Extrait de la Controverse De Valladolid de Jean-Claude Carrière
Compte Rendu : Extrait de la Controverse De Valladolid de Jean-Claude Carrière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar 14janvier • 21 Septembre 2014 • 803 Mots (4 Pages) • 1 805 Vues
La Controverse De Valladolid
2. Extraits La controverse de Valladolid, Jean-Claude Carrière, Belfond - Le Pré aux Clercs 1992
Première partie - L'argumentation de Las Casas-Chapitre 3, pages 39 à 45
Il adresse un geste conciliateur au dominicain, qui est resté debout devant lui. Et Las Casas n'hésite pas :
- Oui, tout ce que j'ai vu, je l'ai vu se faire au nom du Christ ! J'ai vu les Espagnols prendre la graisse d'Indiens vivants pour panser leurs propres blessures ! Vivants ! Je l'ai vu ! J'ai vu nos soldats leur couper le nez, les oreilles, la langue, les mains, les seins des femmes et les verges des hommes, oui, les tailler comme on taille un arbre ! Pour s'amuser ! Pour se distraire ! J'ai vu, à Cuba, dans un lieu qui s'appelle Caonao, une troupe d'Espagnols, dirigés par le capitaine Narvaez, faire halte dans le lit d'un torrent desséché. Là ils aiguisèrent leurs épées sur des pierres, puis ils s'avancèrent jusqu'à un village et se dirent : Tiens, et si on essayait le tranchant de nos armes ? Un premier Espagnol tira son épée, les autres en firent autant, et ils se mirent à éventrer, à l'aveuglette, les villageois qui étaient assis bien tranquilles ! Tous massacrés ! Le sang ruisselait de partout !
- Vous étiez présent ? demande le cardinal.
- J'étais leur aumônier, je courais comme un fou de tous côtés ! C'était un spectacle d'horreur et d'épouvante ! Et je l'ai vu ! Et Narvaez restait là, ne faisant rien, le visage froid. Comme s'il voyait couper des épis. Une autre fois j'ai vu un soldat, en riant, planter sa dague dans le flanc d'un enfant, et cet enfant allait de-ci de-là en tenant à deux mains ses entrailles qui s'échappaient !(…) Une autre fois, Éminence, toujours à Cuba, on s'apprêtait à mettre à mort un de leurs chefs, un cacique, qui avait osé se rebeller, ou protester, et à le brûler vif. Un moine s'approcha de l'homme et lui parla un peu de notre foi. Il lui demanda s'il voulait aller au ciel, où sont la gloire et le repos éternels, au lieu de souffrir pour l'éternité en enfer. Le cacique lui dit : Est-ce que les chrétiens vont au ciel ? Oui, dit le moine, certains d'entre eux y vont. Alors, dit le cacique, je préfère aller en enfer pour ne pas me retrouver avec des hommes aussi cruels! (…) J'ai vu des cruautés si grandes qu'on n'oserait pas les imaginer. Aucune langue, aucun récit ne peut dire ce que j'ai vu.(…)
- Éminence, dit-il, les chrétiens ont oublié toute crainte de Dieu. Ils ont oublié qui ils sont. Oui, des millions ! Je dis bien des millions ! À Cholula, au Mexique et à Tapeaca, c'est toute la population qui fut égorgée ! Au cri de " Saint Jacques ! ". Et par traîtrise ! En faisant venir d'abord les seigneurs de la ville et des environs, qu'ils enfermèrent au grand secret, pour qu'aucun d'eux ne pût répandre la nouvelle. Après quoi on convoqua cinq ou six mille hommes que les Espagnols avaient requis pour porter leur bagage. Ils arrivent, maigres et nus, soumis, pitoyables, on les fait asseoir par terre et soudain,
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