Lorenzaccio
Fiche de lecture : Lorenzaccio. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar antexen • 27 Mai 2014 • Fiche de lecture • 1 226 Mots (5 Pages) • 726 Vues
En considérant le drame historique comme une relecture de l’histoire afin d’éclairer l’actualité présente, les romantiques assignent au théâtre un rôle politique au sens large et l’on ne s’étonne plus de l’attitude des censeurs prompts à interdire la remise en cause des pouvoirs dans Le roi s’amuse ouMarion Delorme. Pourtant dans L’École du désenchantement, ouvrage publié en 1992, le critique littéraire Paul Bénichou nuance cette importance accordée à l’actualité du temps dans Lorenzaccio: « Les sarcasmes de Lorenzo atteignent peut-être la société française des années 1830, mais ils vont singulièrement au-delà, ils dépassent toute société et tout régime politique particulier. La cible de Musset est l’espèce humaine ; son désespoir est définitif. » Peut-on considérer cette lecture de la pièce comme pertinente? Pour répondre à cette question nous verrons que Musset a bien choisi d’atteindre les républicains de 1834 derrière l’apparence florentine, mais que les critiques faites par Lorenzo concernent l’humanité dans son ensemble. Dans un dernier temps, nous nous demanderons si pour autant il faut conclure au définitif désespoir de Musset lui-même.
Au delà de la Florence du XVI ème siècle, Musset met en cause par le biais de Lorenzo la situation politique de 1834. Avec l’avènement de la Monarchie de juillet, les espoirs de la révolution de 1830 ont été oubliés et les républicains semblent paralysés devant cette situation.
Lorenzo souligne l’impuissance de tous ceux qui préfèrent le langage à l’action et se moque des discours patriotiques qui ne sont suivis d’aucun effet. Les anachronismes de la pièce ( le bonnet de la liberté, la barbe coupée comme signe de ralliement au parti républicain, la mention des banquets patriotiques, réalité de 1834 et non de 1637) témoignent bien de la volonté qu’a Musset de mettre en cause les républicains de son temps par le biais des sarcasmes de Lorenzo.
Son ironie éclate dans la scène avec son oncle Bindo et le seigneur Venturi: « Pas un mot? Pas un beau petit mot bien sonore? Vous ne connaissez pas la véritable éloquence » (Acte II, scène 4). En comparant les beaux discours à la toupie d’un enfant, il souligne le caractère vain d’une parole considérée comme un amusement pour des hommes incapables d’accéder à l’âge adulte. De même, à la scène 3 de l’acte III, Lorenzo raconte ses errances à travers la ville avec la même moquerie: « J’ai bu dans les banquets patriotiques le vin qui engendre la métaphore et la prosopopée« , et c’est bien ce genre de réunion inefficace que Musset nous donne à voir dans la scène de banqCependant cette critique ne semble pas se limiter aux lendemains de 1830. Les sarcasmes que Lorenzo formule se présentent sous une forme beaucoup plus générale. Il s’agit de remettre en cause l’humanité dans son ensemble. Première évidence: l’universelle corruption. Aucun personnage dans la pièce n’y échappe et la première tirade de Lorenzo annonce l’ensemble de la pièce: Gabrielle, Bindo, Venturi, Tebaldeo même se laissent séduire par les paroles de Lorenzo, et acheter avec l’argent du duc. Face à sa tante, le jeune homme va jusqu’à commencer un discours de corruption qu’il interrompt dans la crainte de réussir: « Catherine n’est-elle pas vertueuse, irréprochable? Combien faudrait-il pourtant de paroles pour faire de cette colombe ignorante la proie de ce gladiateur aux poils roux?« . Lorenzo lui-même n’échappe pas à cette corruption et avoue « J’aime le jeu, le vin et les filles« , reconnaissant ainsi que « le vice a été pour moi un vêtement; maintenant il est collé à ma peau« .
Deuxième caractéristique: la lâcheté humaine, que Lorenzo se plaît à souligner à plusieurs reprises, d’abord face à Philippe Stozzi: « Et me voilà dans la rue, moi, Lorenzaccio? Et les enfants ne me jettent pas de la boue?« , mais aussi lors de
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