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Commentaire sur le sonnet Remords Posthumes de Charles Baudelaire

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Par   •  9 Octobre 2014  •  2 079 Mots (9 Pages)  •  1 575 Vues

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Commentaire

Au poète avide d’infini, l’amour sensuel peut offrir quelques instants d’évasion mais non la paix et la satisfaction de l’âme. Et, pour Baudelaire, la douceur traîtresse de cet amour avait un arrière-goût de péché et de mort, de perdition et de néant : le charme physique de la femme aimée éveillait irrésistiblement l’horreur du tombeau, de la décomposition de la chair, et la hantise du péché qui prépare les longs remords.

Dans ‘’Remords posthume’’, sonnet en alexandrins écrit en 1847, qui parut le 1er juin 1855, dans ‘’La revue des deux mondes’’ puis fut, en 1857, placé dans le recueil ‘’Les fleurs du mal’’, dans cette partie de “Spleen et idéal” qui est dominée par le thème de la femme sensuelle, Baudelaire traita un thème éternel, illustré notamment par Horace («Carpe diem quam minimum credula postero» [«Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l'avenir»], ‘’Odes’’, I, 11, 8, ‘’À Leuconoé’’), par Ronsard (‘’Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle’’), par Corneille (‘’Stances à Marquise’’), le thème désigné comme étant celui du «carpe diem», lui donnant toutefois un aspect paradoxal, du moins inédit : en effet, le poète ne s'adresse pas à la jeune femme pour l'inviter à jouir aujourd'hui des plaisirs de la vie ; au contraire, il lui reproche de l’avoir trop fait car il est trop tard pour profiter de la vie, la mort étant déjà là ; et, à défaut de rassurer et de revigorer, il alerta, inquiéta, poussant le tableau de la mort jusqu’au réalisme le plus sinistre, le plus macabre. Et terrible est le souhait que la femme infidèle soit condamnée au remords éternel.

On devine que le poème est une confidence. On peut considérer que les mots de Baudelaire sont adressés à Jeanne Duval, «la Vénus noire», la maîtresse qui lui inspirait amour mais aussi haine du fait de son caractère volage, qu’il les écrivit dès le début d’une liaison qui allait être constamment orageuse.

Apportant des modifications dans la conception classique du sonnet, il développa un texte formé d’une longue phrase de treize vers dont la longueur semble vouloir mimer l’éternité post-mortem, qui montre la femme dans le tombeau, qui impose la vision funeste. Les verbes y sont au futur de l'indicatif, futur de certitude. La deuxième phrase du texte, qui a la brièveté d'une chute, occupe le dernier vers du poème. Cependant est bien respectée la tradition du sonnet qui veut que les tercets s’opposent aux quatrains, car ceux-ci sont consacrés à la vision de la morte dans le tombeau, tandis que les tercets évoquent la punition que lui fera subir la mort.

Examinons le poème strophe par strophe :

Premier quatrain :

En évoquant un avenir dans une proposition circonstancielle de temps commençant par «Lorsque tu dormiras», Baudelaire s’adresse à une femme qu’il tutoie, ce qui indique le lien (connivence, proximité) qui l’unit à elle. Il l’appelle «ma belle ténébreuse», ce qui n’est pas tant la féminisation de l’expression traditionnelle, «un beau ténébreux», par laquelle on désigne un bel homme à l’air mystérieux et mélancolique, qu’une allusion à la peau et à la chevelure noires de Jeanne Duval (cette Haïtienne était «brune comme les nuits» [‘’Sed non satiata’’]), et à son caractère ombrageux ; enfin, est ainsi annoncée la mort.

Celle-ci peut se lire au vers 2, où est produit un effet baroque de surprise, car l’évocation du sommeil de cette femme se révèle être un euphémisme faisant de la mort une forme de repos, de paix. Première punition qui lui est infligée, son sommeil aura lieu «Au fond d’un monument», la mort étant enfouissement et écrasement sous le poids d’un tombeau qui est «construit en marbre noir», pierre noble d’une beauté majestueuse et d’une grande richesse, qui signifie aussi, avec le deuil, la froideur que Baudelaire reprochait à sa «belle ténébreuse».

Au vers 3, se branche une deuxième proposition temporelle qui, avec «Et lorsque» et un nouveau futur, est la reprise en parallèle de la première. Le poète attribue alors à cette femme «alcôve et manoir», la fréquentation de la première (lieu voué à l’activité sexuelle, cette femme étant d’ailleurs plus loin qualifiée de «courtisane») permettant l’acquisition du second. Mais l’enjambement du vers 3 au vers 4 ménage la surprise, déjà sous-jacente dans le rétrécissement d’un «n’» qui doit être suivi d’un «que», qu’apporte le vers 4.

En fait, atroce réalité funèbre, cette femme n’aura, puisqu’elle est morte, «Qu’un caveau» et «qu’une fosse», deux mots qui, avec «alcôve et manoir», forment un chiasme. Et que le «caveau» soit «pluvieux» et la «fosse» «creuse» vient contredire cruellement la magnificence du vers 2, tandis que les sonorités dures («k» et dentales) procurent un effet désagréable de martèlement.

La strophe se termine sur un point-virgule puisqu’elle n’est occupée que par une proposition subordonnée.

Second quatrain :

Avec «Quand», s’ouvre une troisième proposition temporelle qui va, selon un crescendo, poursuivre l’idée de l’écrasement et de l’étouffement dans le «monument» qui devient une sorte de prison.

Est mentionnée une «pierre» qui est évidemment la pierre tombale que le poète se plaît méchamment à voir comme pesant de tout son poids sur le corps de sa «belle ténébreuse», la mort étant un supplice imposé par un bourreau et non un aboutissement. Pourtant, cette prédiction d'avenir fatal débute par une indication des charmes physiques et intimes de cette femme, car les éléments de son corps qui sont choisis sont sources de sensualité : la «poitrine» (qui est qualifiée de «peureuse», parce qu’elle se cache, ou par une hypallage qui lui attribue un sentiment alors que c’est la femme elle-même qui est «peureuse») et les «flancs» (mot par lequel on désignait poétiquement le ventre de la femme, dont ici est vantée la douceur molle et séduisante : le «charmant nonchaloir», la nonchalance, le relâchement de tous les muscles, l’indolence, l'insouciance dans lesquels se complaisait la Créole qu’était Jeanne Duval).

On remarque au vers 5, coupé irrégulièrement pour mettre en valeur le supplice, la lourdeur que lui impriment les allitérations en «p» et en «r».

Aux vers 7 et 8, l’action qu’indique le verbe ajoute encore, avec une sorte de jubilation cruelle, à la réduction

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