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Commentaire D'un Extrait d'un texte De Schopenhauer

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Par   •  8 Décembre 2013  •  2 821 Mots (12 Pages)  •  1 434 Vues

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COMMENTAIRE D’UN EXTRAIT DE SCHOPENHAUER

«Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long, et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui- même qu’apparent : le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain – Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un : l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or, sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner ; aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré ».

SCHOPENHAUER.

Dans cet extrait, Schopenhauer entreprend de mettre en évidence l’origine du malheur pour l’homme : le désir en est la cause, lui qui nous condamne à l’insatisfaction et qui nous maintient dans une perpétuelle inquiétude. Ainsi, le désir serait une pure négation, un manque et une privation sans solution, auxquels on ne saurait espérer mettre un terme et dont nul ne peut prétendre se libérer. Dès lors, le désir place la condition humaine sous le signe d’une répétition infernale : la quête infinie, par essence inachevée, d’une satisfaction impossible.

De toute évidence pessimiste, une telle interprétation du désir le réduit à l’expérience d’une souffrance et d’une pure aliénation : le désir est le signe d’une condition misérable qui s’impose à l’homme comme une volonté inconsciente, sans délibération, qui le détermine malgré lui et le livre à cette poursuite infinie. Or, peut-on comprendre ainsi le désir comme une pure négation ? Doit-on l’interpréter comme une nécessité absurde, une fatalité, qui s’imposerait au sujet ? Le désir est-il donc un manque sans solution ? Ne peut-on lui reconnaître une perfection propre, considérer ainsi qu’il y a un bonheur même à désirer et que le désir peut donner forme à une expérience de liberté ?

Dans un premier temps, nous verrons comment Schopenhauer interprète ainsi le désir comme l’origine de notre condition malheureuse puis nous entrerons en dialogue avec une telle thèse, mettant à l’épreuve ses fondements.

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Qu’est-ce que désirer ? C’est poursuivre ce qu’on n’a pas ou ce qu’on n’est pas. Le désir est, en ce sens, une expérience négative, l’expérience d’un manque, d’une privation, tel que celui-ci qui l’éprouve recherche la négation de cette négation : la satisfaction de ce désir. Telle est la façon dont Schopenhauer définit le désir, ne le distinguant pas sur ce point du besoin : l’un et l’autre sont cause d’un même « vouloir », c’est-à-dire d’un même effort pour tendre vers la satisfaction, pour combler ce manque douloureux dont ils sont l’expression. « Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance ». En posant cette identité, Schopenhauer laisse clairement entendre que l’expérience du désir ne prend jamais une autre forme que l’effort pour s’en libérer en le comblant. Implicitement, il rejette la distinction entre le manque du besoin et le manque du désir : il n’est aucune différence spécifique en matière de manque ; qui éprouve une privation, quelle qu’en soit la nature, souffre tout de même et la souffrance n’a qu’un seul visage. Qu’est-ce qui motive un tel postulat, une telle identité (désir=privation=souffrance) ?

On pourrait objecter à cela qu’un désir est toujours l’annonce d’un plaisir à venir, d’une satisfaction différée et non moins plaisante d’ailleurs qu’elle est ainsi retardée. Or, tout l’effort de Schopenhauer, dans cet extrait, consiste justement à montrer qu’une telle réplétion ne peut jamais être atteinte, que, par sa nature même, le désir la repousse comme une fin impossible. Ainsi, si « la satisfaction (...) met fin » logiquement au désir, ce terme est un horizon sans cesse repoussé. On pourrait, sur ce point, rétablir une différence entre le besoin et le désir, que Schopenhauer ne relève pas : en effet, si le manque du besoin suppose une réplétion possible (ce sans quoi la vie tout simplement trouverait son terme), la satisfaction des désirs, elle, n’enveloppe aucune nécessité. Le penseur pointe ici deux attributs du désir qui rendent vain l’espoir d’une satisfaction véritable. Premièrement, parler « du » désir est une façon de faire singulièrement abstraction de la nature plurielle et contradictoire de nos désirs. Si nous avions un désir maître, si le désir était un et unique, peut-être pourrions-nous croire le satisfaire ; or, nous n’avons jamais un seul désir mais des désirs qui se heurtent et se contredisent. Ainsi, « pour un désir satisfait, dix au moins sont contrariés ». Qu’est-ce à dire ? Que la satisfaction d’un désir accroît paradoxalement notre manque et, par conséquent, notre souffrance : la satisfaction d’un désir a supposé, en effet, que nous sacrifions à celle-ci bien d’autres désirs, qui ne sont rendus que plus cuisants et ne cessent ainsi de nous harceler. Tout contentement est, dès lors, immédiatement terni par l’horizon de frustration sur lequel il se détache. Me voilà Directeur de la multinationale de mes rêves, mais, voilà, tout à coup, que je suis saisi d’un vague à l’âme : j’aurais voulu être artiste, poète, danseur, clown, marchand de gaufres, marcher pieds nus jusqu’à la prochaine oasis... Le désir produit par nature un infini de possibles qui obscurcit toute satisfaction, niant sa plénitude en rappelant incessamment la limite qui la caractérise. La seconde raison consiste dans la durée comparée du désir et de la satisfaction : si « le désir est long, et ses exigences tendent

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