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Correction de l’étude linéaire sur le poème de Ronsard : « Je n’ai plus que les os »

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Par   •  9 Janvier 2023  •  Commentaire de texte  •  1 602 Mots (7 Pages)  •  454 Vues

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Correction de l’étude linéaire sur le poème de Ronsard : «  Je n’ai plus que les os  »

« Prince des poètes » de la seconde moitié du XVIe siècle, chef de fil de « la Pléiade » qui n’a eu de cesse de se nourrir des grands mythes de l’Antiquité et de s’inspirer des langues latine et grecque pour accroître la beauté de la langue française de son temps, Ronsard reste le chantre de l’amour, du « carpe diem » (« cueille le jour ») contre la fuite du temps, et promet l’immortalité poétique aux « muses » célèbres et dames de la Cour de France qu’il a louées, telles Cassandre, Marie ou Hélène.                 Pourtant, le recueil posthume de ses derniers vers (1586) présente une image bien éloignée du poète sûr de son art pour célébrer l’amour victorieux de la mort. Atteint de la goutte et d’arthrite, il est à son tour rattrapé par le temps, et le poème intitulé « Je n’ai plus que les os » est l’un des derniers sonnets en alexandrins qu’il a composés peu avant sa disparition. Comment la poésie de Ronsard intensifie-t-elle la vision tragique de sa fin en lui permettant de transfigurer sa mort inéluctable ?                Nous verrons comment le poète, à partir d’un autoportrait macabre, révèle son impuissance de mortel puis dépasse la fatalité.  

En premier lieu, le poète présente à ses proches et aux lecteurs une vision morbide et déshumanisée de sa personne, en amplifiant la dégradation physique dont il fait l’objet aux dernières heures de son existence.                                         En effet, dès le premier vers, nous assistons à sa décomposition, marquée par la tournure restrictive et la comparaison funèbre, rehaussée par les sonorités macabres et la structure en chiasme : « Je n’ai plus que les os, un squelette je semble ».                  Cet affaissement physique est ensuite amplifié par l’énumération décrivant sa dévitalisation, martelée par le préfixe privatif et le vers divisé en quatre, découpant et dépeçant littéralement son corps : « Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé ».                Le tableau de cette pulvérisation se prolonge par l’enjambement, mis en valeur par la subordonnée relative et la personnification violente de la « Faucheuse » : « Que le trait de la mort sans pardon a frappé; » Les échos sonores lugubres et le passé composé à la rime  accentuent bien l’achèvement de son existence : le poète se décrit déjà tel un mort, un fantôme qui se prend même en horreur : « Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble. » Le regard paradoxal du poète se répugnant à lui-même est encore accentué par le miroir des rimes embrassées (« semble/ tremble ») et par les allitérations dissonantes.

Le lecteur assiste ensuite au constat d’impuissance du poète se considérant déjà comme perdu, voire trahi par son art.         Ainsi, la mention des dieux des arts et de la médecine « Apollon et son fils » et la périphrase d’abord méliorative des « deux grands maîtres ensemble », sont ensuite renversées par l’enjambement et le conditionnel accompagné d’une négation totale  : « Ne sauraient me guérir; ». La protection divine dont le poète croyait illusoirement bénéficier durant sa quête poétique vers l’immortalité était donc un leurre, et il le déclare  à travers un verbe au passé composé amer et irrévocable :                         «  Leur métier m’a trompé. »  Ce renoncement à l’inspiration divine, mythologique est-il un ultime jeu littéraire et spirituel du poète ou marque-t-il une prise de conscience cynique sur la vanité de l’art et du savoir humain face à la mort ?        Toujours est-il que le pivot ou centre du poème est marqué par cette acceptation, cet abandon résigné de l’existence :         «  Adieu, plaisant Soleil! mon œil est étoupé ». La nature est ici apostrophée et personnifiée à travers son élément le plus symbolique et le plus puissant dans la pensée antique, et le poète amplifie son aveuglement forcé par la mort devant cette beauté qui l’a si longtemps inspiré à travers la synecdoque de l’ « œil » et l’affaiblissement de ses sens, la fin des plaisirs de l’existence.         Une antithèse de la lumière de la vie humaine à l’ombre de l’au-delà est ainsi suggérée par l’annonce du voyage infernal:         «  Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. » Le futur proche et les échos sonores figurent ce glissement et cette disparition physique du poète, mais à travers un lexique plus atténué et plus doux pour évoquer la dernière escale de son âme ?                                                                                                                                                          Pour Ronsard, cette acceptation de la fin passe alors par un changement de point de vue et une mise à distance du corps grâce à une mise en scène apaisée de sa propre cérémonie funèbre, à travers le regard et les réactions de ses amis et de ses proches.                Ce retournement s’opère par le biais d’une question oratoire entamant le premier tercet du sonnet pour continuer jusqu’au suivant, comme pour prolonger le deuil de ces êtres chers qui l’entourent de ses soins, mis en valeur par les participes présents :         « Quel ami me voyant en ce point dépouillé » / Me consolant au lit et me baisant la face, / En essuyant mes yeux » Les échos sonores et rimes intérieures, alliées aux synecdoques de « l’œil mouillé » des amis, miroir de la « face » du poète suggèrent un tableau funéraire se figeant devant les lecteurs et atténuant peu à peu la première vision macabre du poète fauché par la mort :         « En essuyant mes yeux par la mort endormis ? ». A travers cet euphémisme, la violence du premir quatrain où le poète se décomposait sous nos yeux semble donc laisser la place à une acceptation plus chrétienne de la fatalité du sort, grâce à cette anticipation de l’hommage funèbre que lui temoigneront ses proches et qui fait de ce sonnet un véritable tombeau poétique.        Ronsard  achève alors cette cérémonie de deuil par une apostrophe à valeur d’épitaphe, comme lancée d’outre-tombe :         « Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis ! Je m’en vais le premier vous préparer la place. » La solennité de cette pointe du sonnet est accentuée par l’anaphore et la symétrie des formules affectives ainsi que par le retour de la première personne énonçant au futur proche l’ultime mission que s’est fixée le poète dans l’au-delà : être un nouvel Orphée ou une figure christique de la poésie pour ses proches ou héritiers, et offrant jusqu’à sa mort aux lecteurs une image sublimée de son art.

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