L’art nous détourne-t-il de la réalité ?
Dissertation : L’art nous détourne-t-il de la réalité ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar emgenot • 15 Février 2020 • Dissertation • 2 842 Mots (12 Pages) • 768 Vues
L’art nous détourne-t-il de la réalité ?
Pourquoi sommes nous sensible à l’art ? Cette question philosophique occupe les philosophes depuis l’antiquité. Platon déjà il y a deux mille quatre cent ans se questionnait sur l’oeuvre d’art et sa finalité. Depuis l’art n’a cessé d’évoluer, marqué par des courants et des techniques variés. Il a donc connu des buts différents en fonction des époques, nous pouvons donc nous interroger quant au rapport qu’entretiennent les hommes avec l’art. En particulier l’art nous détourne-t-il de la réalité ? De cette manière nous entendons qu’il s’agit d’une seule forme d’art, essence englobant toutes ses expressions, du premier art; l’architecture jusqu’au dixième, débattu, le jeu vidéo. Un art auquel « nous » sommes sensibles c’est à dire que tous les hommes sont capables de vivre une expérience artistique. Ici le verbe « détourner » possède un sens complexe, s’agit il d’une modification de notre regard, de notre perception dont la réalité en serait son but ? A supposer que l’art nous détourne de la réalité, ne devrait on pas en conclure que l’art nous emporte quelque part ailleurs ? Mais si nous pensions l’inverse, l’art doit il forcément représenter la réalité ? Lorsque nous entrons en contact avec une ouvre d’art, une connexion se fait entre le fruit de l’artiste et le spectateur. C’est ce que nous pouvons qualifier d’expérience, propre à chaque être sensible qui y est réceptif. Et cette expérience varie en fonction de nombreux facteurs comme l’âge, le gout, l’histoire personnelle de l’individu… Il sera en tous cas essentiel au cours de notre analyse de se questionner sur cette interaction entre l’oeuvre et le sujet. Ainsi l’art existe-t-il pour nous rappeler la réalité ? Pour répondre à cette question nous verrons d’abord que l’art peut être vu comme une voie déviante de la réalité puis nous étudierons le fait que l’art est potentiellement un produit et un créateur de cette réalité et enfin nous nous interrogerons sur la notion d’art dans la société.
Ainsi il peut être légitime de penser que l’art n’est pas fait pour représenter la réalité. Certains philosophes postulent que le but de l’art se trouve dans la notion de mimesis. C’est à dire le fait d’imiter ce que nous voyons, ce que nous expérimentons. Pour Platon cette mimesis est produite par l’opposition de l’intelligible, que l’on peut comprendre, réel, et du sensible façonné par nos sens par copie de l’intelligible. C’est pourquoi Platon estime cet art de la mimesis comme un art de l’imitation. En effet toutes les oeuvres ne peuvent pas représenter la réalité dans sa complexité et sa totalité. Comment du tableau Les Charbonniers de Monet en 1875, représentant Paris dans la révolution industrielle, peut on, malgré les symboles comme les cheminées fumantes et la grisaille du ciel, se représenter totalement l’ambiance ? Pour que l’expérience soit complète il nécessiterait l’action d’autres sens comme les bruits de Paris du XIXème siècle ou encore l’odeur d’une ville étouffée par l’activité humaine. C’est dans cette mesure que l’oeuvre de Monet parait incomplète pour représenter la réalité, bien que l’art graphique soit poussé au paroxysme de son réalisme. Ainsi on pourrait penser qu’à vouloir représenter la réalité on ne le fasse que partiellement. Dans cette vision même si l’art existait pour nous rappeler la réalité il serait incapable de le faire. C’est l’idée qu’établit le philosophe Hegel au cours du XVIII et XIXe siècle « L’opinion la plus courante, qu’on se fait de la fin que se propose l’art, c’est qu’elle consiste à imiter la nature (…) Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est du travail superflu » (esthétique 1818-1829). Mais si l’on suit ce raisonnement, un paradoxe s’installe ; si l’art de représenter le réel était vu comme incomplet alors un art dit complet dans sa représentation du réel sortirait du cadre de l’art, l’expérience étant trop convaincante pour pouvoir être qualifiée d’oeuvre d’art.
C’est justement cette notion d’oeuvre qui peut poser problème. Jusqu’où peut on parler d’art ? Si l’on considère que l’art n’a pas de limite, qu’il représente un choix de l’artiste, symbole de sa productivité, alors l’art peut prendre toutes les formes. Ce problème fut d’autant plus débattu avec l’avénement de l’art abstrait au début du XXe siècle. Est ce que ces formes représentées, presque aléatoirement, constituent de l’art ? L’expressionnisme même peut être remis en question, cet art qui tend à déformer la réalité jusqu’à des représentations presque méconnaissables n’est absolument pas représentatif du monde qui nous entoure. Pourtant personne ne peut dire que Le Cri d’Edvard Munch de 1897 n’est pas une oeuvre d’art. A première vue l’art abstrait semble être l’opposé du réel. Nous n’y retrouvons plus rien de naturel, seulement des formes colorées. Donc si l’on suit ce raisonnement ce type d’art en particulier nous éloigne du réel, nous plonge dans notre imagination. Mais alors pourquoi lui donnons nous autant de crédit ? Pourquoi sommes nous sensible à cela ? En réalité l’art abstrait ne se définit pas de cette manière. Au contraire il se dit représenter les déchirures du monde, représenter des sensations sans pour autant donner d’explication sur pourquoi nous les ressentons. C’est en fait, malgré ses apparences, une contraction de ce que nous percevons visuellement, le monde réel, à travers un moyen qualifié de sensitif, presque spirituel.
Pour poursuivre cette hypothèse, nous pouvons dire que l’art a la capacité de nous transformer. C’est à dire que l’art nous révèle certains aspects de la vie que nous ne parvenons pas à percevoir sans. Il agit à l’aide des émotions comme l’empathie, la tristesse, la joie… Lorsque nous pleurons devant un film, c’est que l’oeuvre a réussi a exprimer quelque chose en nous. Dans ce sens l’art peut nous détourner de la réalité ; lorsque l’art repose sur un schéma fictif, nous suivons cette fiction et elle modifie ce que nous percevons de la réalité. Le fictif prend l’emprise sur le réel à travers l’oeuvre d’art. Dans les années 1980, les chansons du chanteur américain Sixto Rodriguez arrivent malgré lui en Afrique du Sud. La bas elles accompagnent la lutte contre l’Apartheid grâce à leurs paroles engagées. Bien que les textes sortent de l’imagination du chanteur, les chansons motivent les sud africains. C’est en partie grâce à la musique que la population noire s’est révoltée, l’art a donc eu un effet sur la réalité qui a pris une autre direction. Mais en fait bien que toute oeuvre soit fictive, que tout scénario ou texte soit inventé, l’artiste s’appuie majoritairement sur le réel pour produire. Il retranscrit des situations qui auraient très bien pu se passer dans la réalité. Et lorsqu’il s’agit de sujets surnaturel comme un film de super-héros, ce qui nous émeut se trouve dans des situations que nous avons déjà expérimentées ou que nous sommes potentiellement capable de subir. Nous n’inventons pas ces émotions au moment où nous subissons l’expérience, elles sont déjà ancrées en nous et se réveillent. Nous pouvons donc penser que l’art s’appuie sur la réalité pour agir sur l’individu, il agit comme une passerelle entre la réalité et nous.
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