Pourquoi imiter cela ?
Analyse sectorielle : Pourquoi imiter cela ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mimimagnique • 16 Juin 2014 • Analyse sectorielle • 1 618 Mots (7 Pages) • 748 Vues
Vous vous demanderez si la tâche du romancier quand il crée des personnages, ne consiste qu’à imiter
le réel.
Les deux mots personnage et personne ont la même étymologie, mais le premier renvoie à la création littéraire, et le second à la réalité. Par son affirmation catégorique : « Sans personnage, point de roman », l'écrivain anglais Anthony Burgess semble énoncer une vérité communément admise. Mais, pour le lecteur plongé dans un roman, il arrive souvent que les personnages deviennent des personnes - ce qui, généralement, assure le succès d'un roman. Est-ce à dire que le romancier doit, dans la création de ses personnages, imiter le réel ? Peut-il ou doit-il le dépasser ? Peut-il s'en passer ?
I. Écrire un roman pour reproduire le réel
La tâche du romancier, quand il crée des personnages, peut consister avant tout à imiter le réel et à le reproduire.
1. Peindre les hommes et le monde, et les moyens pour le faire
Peindre fidèlement les hommes et le monde est ce à quoi s'attellent les romanciers de la seconde moitié du XIXe siècle. Ainsi le roman réaliste, à travers toute une galerie de personnages, cherche-t-il, selon le mot de Balzac, à « faire concurrence à l'état civil » (La Comédie humaine et ses innombrables personnages). Cette conception est illustrée par les trois textes du corpus. Pour peindre le réel, les romanciers disposent de moyens variés.
Ils peuvent faire la description détaillée et réaliste des personnages, en peignant leur physionomie, en donnant des détails anatomiques, des précisions sur leurs vêtements... Ils peuvent aussi s'appuyer sur des événements et des personnages historiques pour conduire l'intrigue (Vigny, Dumas), sur des faits divers (Le Rouge et le Noir, Madame Bovary) ou sur leur propre vécu (Proust, Céline). Les actes et les pensées des personnages qu'ils mettent en scène sont, au moins en partie, déterminés par la documentation (roman historique) ou l'introspection (roman autobiographique : la trilogie de Jules Vallès).
Le romancier peut aussi insérer ses personnages dans un milieu et une société. Les romanciers naturalistes, pour répondre à leur projet didactique et idéologique (imiter en littérature la méthode expérimentale), introduisent dans la création des personnages les découvertes récentes des lois de l'hérédité. Zola propose des personnages qui sont des produits de leur milieu social et familial. Il mène sur le terrain des enquêtes, construit des arbres généalogiques pour mettre en évidence l'influence des tares héréditaires (folie, alcoolisme), multiplie les caractéristiques régionales ou professionnelles de ses personnages. Cette conception perdure au début du XXe siècle : Proust, dans À la recherche du temps perdu, rend compte de l'évolution de milieux sociaux à travers une galerie de personnages mondains. À l'opposé, Céline, dans Voyage au bout de la nuit, fait passer son héros de l'horreur de la Première Guerre mondiale aux grandes villes américaines avant de le réinstaller dans les quartiers pauvres de la banlieue parisienne.
2. Pourquoi imiter le réel ?
Le parti pris d'imiter le réel peut marquer, de la part du romancier, l'intention d'agir sur ce réel, notamment dans le roman engagé. Ainsi, lorsqu'il peint dans La Condition humaine des personnages qui, à l'image des véritables révolutionnaires chinois, sont engagés dans l'action politique au début de la révolution chinoise, Malraux propose un modèle de héros.
L'imitation du réel peut aussi viser à créer l'illusion pour permettre l'identification et soulever l'intérêt : le lecteur de romans historiques, de romans policiers, de romans biographiques ou autobiographiques s'identifie aux personnages (par exemple au détective) et adhère à l'univers décrit parce qu'il le reconnaît comme réel.
Enfin, en imitant le réel, le romancier peut permettre au lecteur d'accéder à la connaissance du cœur humain. Pour Zola, « au bout [de la lecture d'un roman], il y a la connaissance de l'homme, [...] dans son action individuelle et sociale » [exemples du corpus].
Transition : Une part majeure du roman français repose sur des personnages réalistes, ancrés dans un milieu. Cependant, cette vision du personnage est réductrice et ferait du roman une simple reproduction de la réalité.
II. Dépasser l'imitation du réel
Or, le plus réaliste des romanciers, quand il crée des personnages, dépasse la simple imitation du réel.
1. S'évader du réel
Le roman est aussi évasion dans un monde fabuleux, dans des univers improbables (science-fiction, récits merveilleux, heroic fantasy à l'anglo-saxonne). Les héros sont parfois dotés de pouvoir magiques et d'ascendances divines ou monstrueuses (Tolkien).
Dans les romans de chevalerie (Lancelot, Tristan et Iseult), les romans précieux (L'Astrée), les romans sensibles du XVIIIe siècle (La Nouvelle Héloïse), les héros, idéalisés, sont propres à satisfaire les attentes, les fantasmes de perfection de publics divers qui peuvent s'identifier aux personnages, retrouver une image valorisante et valorisée d'eux-mêmes.
À l'inverse, certains héros se démarquent de l'humanité commune, par leur côté burlesque : ce sont les personnages de Rabelais, de Cervantès ou encore ceux des romans réalistes et burlesques du baroque.
2. La nécessaire métamorphose : entre réel et imaginaire
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