Le Sang
Dissertation : Le Sang. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Polqa • 4 Juillet 2013 • Dissertation • 795 Mots (4 Pages) • 908 Vues
CLAIRE : Vous vouliez m'insulter ! Ne vous gênez pas ! Crachez-moi à la face ! Couvrez-moi de boue et d'ordures.
SOLANGE, se retournant et voyant Claire dans la robe de Madame : Vous êtes belle !
CLAIRE : Passez sur les formalités du début. Il y a longtemps que vous avez rendu inutiles les mensonges, les hésitations qui conduisent à la métamorphose ! Presse-toi ! Presse-toi. Je n'en peux plus des hontes et des humiliations. Le monde peut nous écouter, sourire, hausser les épaules, nous traiter de folles et d'envieuses, je frémis, je frissonne de plaisir, Claire, je vais hennir de joie !
SOLANGE : Vous êtes belle !
CLAIRE : Commence les insultes.
SOLANGE : Vous êtes belle.
CLAIRE : Passons. Passons le prélude. Aux insultes.
SOLANGE : Vous m'éblouissez. Je ne pourrai jamais.
CLAIRE : J'ai dit les insultes. Vous n'espérez pas m'avoir fait revêtir cette robe pour m'entendre chanter ma beauté. Couvrez-moi de haine ! D'insultes ! De crachats !
SOLANGE : Aidez-moi.
CLAIRE : Je hais les domestiques. J'en hais l'espèce odieuse et vile. Les domestiques n'appartiennent pas à l'humanité. Ils coulent. Ils sont une exhalaison qui traîne dans nos chambres, dans nos corridors, qui nous pénètre, nous entre par la bouche, qui nous corrompt. Moi, je vous vomis. (Mouvement de Solange pour aller à la fenêtre.) Reste ici.
SOLANGE : Je monte, je monte…
CLAIRE, parlant toujours des domestiques : Je sais qu'il en faut comme il faut des fossoyeurs, des vidangeurs, des policiers. N'empêche que tout ce beau monde est fétide.
SOLANGE : Continuez. Continuez.
CLAIRE : Vos gueules d'épouvante et de remords, vos coudes plissés, vos corsages démodés, vos corps pour porter nos défroques. Vous êtes nos miroirs déformants, notre soupape, notre honte, notre lie.
SOLANGE : Continuez. Continuez.
CLAIRE : Je suis au bord, presse-toi, je t'en prie. Vous êtes… vous êtes… Mon Dieu, je suis vide, je ne trouve plus. Je suis à bout d'insultes. Claire, vous m'épuisez !
SOLANGE : Laissez-moi sortir. Nous allons parler au monde. Qu'il se mette aux fenêtres pour nous voir, il faut qu'il nous écoute.
Elle ouvre la fenêtre, mais Claire la tire dans la chambre.
CLAIRE : Les gens d'en face vont nous voir
SOLANGE, déjà sur le balcon : J'espère bien. Il fait bon. Le vent m'exalte !
CLAIRE : Solange ! Solange ! Reste avec moi, rentre !
SOLANGE : Je suis au niveau. Madame avait pour elle son chant de tourterelle, ses amants, son laitier.
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