Ruy Blas
Discours : Ruy Blas. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar • 28 Février 2015 • Discours • 904 Mots (4 Pages) • 779 Vues
Ruy Blas, qui l'a écouté avec égarement et comme ne pouvant en croire ses oreilles.
Ô mon Dieu ! – Dieu clément !
Dieu juste ! De quel crime est-ce le châtiment ?
Qu'est-ce donc que j'ai fait ? Vous êtes notre père,
Et vous ne voulez pas qu'un homme désespère !
Voilà donc où j'en suis ! – et, volontairement,
Et sans tort de ma part, – pour voir, – uniquement
Pour voir agoniser une pauvre victime,
Monseigneur, vous m'avez plongé dans cet abîme !
Tordre un malheureux coeur plein d'amour et de foi,
1440 - Afin d'en exprimer la vengeance pour soi !
Se parlant à lui-même.
Car c'est une vengeance ! Oui, la chose est certaine !
Et je devine bien que c'est contre la reine !
Qu'est-ce que je vais faire ? Aller lui dire tout ?
Ciel ! Devenir pour elle un objet de dégoût
Et d'horreur ! Un crispin, un fourbe à double face !
Un effronté coquin qu'on bâtonne et qu'on chasse !
Jamais ! – Je deviens fou, ma raison se confond !
Une pause. Il rêve.
Ô mon Dieu ! Voilà donc les choses qui se font !
Bâtir une machine effroyable dans l'ombre,
1450 - L'armer hideusement de rouages sans nombre,
Puis, sous la meule, afin de voir comment elle est,
Jeter une livrée, une chose, un valet,
Puis la faire mouvoir, et soudain sous la roue
Voir sortir des lambeaux teints de sang et de boue,
Une tête brisée, un coeur tiède et fumant,
Et ne pas frissonner alors qu'en ce moment
On reconnaît, malgré le mot dont on le nomme,
Que ce laquais était l'enveloppe d'un homme !
Se tournant vers don Salluste.
Mais il est temps encore ! Oh ! Monseigneur, vraiment,
1460 - L'horrible roue encor n'est pas en mouvement !
Il se jette à ses pieds.
Ayez pitié de moi ! Grâce ! Ayez pitié d'elle !
Vous savez que je suis un serviteur fidèle.
Vous l'avez dit souvent. Voyez ! Je me soumets !
Grâce !
Don Salluste.
Cet homme-là ne comprendra jamais.
C'est impatientant !
Ruy Blas, se traînant à ses pieds.
Grâce !
Don Salluste.
Abrégeons, mon maître.
Il se tourne vers la fenêtre.
Gageons que vous avez mal fermé la fenêtre.
Il vient un froid par là !
Il va à la croisée et la ferme.
Ruy Blas, se relevant.
Ho ! C'est trop ! À présent
Je suis duc d'Olmédo, ministre tout-puissant !
Je relève le front sous le pied qui m'écrase.
Don Salluste.
1470 - Comment dit-il cela ? Répétez donc la phrase.
Ruy Blas duc d'Olmedo ? Vos yeux ont un bandeau.
Ce n'est que sur Bazan qu'on a mis Olmedo.
Ruy Blas.
Je vous fais arrêter.
Don Salluste.
Je dirai qui vous êtes.
Ruy Blas, exaspéré.
Mais...
Don Salluste.
Vous m'accuserez ? J'ai risqué nos deux têtes.
C'est prévu. Vous prenez trop tôt l'air triomphant.
Ruy Blas.
Je nierai tout !
Don Salluste.
Allons ! Vous êtes un enfant.
Ruy Blas.
Vous n'avez pas de preuve !
Don Salluste.
Et vous pas de mémoire.
Je fais ce que je dis, et vous pouvez m'en croire.
Vous n'êtes que le gant, et moi je suis la main.
Bas et se rapprochant de Ruy Blas.
1480 - Si tu n'obéis pas, si tu n'es pas demain
Chez toi, pour préparer ce qu'il faut que je fasse,
Si tu dis un seul mot de tout ce qui se passe,
Si tes yeux, si ton geste en laissent rien percer,
Celle pour qui tu crains, d'abord, pour commencer,
Par ta folle aventure, en cent lieux répandue,
Sera publiquement diffamée et perdue.
Puis elle recevra, ceci n'a rien d'obscur,
Sous cachet, un papier, que je garde en lieu sûr,
Écrit, te souvient-il avec quelle écriture ?
1490 - Signé, tu dois savoir de quelle signature ?
Voici ce que ses yeux y liront : " Moi, Ruy Blas,
" Laquais de monseigneur le marquis de Finlas,
" En toute occasion, ou secrète ou publique,
" M'engage à le servir comme un bon domestique. "
Ruy Blas, brisé et d'une voix éteinte.
Il suffit. – je ferai, monsieur, ce qu'il vous plaît.
La porte du fond s'ouvre. On voit rentrer les conseillers du conseil privé.
Don Salluste s'enveloppe vivement de son manteau.
Don Salluste, bas.
On vient.
Il salue profondément Ruy Blas. Haut.
Monsieur le duc, je suis votre valet.
Il sort.
...