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Madame Bovary

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Par   •  30 Octobre 2013  •  550 Mots (3 Pages)  •  1 110 Vues

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Charles fut surpris de la blancheur de ses ongles. Ils étaient brillants, fins du bout, plus nettoyés que les ivoires de Dieppe, et taillés en amande. Sa main pourtant n’était pas belle, point assez pâle peut-être, et un peu sèche aux phalanges ; elle était trop longue aussi, et sans molles inflexions de lignes sur les contours. Ce qu’elle avait de beau, c’étaient les yeux ; quoiqu’ils fussent bruns, ils semblaient noirs à cause des cils, et son regard arrivait franchement à vous avec une hardiesse candide.

Une fois le pansement fait, le médecin fut invité, par M. Rouault lui-même, à prendre un morceau avant de partir.

Charles descendit dans la salle, au rez-de-chaussée. Deux couverts, avec des timbales d’argent, y étaient mis sur une petite table, au pied d’un grand lit à baldaquin revêtu d’une indienne à personnages représentant des Turcs. On sentait une odeur d’iris et de draps humides, qui s’échappait de la haute armoire en bois de chêne, faisant face à la fenêtre.Par terre, dans les angles, étaient rangés, debout, des sacs de blé. C’était le trop-plein du grenier proche, où l’on montait par trois marches de pierre. Il y avait, pour décorer l’appartement, accrochée à un clou, au milieu du mur dont la peinture verte s’écaillait sous le salpêtre, une tête de Minerve au crayon noir, encadrée de dorure, et qui portait au bas, écrit en lettres gothiques : « À mon cher papa. »

On parla d’abord du malade, puis du temps qu’il faisait, des grands froids, des loups qui couraient les champs, la nuit. Mademoiselle Rouault ne s’amusait guère à la campagne, maintenant surtout qu’elle était chargée presque à elle seule des soins de la ferme. Comme la salle était fraîche, elle grelottait tout en mangeant, ce qui découvrait un peu ses lèvres charnues, qu’elle avait coutume de mordillonner à ses moments de silence.

Son cou sortait d’un col blanc, rabattu. Ses cheveux, dont les deux bandeaux noirs semblaient chacun d’un seul morceau, tant ils étaient lisses, étaient séparés sur le milieu de la tête par une raie fine, qui s’enfonçait légèrement selon la courbe du crâne ; et, laissant voir à peine le bout de l’oreille, ils allaient se confondre par derrière en un chignon abondant, avec un mouvement ondé vers les tempes, que le médecin de campagne remarqua là pour la première fois de sa vie. Ses pommettes étaient roses. Elle portait, comme un homme, passé entre deux boutons de son corsage, un lorgnon d’écaille.Quand Charles, après être monté dire adieu au père Rouault, rentra dans la salle avant de partir, il la trouva debout, le front contre la fenêtre, et qui regardait dans le jardin, où les échalas des haricots avaient été renversés par le vent. Elle se retourna.

– Cherchez-vous quelque chose ? demanda-t-elle.

– Ma cravache, s’il vous plaît, répondit-il.

Et il se mit à fureter sur le lit, derrière les portes, sous les chaises ; elle était tombée à terre, entre les sacs et la muraille. Mademoiselle Emma l’aperçut ; elle se pencha sur les sacs de blé. Charles, par galanterie, se précipita et, comme il allongeait aussi son bras dans le même mouvement, il sentit sa poitrine effleurer le dos de la jeune fille,

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