Lecture analytique de l'excipit, du chap 32 de "Thérèse Raquin" d'Emile Zola
Commentaire de texte : Lecture analytique de l'excipit, du chap 32 de "Thérèse Raquin" d'Emile Zola. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar slimoucha • 18 Novembre 2016 • Commentaire de texte • 983 Mots (4 Pages) • 19 651 Vues
Par quels procédés l’auteur donne-t-il une dimension tragique à ce passage ?
Chef de file du mouvement naturaliste, Emile Zola est un romancier majeur de la seconde moitié du XIXème siècle. Avant d’entreprendre la rédaction des Rougon-Macquart, saga qui compte vingt titres, il publie Thérèse Raquin en 1867, un roman qui met en scène des amants meurtriers, Thérèse et Laurent, qui seront rongés par la culpabilité. C’est précisément l’excipit que nous allons étudier, passage où les deux amants décident de se tuer mutuellement sous les yeux de Mme raquin. Pour répondre à la question posée, « par quels procédés l’auteur donne-t-il une dimension tragique à ce passage ? », nous analyserons tout ce qui fait de cette scène un moment tragique.
D’une part, on a excipit tragique car il regroupe plusieurs caractéristiques de ce registre :
- Tout d’abord,la fatalité du destin est l'une des caractéristiques du tragique. Ici, les héros sont prisonniers d'une situation dont la seule issue est le suicide. On peut donc voir que le thème de la mort est omniprésent dès le début du passage avec la succession d’actions dans le premier paragraphe : « Il enleva », « remplit », « il y vida », « Thérèse s’était accroupie », « elle avait pris ». Ces actions accomplies parallèlement par les deux amants « Pendant ce temps, Thérèse » donne une sensation de dénouement proche. D’autres expressions donnent une impression de mort imminente : « cette sensation étrange qui prévient de l’approche d’un danger », « Ils comprenaient », « retrouvant sa propre pensée chez son complice », « sentant que le dénouement était proche ».On peut aussi voir que la récurrence du mot « mort » et le champ lexical de celle-ci « couteau », « poison », « foudroyés », « cadavres » accentuent cette fatalité.
- Ensuite, on constate que les personnagesressentent des sentiments tragiques : d’un côté ils souffrent à cause de leur vie difficile : « la vie de boue qu’ils avaient menée et qu’ils mèneraient encore » mais aussi face à ce dénouement tragique, plusieurs termes se rattachant à la souffrance nous montrent ceci : « sanglots », « une crise suprême », « faible », « ils pleurèrent », « besoin de repos, de néant ». D’un autre côté ils sont soulagés : « remerciements », « trouvant enfin une consolation », toutes ces émotions sont tragiques et font référence au dénouement tragique de ce texte.
- Puis, le thème de l’amour, présent ici, se rattache à la tragédie : les 2 personnages sont unis dans ce dernier moment, leur réconciliation est expliquée par la lassitude et du dégout : « ils se sentirent tellement las et écœurés d'eux-mêmes, qu'ils éprouvèrent un besoin immense de repos, de néant ».
- Enfin, les termes «horreur et pitié», employés dans la phrase qui précède immédiatement le passage étudié se réfèrent à la terreur et la pitié, or ceux-là sont les ressorts de la tragédie.
D’autre part, ce passage est tragique car il est théâtralisé :
- Tout d’abord, cette scène se rapproche du dénouement théâtral : premièrement parce que dès la première phrase, le mot « dénouement» est répété mais aussi parce que cet excipit correspond à la scène finale d'une pièce de théâtre où il y a la solution du problème ; le suicide.
- Ensuite, le rôle de madame Raquin correspond à celui du spectateur ; passive, observatrice. On le voit grâce au champ lexical du regard :« yeux», dans la première et la dernière phrase, « contemplant», «regards», qui trouve son écho dans le regard de pardon échangé entre Thérèse et Laurent. Mais les yeux de Madame Raquin sont, dans le premier paragraphe, «fixes et aigus», comme pour mieux voir et précipiter une mort imminente, et ils traduisent à la fin un triomphe : «ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds.» Cette vengeance accomplie est la tragédie de vengeance dans le théâtre.
- Puis, La gestuelle et l’expression du corps : « en frissonnant » (l. 79) ; « fit tourner la tête » (l. 92) ; « éclatèrent en sanglots » (l. 103) ; « les jeta dans les bras l’un de l’autre » (l. 104) ; « Ils pleurèrent » (l. 106) ; « Thérèse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent qui l’acheva d’un trait » (l. 114). Les notations sont extrêmement précises : « Ils tombèrent l’un sur l’autre » (l. 115). Même dans la mort, leurs postures sont indiquées : « tordus, vautrés » (l. 119). (question 15) – L’expression des visages : « les yeux vagues, les lèvres pâles » (l. 76) ; « Chacun d’eux resta glacé » (l. 98) ; « leur visage bouleversé » (l. 11). (question 15) – Le jeu des regards qui est double. (question 16) Laurent et Thérèse se regardent : « ils se regardèrent » (l. 93) ; « Thérèse vit le flacon » (l. 93) ; « aperçut » (l. 94) ; « Ils s’examinèrent » (l. 95) ; « Ils échangèrent un dernier regard, un regard de remerciement » (l. 111- 112). Et Mme Raquin les regarde : ce sens est particulièrement important pour cette vieille infirme qui est devenue aphasique. Regarder est, pour elle, non seulement une façon de percevoir la réalité mais aussi de s’exprimer (l. 102 : « Madame Raquin [...] les regardait avec des yeux fixes et aigus »), et notamment de juger (l. 122-123 : « les contempla [...] ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds »). (question 17) L’éclairage est même précisé, ajoutant à l’atmosphère inquiétante : « éclairés de lueurs jaunâtres par les clartés de la lampe que l’abat-jour jetait sur eux » (l. 120). Toutes ces indications fonctionnent comme autant de didascalies qui rendraient aisée la mise en scène de cet explicit (ce que Zola a d’ailleurs lui-même fait en 1873).
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