce retour brutal et inexorable au monde réel, à la réalité de notre condition n’en est-il pas plus insoutenable ? Et n’y-a-t-il pas une sorte de « folie désespérée » à vouloir ainsi échapper au réel ? Doit-t-on vraiment préférer la joie de l’illusion et de l’ignorance ?
Peut-être devons-nous au contraire admettre que la réalité est, nécessairement et par définition, la source de nos désillusions. Il serait alors, dans ce cas, préférable de choisir la tristesse -le désenchantement- qui accompagne la connaissance de la vérité. Au moins nous ne serons pas dupes ; quitte à être malheureux autant l‘être en connaissance de cause. L’homme lucide serait alors celui qui se refuse à être « un théâtre d’ombres et d’illusions », celui qui serait passé de l’aveuglement des ténèbres à la lumière de la Raison : il connaît sa condition « sans espoir et sans lendemain » (pour reprendre les termes de Camus). Conscient de l’impossibilité de réaliser tous ses désirs il se résignerait alors à se soumettre à l’ordre du monde arbitraire, absurde, certes, mais contre lequel toute lutte est vaine et sans issue.
Mais toute prise de conscience est elle inévitablement liée au désespoir et à l’impossibilité d’agir ? Et inversement, la lucidité hautaine revendiquée par le « pessimiste de nature » – qui se veut supérieur à ses semblables et revenu de tout— est-elle vraiment si lucide ? N’a-t-elle pas aussi sa part d’illusion ?
La lucidité se confond-elle par définition avec le regard douloureux et amer porté sur la trivialité du réel ? Pourquoi ne serait-elle pas, tout au contraire, ce qui nous ouvre à une recherche active et constructive de soi et du monde nous permettant finalement de nous rapprocher de nos idéaux ? Il est en effet un peu paradoxal de penser que la connaissance de la vérité à laquelle l’homme doit aspirer selon l’inclination de sa Raison ne puisse lui apporter que le malheur.
On aura alors peut-être à se demander pour finir si la connaissance objective, la clairvoyance, ne peut pas être une source de satisfaction d’un ordre tout autre, qui, loin de nous réduire à l’inaction et à l’abattement, nous incite au contraire à combattre au jour le jour contre ce qui nous amoindrit, à nous dépasser pour nous réaliser et conquérir notre liberté.
Ce sujet soulève donc tout autant la question de notre rapport au monde, à la réalité, que celle de notre attitude face aux possibilités d’agir sur celui-ci. Il nous invite à nous interroger quant au champ possible de nos actions et de nos espérances en tant que sujets libres et doués de Raison confrontés au réel.
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Etre lucide, c’est ouvrir grands les yeux et découvrir la petitesse réel et la souffrance qu’il nous inflige. Or, la banalité et la laideur quotidienne sont souvent si désespérantes que nombreux sont les hommes qui préfèrent fuir dans les refuges de l’imaginaire pour ne pas avoir à affronter le monde et l’existence dans leur vérité. Cette attitude face au réel serait le seul remède qui puisse nous épargner la souffrance et nous empêcher de sombrer dans le plus profond désespoir. L’imagination vagabonde pourrait alors nous permettre d’envisager l’existence non plus comme une sordide fatalité, une peau de chagrin, une fuite en avant qui ne peut guère nous procurer que peine et tristesse, mais comme notre création source de jouissance et d’éternelle insouciance. N’est-ce pas là, en effet, la solution qui semble la plus souhaitable ? Si le monde est mauvais et que je ne peux envisager de remédier à ce mal, pourquoi ne pourrai-je pas légitimement construire un monde à mon image et faire en sorte que la réalité s’accorde autant que possible à mes désirs ? Selon cette approche, ce ne serait que pure folie et malsaine délectation de la souffrance que de vouloir à tout prix concevoir clairement et objectivement que le pire est malheureusement la seule issue possible. Comme il est doux de se dire que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » pour reprendre la formule optimiste de Leibniz travestie satiriquement par Voltaire. Le jeune Candide, le héros éponyme du conte philosophique de cet auteur, n’était-il pas plus heureux lorsqu’il adhérait à ce précepte enseigné par son tuteur Pangloss, philosophe métaphysicien incarnant la figure de Leibniz si vivement tourné en dérision par Voltaire ? Inconscient des horreurs du monde et des hommes, Candide ne vivait-il pas de la manière la plus douce qui soit dans le château de Thunder-ten-tronckh ignorant les guerres, l’esclavage, la cruauté des hommes ? Au fond à quoi bon être lucide si cela nous condamne au malheur et à la tristesse, en quoi cela peut-il être constructif,
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