Étude du roman Suppléments au voyage de Bougainville de Denis Diderot
Commentaire d'oeuvre : Étude du roman Suppléments au voyage de Bougainville de Denis Diderot. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anavai8 • 10 Septembre 2013 • Commentaire d'oeuvre • 2 123 Mots (9 Pages) • 1 232 Vues
Diderot, Supplément au voyage de Bougainville 1796
C'est un vieillard qui parle, il était père d'une famille nombreuse. A l'arrivée des Européens, il laissa tomber des regards de dédain sur eux, sans marquer ni étonnement, ni frayeur, ni curiosité. Ils l'abordèrent, il leur tourna le dos et se retira dans sa cabane. Son silence et son souci ne décelaient que trop sa pensée : il gémissait en lui-même sur les beaux jours de son pays éclipsés. Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit :
« Pleurez, malheureux Otahitiens ! pleurez ; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants. Un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous gorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux. Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. O Otahitiens ! mes amis ! vous auriez mi moyen d'échapper à un funeste avenir ; mais j’aimerai mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent. » Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta :
« Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents. Nous sommes heureux , et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature , et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon qui es tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes là, dis nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est a nous, ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres. Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli , tu t'es récrié, tu t'es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisserons nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières
Denis Diderot (1713-1784)est un HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89crivain" \o "Écrivain" écrivain, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophe" philosophe et HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Encyclop%C3%A9diste" \o "Encyclopédiste" encyclopédiste HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/France" \o "France" français. Diderot est reconnu pour son HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89rudition" \o "Érudition" érudition, son HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Esprit_critique" esprit critique et un certain génie. Il laisse son empreinte dans l'histoire de tous les genres littéraires auxquels il s'est essayé : il pose les bases du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Drame_bourgeois" drame bourgeois au HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9%C3%A2tre" théâtre, révolutionne le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_(litt%C3%A9rature)" \o "Roman (littérature)" roman avec HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_le_Fataliste" \o "Jacques le Fataliste" Jacques le Fataliste, invente la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Critique" critique à travers ses HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Salons_(Diderot)" \o "Salons (Diderot)" Salons et supervise la rédaction d'un des ouvrages les plus marquants de son siècle, la célèbre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Encyclop%C3%A9die_ou_Dictionnaire_raisonn%C3%A9_des_sciences,_des_arts_et_des_m%C3%A9tiers" \o "Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers" Encyclopédie. En HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie" philosophie également, Diderot se démarque en proposant plus de matière à un raisonnement autonome du lecteur plutôt qu'un système complet, fermé et rigide. Rien en fait ne représente mieux le sens de son travail et son originalité que les premiers mots de ses HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pens%C3%A9es_sur_l%27interpr%C3%A9tation_de_la_nature" Pensées sur l'interprétation de la nature ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1753_en_litt%C3%A9rature" \o "1753 en littérature" 1753) . Mal connu de ses contemporains, éloigné
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