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Peut on parler d'un rejet du travail aujourd'hui ?

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Par   •  15 Février 2023  •  Dissertation  •  2 948 Mots (12 Pages)  •  392 Vues

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Peut-on parler d’un rejet du travail aujourd’hui en France ?

Depuis 2021, les relations entre les travailleurs et les employés évoluent. À la suite de la crise du COVID, des milliers d'américains ont quitté leur emploi. Les États-Unis d'Amérique appellent cela « Great Resignation », la grande démission. Ce phénomène est aussi observable dans de nombreux secteurs en France : 370 000 postes sont vacants au 3ème trimestre 2022. Dans les hôpitaux, ce sont 6% des postes d’infirmiers et 30 % des postes de praticiens hospitaliers qui ne sont pas pourvus. Pourtant, le chômage reste plus élevé en France (8,8%), plus que chez nos voisin Européens (8,5%). Il y a donc des actifs qui seraient théoriquement immédiatement disponible pour travailler.

Dans le livre de Michel Tournier Vendredi ou les limbes du Pacifique, Robinson Crusoé échoué sur l'île Speranza recréé une vie rythmée par les lois et le travail. Après avoir rencontré le « sauvage » qu'il nomme Vendredi, il abandonne peu à peu sa vie d’ordre et de labeur.

Les actifs du monde occidental auraient-ils trouvé un Vendredi à leur tour ? Rejetteraient-ils le travail ? Cela nous interroge plus largement : quel est le sens donné au travail aujourd’hui en France ?

Pour répondre à ces questions, nous ferons dans un premier temps une courte plongée dans l’histoire pour éclairer les difficultés et le rejet du travail aujourd’hui. Dans une seconde partie, nous verrons quelle forme pourra prendre l’activité humaine pour que les Hommes puissent continuer à faire société dans l’avenir.

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I – Une petite revue du travail à travers les âges : Les Hommes tantôt le méprisent, l’adulent, le recherchent ou le rejettent

A – Le travail, son sens et son cadre juridique se sont métamorphosés au cours de l'histoire des Hommes, de l'Antiquité à nos jours

Etymologiquement, le travail vient du tripalium latin qui était un instrument de torture. L'idée de peine et de douleur y était associée. D'ailleurs, les Grecs de l'Antiquité méprisaient le travail physique synonyme de servitude. Il était le lot des esclaves. L'otium, l’oisiveté, le loisir était valorisés. Les citoyens occupaient leur temps à la conversation, la relation publique et à la politique. La méprise du travail se retrouve dans la Genèse, où il est associé à une malédiction divine. Il serait la conséquence du péché originel. Adam et Ève ont été chassés du paradis et devront manger l'herbe des champs. « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain ».

Le sens du travail a évolué au 18ème siècle dans la bourgeoisie. Voué au travail, le bourgeois a transformé sa situation en une vertu : le travail à commencer à devenir noble. Les philosophes des lumières ont repris cette idée en condamnant l'oisiveté des pauvres. Selon Voltaire, « le travail éloigné de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin ». Sur le plan juridique, la liberté du travail est affirmée par la Révolution française dans le Décret d’Allarde (mars 1791)

La « valeur travail » a ensuite été distillée à la classe ouvrière lors de l'industrialisation de la fin du 19ème siècle. « La morale bourgeoise est devenue morale ouvrière » explique J. Ellul. Inextricablement lié aux valeurs sociales, le développement de l’emploi de masse s’accompagne de loi donnant des droits sociaux aux salariés. En 1884, la loi Waldeck Rousseau permet la liberté syndicale. En 1898, les accidents de travail sont indemnisés.

La notion de travail est centrale dans l’œuvre de Marx : il conçoit le travail comme le prolongement de l'homme. C'est une partie de son existence individuelle et il permet la reconnaissance par les autres. Il crée la solidarité entre les individus. La valeur travail est devenue une valeur cardinale qui figurait au centre des luttes sociales.

Après la seconde guerre mondiale, l'emploi salarié était le principal vecteur d'activité sociale. Le modèle salarial devient un projet de société. L'entreprise était un lieu de socialisation majeur. Le travail a un rôle d'intégration sociale : il assure un revenu et un statut au travailleur. Le citoyen devient citoyen économique. A l’inverse, la vie sans travail condamne à l’inexistence publique.

De nos jours, le travail est un mot polysémique. Il peut désigner un effort physique ou intellectuel, une occupation rémunérée (synonyme d'emploi), une activité non rémunérée (bénévolat, association). En économie, le travail est l'un des facteurs de production et de création de richesses. En France comme dans d’autres pays, la sécurité du salariat évolue. La réforme du droit du travail et les ordonnances Macron de 2017 dirigent la société vers plus de flexibilité pour juguler le chômage.

B – Depuis la crise sanitaire mondiale du Covid, les travailleurs semblent se détourner du travail et de sa forme salariale proposée par la société

La « grande démission » évoquée par les médias semble dire que le travail salarié n'est plus la valeur primant sur toutes les autres. « Le travail humain, orienté comme il l'est aujourd'hui par les contraintes sociales, économiques et organisationnelles n'est pas une nécessité première pour la réalisation de l'homme vers son destin » disent Uuet et Nasri dans Le travail hors la loi. Les trois rapports fondamentaux de l’homme (avec lui-même, avec les autres et avec le monde) étaient médiatisés par le travail. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les travailleurs semblent dire que leur épanouissement peut venir d’ailleurs. Une revendication fréquemment entendue est le souhait d’avoir davantage de temps libre à consacrer à sa famille, à ses loisirs.

Selon Gilles Lipovetsky, le désinvestissement de la sphère du travail dans les sociétés postmodernes ce fait en parallèle d'un désinvestissement de la sphère publique. Cet auteur propose l'idée d'une « seconde révolution individualiste » qui met en avant la perte de sens des grandes institutions collectives sociales et politiques. La société s’orientant vers « une culture ouverte avec une régulation douce des rapports humains ». Ces revendication présentes dans les classes supérieures ou moyennes se traduise par des histoires individuelles relayées par les médias : un tradeur a accumulé suffisamment de fortune pour quitter son travail à 40 ans et vivre de ses rentes jusqu’à la fin de sa vie, une famille de cadre Parisiens a quitté la capitale pour élever des chèvres dans le Larzac et redonner du sens à sa vie… Ces clichés parlent de notre société et du sens donné ou qui n’est plus donné au travail salarié hérité des décennies passées.

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