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Étude du chapitre 30 du conte philosophique Candide de Voltaire

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Par   •  24 Juin 2013  •  1 826 Mots (8 Pages)  •  6 971 Vues

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Lecture analytique

Candide, Chapitre 30

De « Candide, en retournant dans sa métairie… » à « mais il faut cultiver notre jardin ».

Situation du passage :

Nous sommes à la fin du dernier chapitre du roman.

Candide achète une métairie (=ferme+terrain) avec les derniers diamants de l’Eldorado.

Il y réunit tous ses compagnons.

Pour compléter son enquête philosophique, Candide va consulter un derviche (religieux musulman appartenant à une confrérie) ainsi qu’un vieillard : deux figures traditionnelles de la sagesse :

Le derviche  il faut se taire sur ce qu’on ne peut comprendre.

Le vieillard  travailler est le remède au malheur humain.

Candide rentre alors dans sa métairie pour mettre en pratique ces enseignements.

Mouvement du texte :

Deux grands mouvements :

Premier mouvement : long discours de Pangloss sur la fragilité des grandeurs humaines, interrompu par un bref commentaire de Candide et de Martin, qui prônent la nécessité du travail.

Second mouvement : description de la petite communauté au travail. Pangloss entame un nouveau développement, une dernière fois arrêté par Candide qui invite à l’action.

Par l’importance quantitative, la parole de Pangloss prédomine… mais le mot de la fin est laissé à Candide ! En effet, parvenu au terme de son apprentissage intellectuel, à la maturité, il peut répliquer à son maître et donner la leçon du livre : se mettre au travail, cultiver le jardin, c’est-à-dire cultiver la terre, pour vivre, mais aussi cultiver son propre jardin, ses propres capacités (se développer soi-même.)

Plan en deux parties, qui suit linéairement le mouvement du texte :

I. Le salut par le travail

II. La primauté de l’action

I- Le salut par le travail

« profondes réflexions » + retour dans « sa métairie » (=retour sur soi-même)  traduit (exprime) la maturité de Candide.

Candide réfléchit sur la leçon du « bon vieillard » : le travail procure un bonheur simple, mais plus sûr que les grandeurs illusoires des « six rois » détrônés que Candide a rencontrés à Venise.

Pangloss entame une tirade sur le thème conventionnel de la fragilité des grandeurs royales. Ce lieu commun entraine la prolifération d’un discours qui énumère les grands rois de l’histoire universelle ayant fini misérablement : rois de la Bible, puis ceux de l’Antiquité gréco-romaine, puis ceux de l’époque moderne  cette accumulation prouve que Pangloss n’a rien compris à la consigne du « Te taire » prononcée auparavant par le derviche. Il cède comme toujours au plaisir de la parole [discours rhétorique, logorrhée]  mécanique verbale qui s’emballe et tourne à vide. Les points de suspension soulignent l’automatisme et la sclérose de sa pensée : inutilité d’un discours qui pourrait durer jusqu’à l’infini.

Le disciple coupe sèchement la parole à Pangloss : « Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin. » Candide possède désormais une autorité qui lui permet de soustraire à l’autorité de son ancien maître. Le « Je sais » est l’affirmation d’une connaissance fondée sur l’expérience vécue. L’expression « il faut » implique à la fois une obligation physique et une prescription morale. « Cultiver » est un verbe d’action qui précise, en l’intensifiant, le verbe « travailler » utilisé par Martin. « Cultiver » suppose un processus de civilisation qui transforme rationnellement la nature. « Notre » exprime la personnalisation affective de l’entreprise et insiste sur son caractère communautaire.  pour échapper à l’angoisse et à l’ennui, les hommes doivent se regrouper et participer à une œuvre collective.

Avec le mot « jardin », on passe du point de vue général et creux (l’histoire universelle des rois) au point de vue particulier du petit domaine (la métairie). Le mot « jardin » a un sens physique et géographique : il s’agit d’une petite entreprise agricole qui permet à chacun de ses membres d’assurer sa subsistance et de se rendre utile  idéal des « physiocrates » (penseurs qui considéraient que le progrès reposait principalement sur le développement de l’agriculture). Enfin, le mot « jardin » fait écho au paradis perdu décrit dans la Genèse [premier livre de la Bible], endroit mythique où l’Homme jouissait d’une félicité parfaite et éternelle (!). Le jardin est le troisième lieu emblématique du roman : Thunder-ten-tronckh fut pendant longtemps pour Candide l’image du « paradis terrestre » ; l’utopie d’Eldorado est apparue ensuite comme la révélation d’un monde idéal fournissant une alternative à cette référence primordiale. Avec le « jardin » nous est proposé un ultime symbole du bonheur, qui abandonne les fausses valeurs de Thunder-ten-tronckh et prend la perfection d’Eldorado pour modèle. A l’opposé des système de pensée qui spéculent sur les fins dernières de la destiné humaine et placent le paradis dans un au-delà hypothétique, Voltaire définit une sagesse pratique fondée sur le travail et tournée vers l’action.

Pangloss ne désarme pas et poursuit sa logorrhée [flux de paroles inutiles]. Avec obstination, il fait appel, pour expliquer la situation présente, à la métaphysique [recherche intellectuelle qui vise à découvrir la vérité au-delà de l’expérience concrète]. Il cite et interprète la Genèse avec une érudition pédante : « Car quand l’homme fut mis dans le jardin d’Eden, il y fut mis ut operaretur eum [= pour qu’il y travaillât], pour qu’il y travaillât ; ce qui prouve que l’homme n’est pas né pour le repos. »

La référence au jardin d’Eden souligne à nouveau l’importance que joue dans ce texte le motif du paradis. Mais Pangloss l’utilise seulement pour reprendre à son compte un dogme chrétien : le travail serait un châtiment que Dieu a imposé à l’Homme pour le rachat de ses péchés. Le travail n’est pas, comme pour Voltaire ou pour Candide, l’expression de la liberté

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