LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

La Corrélation Temps-espace Dans Ville Cruelle D'Eza Boto

Dissertations Gratuits : La Corrélation Temps-espace Dans Ville Cruelle D'Eza Boto. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  27 Février 2015  •  3 685 Mots (15 Pages)  •  3 596 Vues

Page 1 sur 15

La corrélation temps-espace dans Ville cruelle d’Eza Boto

I.1.2. Comparaison : le matin-vie

Un seul cas de comparaison s’applique au matin :

« Jusqu’à ce jour-là, la vie lui était apparue comme un matin de pluie persistante, froid et sombre. ». (186).

Cet énoncé polyphonique fait référence à la vie de Banda comme un matin, puis dresse le bilan de cette vie en adjoignant des qualificatifs au matin pris pour image, pour illustration. Il (l’énoncé) comporte deux valeurs essentielles pour la compréhension de la portée existentielle du combat de Banda : une valeur culturelle et une valeur chronotopique.

- Au plan culturel, les expressions idiomatiques utilisant la comparaison se réfèrent très souvent à l’univers socioculturel des producteurs de l’idiome. Sans vouloir nous lancer dans une analyse polyphonique propre, nous relèverons trois voix dans cet énoncé :

V1 : Banda considère sa vie et la voit comme un matin de pluie persistante.

V2 : Le narrateur (omniscient) qui connaît le personnage, qu’il a lui-même créé, a pénétré sa pensée et livre le sentiment intérieur de ce dernier.

V3 : Il existe une expression populaire liée à la vie qui la compare à un matin de pluie persistante si elle présente un taux de réussite mitigé, et probablement une autre qui compare la vie à autre chose si elle est en réussite. Dans les trois cas, une même expression reviendrait :

comme un matin de pluie persistante, qui constitue la marque du culturel, la référence à la nature. En effet, le matin symbolise l’espoir, la (re)naissance de la vie. Une pluie qui tombe le matin empêche toute activité champêtre, tout travail manuel dehors. Plus elle persiste, plus l’espoir de tirer quelque chose de la journée s’amenuise. Elle apporte la fraîcheur et parce que la végétation est trempée, l’on ne saurait s’engager sur les sentiers envahis pas les hautes herbes sans se retrouver entièrement trempé et grelottant. Enfin, les nuages épais qui couvrent le ciel augmentent la pénombre dans les cases mal éclairées et sous les arbres géants et serrés de la forêt dense. Et parce que le soleil ne s’est pas encore levé, le matin de prolonge. Le jour ne se lève toujours pas. Et Banda qui n’a pas encore construit sa maison propre, ni pu prendre femme, encore moins développé une exploitation agricole qui lui permette de se marier et de soigner sa mère, ne reçoit aucune considération dans son village.

- Au plan chronotopique, la comparaison à la nature évoque l’idylle dont Bakhtine dira, à la suite de ce qui a été précédemment cité :

De plus, ce qui est particulièrement important, c’est le travail de la terre qui transforme tous les aspects de la vie quotidienne, les dépouille de leur caractère privé, purement utilitaire et plat, en fait des événements essentiels de l’existence. (p. 369)

Il y a également ici une dialectique de la rupture en ce que l’idylle est manifestée dans l’élément qui justifie la rupture avec elle. Nous faisons là un pas vers l’assimilation de la culture dans le chronotope.

Nous retiendrons néanmoins que sur un plan métaphorique, le matin symbolise la vie qui « naît », celle qu’on espère, celle qui sera; et sur un plan concret, le point central de l’idylle des travaux champêtres dont la réalisation repose sur le temps qu’il fait, le matin.

I.1.3. Contraste : le matin-illumination

Jusqu’à ce jour-là, la vie lui était apparue comme un matin de pluie persistante, froid et sombre. Et soudain, quoi qu’il fît presque nuit déjà, la terre entière fut envahie d’une abondante aube claire qui portait une énorme promesse de soleil à l’horizon. Les oiseaux chantaient à tue-tête et le ruisseau babillait plus gaiement que jamais. (VC, P. 186)

L’utilisation du contraste à la suite d’une comparaison a pour effet de rehausser la valeur de l’élément contrasté par la sublimation de la formule idiomatique exprimant l’opposé de la vie sclérosée comparée à un matin de pluie. Cette métaphore unit le passé et l’avenir au présent, le matin et la nuit au jour, l’univers cosmique et l’univers intérieur à l’endroit, l’enfant et l’adulte à l’illuminé, car c’est de cela qu’il s’agit : l’apogée de l’initiation de Banda. La lumière subitement luit dans son esprit, et les voies du bonheur lui sont ouvertes. Il s’était lancé à la conquête de la vie tout seul, sans les armes de la sagesse et de la maîtrise des forces de la nature. Mal ou pas du tout préparé à affronter la civilisation étrangère symbolisée par la ville, il n’avait aucune chance de s’en sortir ; une façon pour Mongo Beti de mettre en garde l’africain qui s’engane à l’aveuglette dans le système mis en place par la puissance colonisatrice. L’initiation, en Afrique, est faite aux jeunes par les plus vieux. Le héros de Ville cruelle, orphelin de père et à mal avec son oncle Tonga n’en bénéficie malheureusement pas. Comme le relève Henri Moukoko Gobina,

L’éducation de Banda, son initiation, quand elle ne lui est pas refusée, lui est donnée à posteriori. C’est le cas des conseils de ces vieilles femmes, amies de la mère du garçon, et qui ne demandaient qu’à aider ce dernier. Elles n’ont cependant pas pu empêcher les deux cents kilos de cacao de Banda d’être voues ‘au feu’. C’est lorsque les jeux sont pratiquement faits qu’elles s’avisent de dire à Banda ce qu’il aurait dû faire, ou plus exactement ce qu’il n’aurait pas dû faire. (p. 123)

Ceci pose un autre problème sérieusement débattu en Afrique, celui de l’éducation ou l’ (in)éducation » d’un garçon par une femme. Sans nous attarder là-dessus, nous relèverons que l’initiation que les hommes – ses oncles- ne lui ont pas données, que les femmes ne sauraient lui donner, Banda l’a reçue de la nature et des êtres de l’au-delà. La nuit dont nous parlerons plus tard en est l’un des principaux actants, associée à la forêt, au fleuve, à l’esprit du défunt père de Banda pour ne citer que ceux-là. C’est donc dans le processus de son initiation que le jeune homme vit cette expérience unique de la symbiose générale, une sorte d’Euréka ! Car, c’est à la suite de cette expérience qu’il va découvrir la cassette égarée par le couple grec. Seulement, en homme déjà initié, il ne succombe pas à la tentation de se venger en gardant le coffret et son contenu. Il peut

...

Télécharger au format  txt (22.7 Kb)   pdf (206.6 Kb)   docx (18.1 Kb)  
Voir 14 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com