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Le cinéma et l'esprit

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Par   •  25 Janvier 2013  •  650 Mots (3 Pages)  •  818 Vues

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Cinéma / esprit

Le cinéma est psychique, a dit Jean Epstein[9]. Ses salles sont de véri­tables laboratoires mentaux où se concrétise un psychisme collec­tif à partir d’un faisceau lumineux. L’esprit du spectateur effectue sans discontinuer un formidable travail sans lequel le film ne serait rien qu’un mouvement brownien sur écran, ou tout au plus un battement de vingt-quatre images-seconde. A partir de ce tour­billon de lueurs, deux dynamismes, deux systèmes de participation, celui de l’écran et celui du spectateur s’échangent, se déversent l’un dans l’autre, se complètent, se rejoignent en un dynamisme unique. Le film est ce moment où deux psychismes, celui incorporé dans la pellicule, et celui du spectateur se joignent. « L’écran est ce lieu où la pensée actrice et la pensée spectatrice se rencontrent et prennent l’aspect matériel d’être un acte » (Ep­stein[10]).

Cette symbiose n’est possible que parce qu’elle unit deux courants de même nature. « L’esprit du spectateur est aussi actif que celui du cinéaste », dit Pierre Francastel[11], autrement dit il s’agit de la même activité. Et le spectateur qui est tout, n’est également rien. La participation qui crée le film est créée par lui. C’est dans le film qu’est le noyau naissant du système de projection-identifica­tion qui s’irradie dans la salle.

Esprit naissant, esprit total, le cinéma est pour ainsi dire une sorte d’esprit-machine ou de machine à penser, « mime et frère rival de l’intelligence » (Gilbert Cohen-Séat[12]), un quasi robot. Il n’a pas de jambes, pas de corps, pas de tête, mais au moment où le faisceau lumineux vibre sur l’écran, une machine humaine s’est mise en action. Elle voit à notre place dans le sens où « voir, c’est ex­traire, lire et choisir, transformer », et, effectivement, « nous revoyons à l’écran ce que le cinéma a déjà vu[13] ». « L’écran, nou­veau regard, s’impose au nôtre[14]. » Comme un auto­mixeur, le cinéma moud le travail perceptif. Il imite machinale­ment - entendons ce mot dans son sens littéral - ce qu’on appelle non moins proprement les mécanismes psychiques d’ap­proche et d’assimilation. « Un trait essentiel du cinéma c’est qu’il opère en lieu et place du spectateur. Il substitue son investigation à la nôtre » (Henri Wallon[15]).

Le psychisme du cinéma n’élabore pas seulement la perception du réel ; il secrète aussi l’imaginaire. Véritable robot de l’imaginaire, le cinéma « imagine pour moi, imagine à ma place et en même temps hors de moi, d’une imagination plus intense et pré­cise » (François Ricci[16]). Il déroule un rêve conscient à bien des égards et à tous les égards organisé.

Le film représente et en même temps signifie. Il rebrasse le réel, l’irréel, le présent, le vécu, le souvenir, le rêve au même ni­veau mental commun. Comme l’esprit humain, il est aussi men­teur que véridique, aussi mythomane que lucide. Il ne fut qu’un instant - l’instant du cinématographe - « cet œil grand ouvert, sans préjugés, sans morale, abstrait d’influences, qui voit tout, n’escamote rien de son champ » dont parlait Epstein[17]. Le cinéma par contre est montage, c’est-à-dire choix, déformation, trucage. « Les images seules ne sont rien, seul le montage les convertit

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