La sexualité

Au commencement était la chair, le sang, le sexe. Vivre c’est d’abord s’extirper visqueux et sanguinolent de la matrice maternelle, chair béante, sexe écartelé, viandé... ruissellement, déchirures... la tête en avant on est jeté dans la lumière, dans le vide du monde : on crie.

Au commencement était donc cette fêlure organique de la chair féminine, puis le lait prodigué par la femme, tiède douceur liquide, apaisement, plaisir fondateur et immémorial de téter le sein maternel : le monde, si traumatisant à la naissance, n’est pas un enfer absolu, puisqu’il y a cette tendre chair qui sécrète le doux lait de la vie. Toutefois cela ne saurait durer ; la froide lumière extérieure menace, et le sein est intermittent : douleur et douceur alternent.

Ainsi, au commencement étaient le sexe, la douleur, la terreur, la jouissance du sein féminin, ou du biberon tenu par la femme.

En donnant le sein ou le biberon au nouveau né, la femme fait don de sa chair, elle prodigue la béatitude, ou le malheur, car il n’est point exclu que son lait soit aigre, que sa chair soit sèche, que son miel soit fiel, que son sein soit vain, qu’elle soit elle-même malheureuse ou haineuse, nocive... les mauvaises mères existent bel et bien, hélas !... enfin, c’est tiré au sort. On ne choisit pas sa mère, ni sa nourrice.

Oui... tiré au sort, le bon départ pour la vie à venir.

Une mère amère, une aigre nourrice, ça vous met du venin au cœur, ça vous nourrit de haine, de méchanceté larvée, ça vous fait voir toute l’horreur du monde... ça fait de vous un futur écorché vif, un candidat au massacre, ça vous donne un petit aperçu de la détresse et de la mort qui vous guettent déjà... ça vous procure assez de lucidité et de désillusion pour percer à jour toute la pourriture humaine.

Ainsi donc au commencement étaient la violente béance de l’accouchement et la douceur probable du lait, du sein. Sein maternel, libidinal, sexuel. Sexualité : matrice de la vie.

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