Ventre de l'Atlantique
Résumé : Ventre de l'Atlantique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cheikh Ahmed Sidi Mohamed • 18 Novembre 2024 • Résumé • 4 084 Mots (17 Pages) • 27 Vues
L'équipe du village commençait à s'émietter. Les
aimaient toujours le foot, mais ils
garçons
suppor-
taient de moins en moins les réflexions de l'entraineur.
Oui était-il pour briser leurs rêves? Ne pouvait-il
comprendre qu ils voulaient sauver leur avenir que
le sable de 1'ile menaçait d'engloutir ? Que pouvait-
il savoir de leur misère, de leur couscous au poisson
tous les soirs, de leurs parents inquiets qui comp-
taient sur eux pour leurs vieux jours ? Dans son loge-
ment de fonction, que pouvait-il entendre des sanglots
nocturnes de leur maman lorsqu'il n'y avait rien à
mettre dans la marmite ? Lui, au moins, recevait tous
les mois son salaire de fonctionnaire. Il n'avait donc
qu a garder son stoicisme et ses belles idées pour lui.
N'est-il pas facile de philosopher quand on a le
Ventre plein ? Eux en avaient assez de se suçoter les
Joues et d'inventer des tours de magie pour transfor-
poisson séché en steak rouge. Ils étaient plus
mer le
Chaque miette de vie doit servir à
que déterminés.
conguérir la dignité!
arguments de Ndétare étaient faciles
En outre, les
à démonter: il de Barbès d'être un
il accusait 1'homme
affabulateur par jalousie, ou peut-être avait-il une
dent contre lui; d'ailleurs, ils ne se parlaient pas. Et
puis, cette histoire de Moussa, ils commençaient à en
avoir assez de l'entendre. Bien sûr, ce pauvre bougre
n'avait pas eu de chance, mais ce n'était pas une raj-
son suffisante pour décourager tout le monde. Des
émigrés qui avaient réussi, ils en avaient vu en dehors
de l'homme de Barbès. D'ailleurs, le natif de I'ile le
plus fortuné était un ancien émigré, installé mainte.
nant en ville où il avait plusieurs villas. Et celui-là.
ils l'avaient rencontré justement lors des obsèques de
Moussa. Tous les villageois l'enviaient et, pour une
fois, I'homme de Barbès se fit tout petit.
Ce verni de l'émigration répondait au nom d'El-
Hadji. On I'appelait ainsi depuis son retour du pèle-
rinage à La Mecque, mais en réalité il s'appelait
Wagane Yaltigué. Avec ce titre honorifique d'E-
Hadji, ses trois femmes et ses nombreuses pirogues de
peche, toutes équipées de puissants moteurs, Wagane
briguait le rang de notable. Ses pirogues suscitaient
l'admiration de ces jeunes footballeurs, tous fils de
pêcheurs. Cet homme incarnait, à leurs yeux, la plus
belle des réussites. Wagane le savait et s'en délectait.
À chacun de ses mouvements, le bruissement de son
A
grand boubou de basin, bien amidonné, rappelait aux
leur por-
jaloux nombre
villageois tout ce que la vie tenait hors de
tée: la fortune. Il savait aussi qu'en comptant les
et les haineux, ses ennemis étaient au
des poils de sa barbe. Alors, convoi-
pour attiser leur
tise, il retroussait de temps en tenmps les manches de
son boubou, découvrant une montre en or qui lany
des reflets s moqueurs dans les yeux envieux, Au
ent du déjeuner, face à ses voisins autour du bol.
Wagane enfournait ses bouchées avec asSsurance, A
de certains, qui baissaient pudiquement
la différernce de
la tête, s soit pour respecter le deuil, soit pour cacher
des dents jaunes ou ur
une mâchoire dégarnie, lui décou-
Vrait e effrontément ses dents en or.
Avant de s'envoler pour la France, Moussa, lors
de son court séjour à M'Bour, avait travaillé dans
I'une des pirogues de Wagane. Mais ce n'était pas le
seul motif de la venue de cet ancien villageois devenu
un riche citadin. Plusieurs fois déjà, ses équipes de
pêche avaient perdu l'un des leurs, sans qu'il ne se
erût obligé de participer aux obsèques. On peut dire
que la mort de certains de ses employés l'avait moins
affecté que la perte d'un filet. Après tout, des hommes
pauvres, prêts à fouiller le ventre de l'océan Atlan-
...