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Étude du poème L'Horloge de Charles Baudelaire

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Par   •  3 Mai 2013  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 957 Mots (8 Pages)  •  1 793 Vues

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Séquence : la poésie

« Spleen et Idéal »

L’horloge, Baudelaire (poème LXXXV)

Introduction :

Le thème du tempus fugit est un topos récurrent dans la littérature . Charles Baudelaire réécrit cette réflexion en augmentant la tradition d’une mise en scène concrète du temps. Le poème « L’Horloge » extrait des Fleurs du mal (1857) marque l’aboutissement d’un parcours sanctionnant l’échec de l’Idéal et la victoire du Spleen puisque ce texte clôt la section « Spleen et Idéal » . Ces six quatrains offrent la parole au temps à travers une prosopopée dramatique . Comment, à travers la mise en scène angoissante du temps, le poète invite-t-il le lecteur à une réflexion pessimiste et universelle sur la condition tragique de l’existence humaine ?

La dimension angoissante de ce poème est en grande partie générée par une représentation concrète du temps . En effet, toute l’échelle chronologique apparaît dans le texte. La division du temps en « seconde », en « heure » (v. 9), en « minutes » (v. 15) où alternent le « jour » et « la nuit » (v. 19) offre un tableau très précis de l’écoulement arithmétique du temps. Cette mathématique du temps a pour effet d’accroître l’angoisse du lecteur qui se trouve comme prisonnier d’une temporalité précise et inéluctable. Cette vision concrète est encouragée par l’emploi de substantifs techniques comme l’évocation de « la clepsydre » (v. 20). L’utilisation pléthorique des dentales fait entendre la voix de l’horloge qui « chuchote » (v. 10) à l’oreille des hommes. On peut remarquer que ce poème compte vingt-quatre vers comme les vingt-quatre heures d’une journée ce qui souligne la vérité comptable du temps. La prise de parole de l’horloge à travers la prosopopée filée tout au long du poème théâtralise ce texte par un discours adressé à l’humanité, mais qui rend un impact particulier grâce au tutoiement. Le but de Baudelaire est de rendre facilement imaginable la fuite du temps et d’en donner une image marquante au lecteur. Or, si le temps est abstrait Baudelaire utilise de nombreuses figures pour lui donner une épaisseur concrète : les allégories nombreuses comme « Maintenant…Autrefois » (v. 11), « Hasard » (v. 21), « Vertu » (v. 22), « Repentir » (v. 23) sont associées à des verbes concrets : «Le Plaisir (…) fuira » (v. 5), le « Repentir (…) dira » (v. 24). Cette concrétisation de notions abstraites a pour fonction de rendre tangible le rôle du temps.

Un autre moyen de rendre l’angoisse réside dans la volonté du poète d’offrir une représentation effrayante du temps. Effectivement, le personnage principal de cette tragédie, le temps, prend tous les visages à la fois. On peut observer une véritable succession de métamorphoses qui donne du temps l’image d’un monstre destructeur : le temps prend successivement les traits inquiétants d’un « dieu sinistre, effrayant » (v. 1) au « doigt » très menaçant (v. 2). Le temps est une machine à l’image de la « clepsydre » (v. 20) mais il prend aussi la figure angoissante d’un « insecte » (v. 11) qui, tel un vampire, « pompe » l’existence des hommes de sa « trompe immonde » (v . 12). Enfin, le temps est anthropomorphisé par les allégories nombreuses qui en font un « joueur » (v. 17). Ces métamorphoses du temps qui vont du minéral à l’humain puis au divin en passant par l’animal accentuent le pouvoir d’une horloge, vraie chimère effrayante car si plurielle qu’elle est insaisissable. Toute la sphère du vivant lui obéit. Notons que les ravages du temps qui passe se conjuguent aux temps de l’indicatif, mode verbal d’une vérité indépassable. « Le Plaisir (…) fuira » (v. 5) ; l’insecte dit « j’ai pompé » (v. 12) et les minutes « sont des gangues » (v. 15).

L’angoisse est enfin induite par l’image obsédante de la dévoration. L’image d’un temps, monstre insatiable, particulièrement soulignée à travers celle du vampire qui « dévore » (v. 7) et a « toujours soif » (v. 20) ne peut que susciter un sentiment « d’effroi » (v. 3) chez le lecteur. Dans le bestiaire choisi par Baudelaire, la préférence pour l’insecte qui « pomp(e) » (v. 12) nos vies est éclairante. La dévoration par cet infiniment petit accentue l’angoisse car comment se protéger d’un ennemi si discret ? La présence du « gouffre » (v. 20) assoiffé dessine une forme de vide vertigineux synonyme de la vacuité de toute vie humaine. La peur du néant et de la perte est donc omniprésente dans ce poème. Cette peur du néant est augmentée par la confusion organisée par le poète. En effet, on parle de la « voix » (v. 10) de l’animal puis d’un « Maintenant (qui) dit : Je suis Autrefois » (v. 11). Baudelaire trouble ainsi les frontières entre l’humain et l’animal et entre le présent et le passé. Cette porosité entre des univers étrangers ou distants est encore une manière de souligner la perte du sens de toute chose. Enfin, la dévoration semble également induite par la récurrence de l’emploi de pronoms personnels compléments pour désigner l’homme : « Chaque instant te dévore » (v. 7) ; « Où tout te dira » (v. 24). Ainsi, les hommes jamais ne sont sujets de l’action ; ils apparaissent comme privés de toute forme d’initiative active : le temps dévore et anéantit leur capacité à agir.

Si Baudelaire veut mettre en scène une dimension angoissante de la fuite du temps, il semble aussi tenir à offrir au lecteur une conception tragique de la condition humaine à valeur universelle.

Le

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