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Simone De Beauvoir

Commentaires Composés : Simone De Beauvoir. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Décembre 2012  •  735 Mots (3 Pages)  •  1 965 Vues

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Je ne vais plus qu'assez rarement au cinéma. Je répugne à me déranger, à faire la queue, à subir les Actualités et la publicité. Et puis, il est facile d'interrompre une lecture ou l'écoute d'un disque ; au cinéma, surtout si j'y vais avec une 'amie, une fois installée dans mon fauteuil, je me sens obligée d'y rester même si le film m'ennuie.

Ces inconvénients ne pèseraient guère si le cinéma m'apportait plus qu'aucun autre mode d'expression : ce n'est pas le cas. C'est l'évidence de l'image qui donne aux films leur force ou leur séduction : mais aussi par sa plénitude inéluctable la photographie arrête ma rêverie. C'est une des raisons pour lesquelles — on l'a dit souvent — l'adaptation d'un roman à l'écran est presque toujours regrettable. Le visage d'Emma Bovary est indéfini et multiple, son malheur déborde son cas particulier ; sur l'écran je vois un visage déterminé, et cela diminue la portée du récit. Je n'ai pas ce genre de déception quand l'intrigue a été conçue directement pour l'écran ; il me plaît que Tristana ait les traits de Catherine Deneuve : c'est que je suis d'avance résignée à ce que cette histoire n'ait que la dimension d'une anecdote. Souvent aussi l'importance que prend l'image visuelle appauvrit les lieux qu'elle me découvre. Sur le papier, l'« absente de tout bouquet 1 » l'est par son parfum, par la texture de ses pétales autant que par sa couleur et sa forme : c'est à travers les mots la totalité d'une fleur qui est visée. Un paysage de cinéma, je le vois, j'en entends les rumeurs : mais je ne sens pas l'odeur salée de la mer, je ne suis pas éclaboussée par les embruns. Le cadrage des photographies les isole souvent du reste du monde. Si je lis le mot Tolède, toute l'Espagne m'est présente; dans Tristana les rues de Tolède, par la perfection même avec laquelle elles sont photographiées, ne me donnent rien d'autre qu'elles-mêmes. Parfois l'art du metteur en scène lui permet de dépasser ces limitations : cette campagne est si vivante que je crois en sentir sur ma peau la fraîcheur ; je ne me promène pas dans une rue, mais à Londres avec toute l'Angleterre autour de moi. Mais dans le meilleur des cas aucun film ne saurait atteindre à un certain degré de complexité. Moins expressive que l'image — et donc, quand on se borne à donner à voir, moins rapide --, l'écriture est hautement privilégiée quand il s'agit de transmettre un savoir. Quand une œuvre est riche, elle nous communique une expérience vécue qui s'enlève sur un fond de connaissances abstraites : sans ce contexte, l'expérience est mutilée ou même inintelligible. Or, des images visuelles ne suffisent pas à la fournir : si elles essaient de le suggérer c'est grossièrement et en général avec maladresse. On s'en est aperçu quand Costa Gravas a tourné L'aveu. Il a réussi Z parce que l'intrigue était très simple, le contexte connu : une machination policière parmi d'autres. Mais L'Aveu n'a de sens que dans une situation qui renvoie à toute l'histoire de l'après-guerre en U.R.S.S. et dans les pays de l'Est. Les personnages n'existent pas seulement dans le

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