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Jean-Noel Pontrybrand

Analyse sectorielle : Jean-Noel Pontrybrand. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Novembre 2013  •  Analyse sectorielle  •  1 423 Mots (6 Pages)  •  834 Vues

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Où donc se cache le littéraire ?

Jean-Noël Pontbriand

Jean-Noël Pontbriand, poète et essayiste, est professeur de création littéraire à l’Université Laval depuis plusieurs décennies. Au cours de cette longue carrière de pédagogue où il aura également été directeur des programmes de deuxième et troisième cycles en littérature, il a dirigé plus de soixante mémoires et thèses, et bon nombre de ses anciens étudiants sont maintenant des auteurs publiés. Jean-Noël Pontbriand est lui-même l’auteur de onze recueils de poèmes ainsi que d’un essai sur la création littéraire, Écrire en atelier... ou ailleurs.

Commençons par le commencement : le mot littéraire existe. Le nom, le substantif. Le qualificatif, également, dans plusieurs expressions, dont création littéraire. Je pose comme hypothèse que ces deux mots (ou le même mot utilisé dans des contextes différents) ne veulent pas dire n’importe quoi au gré des fantaisies de quiconque décide de les utiliser.

Je pose également que, même si ce mot existe, sa signification n’est pas évidente, autrement, il y a longtemps que tous s’entendraient sur ce qui constitue une œuvre litté- raire, et ceux qui ont pour mission de récompenser les meilleurs en leur attribuant des prix se mettraient vite d’accord sur tel ou tel livre ou écrit. Or il n’en est rien. Chaque jury se concocte des petits critères de circonstance, des prêts-à-porter, qui lui permettent de légi- férer selon les tendances de l’heure et la dérive des continents. Mais il me semble un peu arbitraire de conclure, à partir de cette constatation, qu’il est inutile de « s’arracher les che- veux » pour préciser le sens du mot littéraire et de « s’enfler les méninges » pour écrire des textes pouvant être qualifiés, par les snobs, de littéraires, alors que c’est la vie et l’existence qui nous intéressent ou devraient nous intéresser.

Tout cela signifie que les concepts littéraire et littérature ne sont pas très opératoires. Ils sont là, mais d’une façon tellement floue, tellement ouverte que la plupart concluent qu’il ne vaut pas la peine de s’en occuper. À un point tel que même ceux qui ont pour mission, si je puis dire, de faire vivre à la fois le mot et la chose, les professeurs de littérature et les écrivains, ont, depuis quelques années pour ne pas dire quelques décennies, cessé de se référer à cet « épouvantail » pour guider leur conduite. Depuis que certains magazines populaires, que des films de seconde zone sont considérés, par les chercheurs en littérature, comme des œuvres suffisamment importantes pour qu’on doive consacrer à leur analyse des milliers de dollars (par le biais des subventions) et plusieurs années de recherche, les

Ce que peut la littérature | 21

notions de littéraire et de littérature en ont pris un bon coup sur la margoulette. « Tiens- toi, et ne viens pas nous dire que nous ne sommes pas des littéraires. » Adieu, littérature : vive le texte.

Dans la mesure où cette position est non seulement adoptée, mais décrétée la seule qui puisse être qualifiée de moderne et même de postmoderne, la création littéraire devient de la production de texte, avec recherche ou sans. De quel texte ? N’importe lequel, à condition que l’auteur ait prédéterminé (si possible « scientifiquement ») les balises à l’in- térieur desquelles ils doivent (lui et le texte) évoluer. Qui peut intervenir sur un tel texte ? Bien entendu, personne.

Le seul spécialiste qui puisse prétendre, à la rigueur, au droit d’intervenir sur ces textes est le théoricien qui dicte les lois du texte, l’idéologue à qui il faut demander sa bé- nédiction et le linguiste qui doit s’assurer que le texte suit bien les lois et les normes de la langue à l’intérieur du terrain de jeu déterminé au départ. Corriger le texte veut alors dire : relever les fautes de syntaxe, d’orthographe, de ponctuation, et préciser si le texte est fidèle à ses présupposés. Comme il en va pour l’épreuve uniforme de français, dont le sujet est déterminé par un tiers, les fonctionnaires, et dont la forme est imposée par la coutume, la dissertation. Et vive l’hégémonie des idées claires et distinctes, de même que l’uniformité de tous par un discours impersonnel, vidé de toute émotion et, du strict point de vue de la connaissance, inutile !

Mais on y tient. Il faut s’accrocher à des critères qui permettront aux professeurs d’assurer leur

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