Écrire c'est se livrer, Les faux monnayeurs, André Gide
Dissertation : Écrire c'est se livrer, Les faux monnayeurs, André Gide. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lorraine Joumier • 1 Avril 2018 • Dissertation • 1 785 Mots (8 Pages) • 4 580 Vues
Corrigé du sujet du 20 octobre « Ecrire, c’est se livrer »
La première œuvre d’André Gide les cahiers d’André Walter publiée en 1891 est inspirée de sa vie privée, on y retrouve notamment des phrases entières de conversations entre André Gide et sa cousine Madeleine Rondeaux qui deviendra sa femme. D’autres œuvres de Gide contiennent elles aussi des éléments autobiographiques comme la porte étroite ou les nourritures terrestres. Qu’en est-il de son seul roman les Faux-Monnayeurs ? Est-ce une fiction ou est-il empreint de la vie d’André Gide ?
C’est ce que semble affirmer François Mauriac lorsqu’il écrit « Ecrire, c’est se livrer », il montre ainsi que quel que soit le genre adopté, l’écriture révèle toujours quelque chose de celui qui écrit. Peut-on donc prétendre que le roman les Faux-Monnayeurs est une forme d’autobiographie ?
Nous montrerons dans un premier temps que Gide a puisé dans sa vie pour écrire les Faux-Monnayeurs puis nous examinerons le roman comme une œuvre fictive, dans laquelle Gide a mis toute sa créativité.
Tout d’abord, le lecteur a bien conscience qu’André Gide s’est livré dans son roman.
En effet, sa vie se retrouve dans son œuvre aussi bien dans les lieux que dans les personnages. D’ailleurs, André Gide affirmait dans son autobiographie Si le grain ne meurt publiée en 1926 : « Peut-être même approche-t-on de plus près la vérité dans le roman » sous-entendant que l’auteur est plus sincère et qu’il se livre davantage dans le roman que dans le récit de sa propre histoire. C’est pourquoi André Gide débute son roman au jardin du Luxembourg où il a passé son enfance, ou qu’il évoque en deuxième partie la ville de Saas-Fée en Suisse, ville qu’il a visité avec Marc Allégret. Les personnages sont aussi inspirés de sa vie comme La Pérouse qui est le double de son professeur de piano et ami Monsieur de Lanux comme il l’affirme dans l’appendice du journal des Faux-Monnayeurs en réponse à une dame qui l’accusait de plagiat. D’ailleurs, ce dernier est malheureux parce que sa femme a brûlé les lettres de son frère. Cet épisode n’est pas sans rappeler celui où Madeleine a fait disparaître les lettres de Gide lorsqu’elle a compris son amour passionnel pour Marc Allégret. Le personnage de Sophroniska est quant à lui inspiré de la psychanalyste Sokolnicka que Gide a rencontrée. La vie mouvementée de Gide se retrouve dans chaque personnage, par exemple Boris et son onanisme peut nous faire penser à l’exclusion de Gide de l’école Alsacienne pour « mauvaises habitudes ». On peut donc affirmer que Gide se livre dans les Faux-Monnayeurs, qu’il emprunte de nombreux éléments à sa vie privée.
Il va même plus loin, en créant le personnage d’Edouard, écrivain homosexuel qui est au centre des multiples intrigues. On peut voir dans la relation entre Edouard et Olivier des ressemblances avec la relation de Gide et de Marc. De même, le personnage de Passavant, écrivain hypocrite et égoïste n’est que le reflet de la jalousie de Gide pour Jean Cocteau qui a rencontré Marc Allégret. Gide se livre en proposant une sorte de double littéraire qui va être le porte-parole de l’auteur. Ainsi, par le procédé de mise en abyme, Edouard dévoile son ambition d’écrire un roman s’intitulant les Faux-Monnayeurs et il évoque la conception de son roman et ses sentiments personnels dans son journal, tout comme Gide qui publiera deux ans après les Faux-Monnayeurs le journal des Faux-Monnayeurs pour expliquer la genèse de son roman. Par l’intermédiaire de ce personnage, André Gide délivre sa vision du roman, un roman qu’il veut « pur ». Dans son journal, Gide par exemple s’en prend aux romans réalistes, cette critique se retrouve dans les paroles d’Edouard qui essaie d’expliquer à Laura, Bernard et Sophroniska son refus du personnage type.
Gide ne fait donc pas que se livrer émotionnellement, il livre aussi ses désirs esthétiques. Et pour cela, il accompagne la publication de son roman avec celle du journal des Faux-Monnayeurs en 1927. Ainsi, il confie sa difficulté à mettre en œuvre son projet ambitieux d’écrire un roman purgé de « tous les éléments qui n’appartiennent spécifiquement au roman » (JFM, 1er novembre 1922). On voit l’évolution du projet et comme dans un journal intime, Gide livre ses espoirs mais aussi ses angoisses devant la feuille blanche. Il rapporte également des anecdotes personnelles comme la rencontre d’un couple dans le train dont la femme ne finit pas ses phrases ( JFM, 8 février 1924) ou bien la rencontre avec un jeune garçon qui a tenté de voler un livre de géographie chez un bouquiniste ( JFM, 3 mai 1921) ; on retrouve d’ailleurs ce passage dans le roman, Edouard surprend un jeune garçon qui s’avèrera être son neveu Georges, en train de voler, il finit par lui offrir le livre. De même, on relève dans l’appendice du journal des faits divers comme le suicide d’un lycéen à Clermont Ferrand ou bien l’affaire des fausses monnaies qui ont intéressé Gide et qu’il exploitera pour l’écriture du roman. Le journal est un moyen de connaître l’auteur ( il narre notamment un rêve avec Marcel Proust le 5 mars 1923), sa vision du roman, ses doutes, ses ambitions.
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