Alain (le philosophe) - Liberté
Mémoires Gratuits : Alain (le philosophe) - Liberté. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar boutchou98 • 25 Février 2014 • 3 930 Mots (16 Pages) • 1 520 Vues
« L'âme c'est ce qui refuse le corps. Par exemple, ce qui refuse de fuir quand le corps tremble, ce qui refuse de frapper quand le corps s'irrite, ce qui refuse de boire quand le corps à soif, ce qui refuse de prendre quand le corps désire, ce qui refuse d'abandonner quand le corps a horreur. Ces refus sont des faits de l'homme. Le total refus est la sainteté ; l'examen avant de suivre est la sagesse ; et cette force de refus, c'est l'âme. Le fou n'a aucune force de refus; il n'a plus d'âme. On dit aussi qu'il n'a plus de conscience, et c'est vrai. Qui cède absolument à son corps, soit pour frapper, soit pour fuir, soit seulement pour parler, ne sait plus ce qu'il fait ni ce qu'il dit. On ne prend conscience que par opposition de soi à soi. Alexandre à la traversée d'un désert reçoit un casque plein d'eau ; il remercie et le verse par terre devant toute l'armée. Magnanimité(1) ; âme, c'est-à-dire grande âme. Ce beau mot ne désigne nullement un être, mais toujours une action. »
ALAIN, Définitions
(1) Du latin "Magnus", grand, et d'"animus", l'âme : grandeur d’âme, noblesse, générosité.
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. II faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
CORRIGE
INTRODUCTION : Lors d’un procès, on attend d’un juré qu’il se prononce « en son âme et conscience » : il faudrait qu’il se retire en lui-même, à l’écart notamment de l’influence des autres ; c’est ainsi que dans le célèbre film « Douze hommes en colère », l’un des membres du jury a le courage de s’opposer lors de la délibération à l’avis unanime des onze autres. Mais qu’est-ce que cette âme, dont la mystérieuse intériorité est toujours demeuré une énigme pour la philosophie comme pour les religions ? Tel est le problème soulevé par Alain, philosophe du siècle dernier, dans cet extrait de son petit livre « Définitions ». Alain, philosophe rationaliste héritier de Descartes, a voulu rendre à la philosophie sa simplicité et son urgence : son effort constant a été de la rendre accessible à un public de non-professionnels. En outre, dans le sillage du radicalisme, mouvement politique laïc et anticlérical de la troisième république, il a cherché à purifier certains concepts de leurs connotations théologiques : c’est le travail qu’il entreprend ici pour l’âme, dont il donne une définition à la fois paradoxale et étonnamment simple- l’âme est ce pouvoir proprement humain de s’opposer au corps et à ses désirs. Après avoir dans un premier temps suivi la démarche de l’auteur dans ses articulations, nous tenterons ensuite de la défendre contre les critiques qui peuvent lui être adressées.
EXPLICATION :
* Annonce du plan du texte : 1ère partie (ligne 1 à 5 – jusqu’à « c’est l’âme ») : Définition de l’âme comme force de refus, exemples de manifestation de cette force.
2ème partie (ligne 5 à 9) : Lien entre âme et conscience, à travers le cas du fou.
3ème partie (ligne 9 à fin) : L’âme n’est pas un être, mais une action.
a) 1ère partie du texte :
On s’est souvent demandé quel était le propre de l’homme, ce qui le distingue de l’animal notamment. Selon Alain, c’est avant tout la moralité, plutôt que l’intelligence par exemple. Cette moralité est essentiellement négative, capacité de nier ses désirs et de les surmonter, même si elle ne se réduit pas à cela. Ce refus peut être inspiré par certaines valeurs positives, mais il doit pouvoir s’exercer indépendamment d’elles aussi, et peut-être même leur donne-t-il naissance .Alain en donne plusieurs exemples très concrets :
- Le courage : n’est pas l’absence de peur, qui serait de l’inconscience, mais la capacité à la surmonter, alors même qu’elle est toujours présente. Alain en savait quelque chose, lui qui, pacifiste convaincu, avait néanmoins participé à la Grande Guerre et s’y était conduit héroïquement. Pourquoi un tel courage ? D’abord bien sûr parce qu’on a conscience de certaines valeurs, comme la patrie, l’humanité à défendre contre la barbarie, etc. ; ces valeurs vont inspirer le refus, mais il faut avoir la force de refuser, et ce n’est pas la simple conscience de ces valeurs qui la donne, on voit trop d’exemples d’hommes qui voient où est le bien, mais qui n’ont pas la volonté suffisante pour le réaliser et résister à leurs envies contraires. En allant plus loin, on peut se demander si ce n’est pas cette force de refus qui inspire les valeurs (et non l’inverse) : c’est parce que je ne veux pas me laisser aller à ce qui me tente (sauver ma peau et fuir devant un ennemi menaçant) et presque par simple esprit de contradiction que je décide de l’affronter, donc pour manifester ma liberté, qui ne s’exprime jamais mieux que dans le refus de ce qui me tente et voudrait exercer une emprise sur moi : ainsi pour la peur, insulte à ma liberté et à mon humanité. Le courage ne serait alors pas autre chose que le refus de la lâcheté, justement parce qu’elle est naturelle et qu’elle voudrait s’imposer à moi sans que j’aie à choisir, tel un tyran. Au fond, derrière la diversité des vertus dont Alain énumère les plus caractéristiques, ce que nous allons maintenant reprendre dans le détail, il y en aurait une unique, l’âme (c’est ce qui…, c’est ce qui…)
- Le refus de la violence : quand des conflits surviennent dans la vie courante, on est souvent tenté de les régler de façon expéditive, par la violence, voire par le meurtre au lieu d’essayer de s’expliquer et de discuter, comme cela se remarque aussi dans les rapports internationaux. A l’opposé de la « loi de la jungle » qui règne chez les animaux, l’homme a néanmoins la possibilité de régler ces conflits de façon pacifique, s’il le décide (6ème commandement : » tu ne tueras point »). Il peut même choisir de ne pas répondre à la violence par la violence, et de « tendre l’autre joue », comme le conseillent les évangiles.
- La tempérance et la sobriété : Alain annonce bien sûr ici l’anecdote sur Alexandre, mais l’exemple
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